Chapitre 3

De retour à Paris, j'ai ignoré les rumeurs qui couraient à la Sorbonne. Ma réputation était déjà faite, je n'avais plus rien à perdre.

Au lieu de me morfondre, j'ai passé mes soirées à la bibliothèque, plongée dans des livres sur les bijoux anciens et le folklore européen. La broche était un artefact du 18ème siècle, originaire d'Europe de l'Est. Les légendes parlaient de "transfert d'âme" ou de "partage de fardeau". La vérité était plus sordide.

Pendant ce temps, je mettais mon propre plan en action. Mon blog, "Les Chroniques d'Amélie", avait une audience fidèle. J'ai commencé à y distiller des indices. Des articles sur l'histoire des "bijoux maudits", des réflexions sur la perception et la réalité, sur la façon dont une réputation peut être fabriquée ou détruite.

J'ai aussi installé une discrète caméra de sécurité dans le salon de notre appartement parisien, celui que je partageais avec Chloé. Je voulais des preuves.

Ce que j'ai vu a dépassé mes attentes.

Presque chaque soir, Chloé ramenait quelqu'un. Des hommes différents, parfois plusieurs en une nuit. L'appartement se transformait en une scène de débauche silencieuse. Des bouteilles d'alcool vides s'accumulaient, une odeur de fumée et de parfum bon marché flottait dans l'air le matin.

Elle ne faisait aucun effort pour être discrète. Elle savait que je ne dirais rien. Qui me croirait ?

Un matin, je l'ai trouvée dans la cuisine, fraîche et radieuse comme toujours. Elle a pointé du doigt un verre cassé sur le sol.

« Tu devrais faire plus attention, Amélie. Maman serait furieuse si elle voyait ce désordre. »

C'était son verre. Son invité de la nuit l'avait fait tomber.

Je n'ai pas répondu. J'ai simplement pris une pelle et une balayette pour nettoyer.

« Tu sais, » a-t-elle continué, en se servant un café, « il y a des rumeurs qui disent que tu vois un prêtre. Pour un exorcisme. C'est ridicule. »

Elle riait.

J'ai arrêté de balayer et je l'ai regardée droit dans les yeux.

« Ce n'est pas un prêtre. C'est un spécialiste des malédictions. Il dit que parfois, les objets peuvent être porteurs de malchance. Il m'a conseillé de détruire tout ce qui me semble suspect. Surtout les cadeaux récents. »

Le sourire de Chloé s'est figé. Une lueur de panique a traversé son regard.

« C'est stupide. De la superstition. »

« Peut-être. Mais je suis désespérée. Je suis prête à tout essayer. »

Je l'ai vue déglutir. Elle pensait à la broche. La sienne. Celle qui lui permettait de vivre sa double vie en toute impunité.

Elle ne savait pas que la deuxième broche, sa jumelle, était maintenant portée par Louis.

Le doute était semé. La peur commençait à la ronger.