Chapitre 3

Le livreur a remballé sa précieuse boîte en marmonnant des insultes et il est parti, laissant derrière lui un silence pesant.

Je suis restée figée, incapable de bouger, le visage en feu. Je voulais disparaître.

Mes collègues ont détourné le regard, retournant à leurs écrans avec un zèle suspect. L'air était lourd de mon humiliation.

J'ai attrapé mon téléphone, les mains tremblantes. J'allais appeler Julien, exiger une explication, crier, pleurer.

Mais avant que je puisse composer son numéro, une notification Instagram est apparue.

C'était une story. De Manon.

Manon était une jeune stagiaire dans la start-up de Julien. Ambitieuse, jolie, et toujours un peu trop familière avec lui.

Sur la photo, elle posait, radieuse, un sac de luxe flambant neuf à son bras. Un modèle que j'avais vu en vitrine, qui coûtait plusieurs milliers d'euros.

La légende disait : « À peine vu en vitrine, déjà dans mes bras. Mon patron est le plus adorable ! »

Le mot « patron » était accompagné d'un emoji cœur.

Le téléphone m'est tombé des mains.

Le sac. Le message. La carte bloquée pour 95 euros.

Tout s'est connecté dans mon esprit avec une clarté brutale et douloureuse.

Ce n'était pas de l'économie. C'était du contrôle.

Ce n'était pas pour notre avenir. C'était pour le sien. Avec elle.

Mes sacrifices finançaient ses cadeaux pour sa maîtresse.

J'ai couru aux toilettes et j'ai vomi. J'ai pleuré en silence, des larmes de rage et de dégoût, jusqu'à ce que je n'aie plus de force.

Quand je suis rentrée à l'appartement ce soir-là, Julien était sur le canapé, comme si de rien n'était.

Il a levé les yeux de son ordinateur.

« Ah, te voilà. La journée a été bonne ? »

J'ai jeté mon sac par terre.

« Pourquoi as-tu bloqué ma carte, Julien ? »

Il a soupiré, comme si j'étais une enfant capricieuse.

« On en a déjà parlé. 95 euros pour des gâteaux, Chloé, sérieusement ? Il faut être responsable. »

« Responsable ? »

J'ai sorti mon téléphone et je lui ai montré la story de Manon.

« Et ça, c'est responsable ? Un sac à deux mille euros ? »

Il n'a même pas eu l'air surpris. Juste agacé.

« Tu fouilles mes relations professionnelles maintenant ? Manon est une excellente stagiaire, c'est une prime de performance. Ça n'a rien à voir. »

Il a balayé mes larmes, ma douleur, ma question d'un revers de main. Il a refusé de discuter. L'incident était clos. Pour lui.

Pour moi, la guerre venait de commencer.