« C'est Chloé. Écoute, je suis désolée de te déranger, mais Étienne a fait un malaise. Nous sommes dans sa suite d'hôtel, au Plaza. Il a oublié ses médicaments. Il dit que tu es la seule à savoir où ils sont. »
La panique a balayé ma fièvre. Léo. Sa moelle osseuse. Un rejet était ma plus grande peur.
« J'arrive, » ai-je dit, ma voix rauque.
Je me suis levée d'un bond, la tête me tournant. J'ai enfilé un manteau sur mon pyjama, j'ai attrapé la boîte de médicaments sur la table de chevet et je suis sortie.
Dehors, une pluie battante s'abattait sur Paris. J'ai couru jusqu'à la station de taxi, trempée en quelques secondes. Le trajet jusqu'au Plaza m'a paru une éternité. Je ne pensais qu'à une chose : le protéger. Protéger l'héritage de Léo.
Quand je suis arrivée devant la suite, la porte était entrouverte. J'entendais des rires à l'intérieur.
J'ai poussé la porte.
La scène qui s'est offerte à moi m'a glacé le sang.
Étienne était assis sur un canapé, un verre de champagne à la main, parfaitement bien. Chloé était à côté de lui, ainsi que les mêmes amis qui étaient au bar.
Ils se sont tous tournés vers moi, leurs visages affichant un amusement cruel.
J'étais là, en pyjama, les cheveux collés par la pluie, tenant la boîte de médicaments comme une idiote.
C'était une farce.
Une farce cruelle pour se moquer de moi.
Chloé s'est levée, un sourire narquois sur les lèvres.
« Oh, regarde qui est là. La petite infirmière dévouée. Tu vois, Étienne, je t'avais dit qu'elle viendrait en courant. »
Elle a pris la boîte de mes mains tremblantes et l'a laissée tomber par terre. Les pilules se sont éparpillées sur le tapis épais.
« Tu es si prévisible, Amélie. Tellement pathétique. »
Elle a sorti un mouchoir en soie de son sac. « Tiens, tu es toute mouillée. Tu ne devrais pas sortir dans cet état, tu pourrais attraper froid. Oh, attends... tu es déjà malade, n'est-ce pas ? »
J'ai regardé Étienne. Il me fixait, mais son regard était vide de toute compassion. Il n'y avait que du mépris. Il ne m'a pas défendue. Il était complice.
« Chloé est juste une amie, » m'avait-il dit.
Chloé s'est penchée vers mon oreille, sa voix un murmure venimeux que moi seule pouvais entendre.
« Il m'a dit qu'il ne t'avait pas touchée depuis des mois. Il dit que ton odeur de produits chimiques le dégoûte. C'est moi qu'il veut dans son lit. »
Mon corps a commencé à trembler. J'ai reculé d'un pas, heurtant une table basse. Un verre est tombé et s'est brisé.
Étienne s'est levé d'un bond. « Fais attention, bon sang ! »
Il ne s'inquiétait pas pour moi. Il s'inquiétait pour le verre.
Chloé a mis une main sur son bras, feignant l'inquiétude. « Ne t'énerve pas, chéri. Elle ne voulait pas faire de mal. »
Elle a ensuite regardé ses amis. « Pauvre Amélie. Elle a l'air si perdue. »
Un des amis a ricané. « On dirait un paillasson. Il n'a qu'à s'essuyer les pieds dessus. »
J'ai entendu leurs rires étouffés.
Une partie de moi voulait crier, hurler, les insulter. Mais une autre partie, plus profonde, plus ancienne, m'a dit de me taire.
Je n'étais pas lâche. J'avais une raison. Une raison impérieuse de supporter tout ça.
Mais ce soir-là, sous les regards moqueurs de ces gens, cette raison commençait à me sembler bien fragile.