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Maxence a recruté une nouvelle mannequin. Elle s'appelait Sophie et ressemblait étrangement à Chloé. La même chevelure blonde, la même silhouette élancée. Mais ses yeux n'avaient pas la même cruauté. Pas encore.
Le surmenage m'avait rendue malade. Une forte fièvre me clouait au lit, dans une petite chambre de service au-dessus de l'atelier. Maxence avait insisté pour que je reste là, "sous surveillance".
J'ai entendu des éclats de voix depuis l'atelier. C'était Sophie.
« Il a tout annulé ! L'essayage le plus important, il l'a annulé pour aller voir cette couturière malade ! Qu'est-ce qu'elle a de si spécial ? »
La porte de ma chambre s'est ouverte. C'était elle. Son visage était déformé par la jalousie.
« C'est de ta faute, » a-t-elle craché. « Tu l'accapares. Tu fais semblant d'être malade pour qu'il s'occupe de toi. »
J'étais trop faible pour répondre. La tête me tournait.
« Ne t'inquiète pas, » ai-je murmuré, plus pour moi-même que pour elle. « Bientôt, je partirai. Je disparaîtrai pour de bon. »
Je n'avais pas vu Maxence, debout dans l'encadrement de la porte.
« Partir ? » a-t-il répété, sa voix glaciale. « Où comptes-tu aller, Amélie ? »
La panique m'a saisie. Sophie a pâli et s'est éclipsée. J'étais seule face à lui.
« Nulle part, » ai-je menti faiblement. « Je voulais dire... partir d'ici, rentrer chez moi pour me reposer. »
Il n'a pas cru un mot. Son regard était suspicieux, intense. Il s'est approché du lit, a posé sa main sur mon front. Le contact était brûlant.
« Tu as de la fièvre. Reste ici. Ne bouge pas. »
Il est parti. J'ai cru que c'était fini. Mais quelques minutes plus tard, Sophie est revenue. La fureur dans ses yeux était terrifiante.
« Tu as tout gâché ! » a-t-elle hurlé.
Elle s'est jetée sur moi. Elle m'a giflée, fort. Ma tête a heurté le montant du lit. La douleur était vive. Elle m'a attrapée par les cheveux.
« Il ne te regardera plus jamais ! »
Soudain, elle a été arrachée de moi. Maxence était de retour. Son visage était une furie contenue. Il a attrapé Sophie par le bras, si fort qu'elle a crié.
« Personne, » a-t-il dit d'une voix basse et menaçante, « ne la touche. À part moi. »
Il l'a jetée hors de la pièce et a claqué la porte. Il s'est tourné vers moi. Je m'attendais à de la pitié, peut-être un mot de réconfort.
Il m'a regardée, allongée et blessée.
« Lève-toi. Le col de la robe numéro 7 est mal cousu. Va le refaire. »
« Mais... je suis blessée. »
« Et alors ? » a-t-il répondu, son ton dédaigneux. « Même blessée, tu es inutile. Fais ce que je te dis. »
Plus tard, le majordome de la maison, un vieil homme nommé Pierre, m'a apporté un plateau-repas.
« Le directeur m'a demandé de vous apporter ceci. Il a dit que vous aviez besoin de reprendre des forces pour finir la collection. »
Pierre a ajouté à voix basse : « Il vous protège à sa manière, Mademoiselle. Vous assigner du travail dans votre chambre, c'est pour vous tenir à l'écart des autres. »
Je n'ai rien dit. Sa "protection" avait le goût du poison.
Quelques semaines plus tard, il y avait un grand gala au Musée d'Orsay. Maxence m'a forcée à l'accompagner. Je portais une de ses créations, une robe simple mais élégante.
Chloé était là, radieuse au bras de son mari, un magnat des médias. Elle riait, heureuse. Le visage de Maxence s'est durci. Il ne pouvait pas le supporter.
Il m'a attrapée par le bras et m'a entraînée au milieu de la foule.
« Regarde-la, » a-t-il sifflé. « Elle a tout ce qu'elle veut. »
Puis, devant tout le monde, il a posé ses mains sur ma robe.
« Cette robe... » a-t-il dit à voix haute, attirant l'attention. « Elle est indigne. »
Et il l'a déchirée. Le bruit du tissu se fendant a résonné dans le silence stupéfait. Je me tenais là, humiliée, à moitié nue devant l'élite parisienne, les larmes me montant aux yeux. Chloé souriait, triomphante.