Le soleil de plomb était impitoyable. Chaque rayon sur ma peau était comme une lame de rasoir. Le contremaître m'a donné une houe et m'a désigné une rangée de vignes.
« Travaille. »
Mes mains tremblaient tellement que je pouvais à peine tenir l'outil. Mes jambes flageolaient. Après quelques minutes, je me suis effondrée dans la poussière.
Le contremaître m'a relevée sans ménagement.
« Le patron a dit de travailler. »
Je sentais les regards des invités du banquet sur moi. J'entendais leurs murmures, leurs rires étouffés. Chloé me regardait depuis la terrasse, un verre de vin à la main, savourant son triomphe.
La douleur dans mon corps était maintenant si intense qu'elle en devenait abstraite. C'était une présence constante, un bruit de fond à mon agonie. Mais une autre sensation commençait à naître. Une légèreté étrange, comme si mon esprit commençait à se détacher de mon corps.
Je pouvais voir la scène d'en haut : mon corps frêle, luttant dans la terre, et les figures lointaines qui me regardaient mourir.
Une voix a résonné, non pas dans mes oreilles, mais au plus profond de mon être. C'était une voix ancienne, puissante, la voix de la Terre elle-même, de la Nature.
« Ton sacrifice est accompli. La dette de ta famille est payée. Tu es libre. »
Un sentiment de paix immense m'a envahie. La douleur a disparu, remplacée par une douce chaleur. Je n'étais plus Amélie, la femme d'Étienne, la dernière d'une lignée de vignerons. J'étais autre chose.
Mon corps physique, agenouillé dans la poussière, a commencé à se dissoudre. Il s'est transformé en un tourbillon de feuilles de vigne, vertes et dorées, qui ont été emportées par le vent.
Le contremaître a reculé, les yeux écarquillés de terreur. Les invités sur la terrasse se sont levés, pointant du doigt le phénomène incroyable.
Étienne et Chloé ont regardé, stupéfaits. Le sourire de Chloé s'est effacé, remplacé par une expression de pure horreur.
Le tourbillon de feuilles a balayé le vignoble, puis s'est élevé dans le ciel, disparaissant dans la lumière du soleil couchant.
Il ne restait plus rien de moi. Seulement le silence, et la peur qui commençait à s'installer sur les visages de ceux qui m'avaient condamnée.