La Dame de la Vigne : Quand l'Âme Devient Légende
img img La Dame de la Vigne : Quand l'Âme Devient Légende img Chapitre 1
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Chapitre 1

Les ouvriers d'Étienne ont débarqué au lever du soleil. Je les ai vus depuis la fenêtre de ma chambre, leurs silhouettes sombres se découpant sur le ciel rose de Bordeaux. Ils marchaient d'un pas lourd vers le cœur de notre vignoble, là où se trouvait la Vigne Mère.

Mon grand-père m'avait prévenue.

« Amélie, Étienne ne reculera devant rien pour cette Chloé. Fais attention à la Vigne Mère. »

Étienne, mon mari. L'homme que j'avais épousé il y a un an, dans un mariage arrangé par mon grand-père pour unir nos deux domaines et, je le pensais, pour assurer mon avenir.

Il n'a jamais cru à nos "légendes". Pour lui, la Dame Verte, l'esprit qui protégeait notre vin depuis des générations, n'était qu'un conte pour enfants. Le lien vital qui m'unissait à la Vigne Mère, une simple superstition de vieille femme.

Un bruit sourd a retenti, celui du métal frappant la terre sèche. Mon cœur s'est serré.

Je suis sortie en courant, sans même prendre le temps de mettre des chaussures. Les cailloux du chemin me blessaient les pieds, mais la douleur était insignifiante comparée à la panique qui m'envahissait.

Étienne était là, les bras croisés, un sourire arrogant sur les lèvres. À côté de lui, ses hommes s'acharnaient sur les racines de la Vigne Mère avec des pioches et des pelles.

« Étienne, arrête ! Qu'est-ce que tu fais ? »

Il s'est tourné vers moi, son regard glacial.

« Je prends ce qui est nécessaire. Chloé est malade. La sève de cette vieille branche peut la guérir. »

« C'est impossible ! C'est la Vigne Mère ! Si tu l'arraches, tu me tues ! »

Il a éclaté de rire. Un rire cruel qui a résonné dans tout le vignoble.

« Ne sois pas si dramatique, Amélie. C'est juste un vieux cep de vigne. Ne commence pas avec tes histoires ridicules. »

Une douleur fulgurante m'a transpercé le corps au moment où la racine principale a cédé dans un craquement sinistre. C'était comme si on m'arrachait un membre. Je me suis effondrée sur le sol, le souffle coupé, la vue brouillée par les larmes.

« Arrêtez... s'il vous plaît... »

Étienne m'a regardée tomber sans bouger d'un pouce.

« Quelle bonne actrice. Tu devrais aller à Paris, tu aurais plus de succès que dans ce trou perdu. »

Il a fait un signe de tête à ses hommes.

« Continuez. Extrayez toute la sève. Pas une goutte ne doit être perdue. »

Je sentais ma force m'abandonner, aspirée par la terre avec la vie de la vigne. Mes mains tremblaient, ma vision se rétrécissait. J'ai vu, comme dans un cauchemar, mes longs cheveux bruns commencer à blanchir à la racine, le signe que mon essence vitale se dissipait.

Étienne l'a remarqué. Il s'est approché, s'est accroupi et a tiré sur une de mes mèches devenues blanches.

« Impressionnant. Tu as même pensé aux accessoires. Dis-moi, combien mon grand-père te paie pour ce spectacle ? »

            
            

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