Chapitre 4

Le soir est tombé sur le village bourguignon comme un linceul. Le caveau de dégustation était enfoui dans une ruelle sombre, une simple porte en bois sans enseigne. Alan tremblait légèrement à côté de moi.

Nous sommes entrés. La pièce était basse de plafond, enfumée, remplie d'hommes aux visages burinés par le travail de la vigne et le vin bon marché. Au centre, sous une unique ampoule nue, une grande table en chêne était entourée de plusieurs joueurs.

Robert Moore était là, au bout de la table. Il était exactement comme Alan l'avait décrit : petit, le regard fuyant, avec un sourire suffisant collé aux lèvres. Quand il a vu Alan, son sourire s'est élargi.

« Tiens, tiens, qui voilà ! Le revenant ! Tu as déjà dépensé tes derniers sous pour vouloir revenir si vite ? »

Les autres hommes ont ricané. Alan a baissé la tête, le visage rouge de honte.

J'ai serré son bras et je me suis avancée.

« Bonsoir. C'est vous, Robert ? »

Il m'a dévisagée de haut en bas, son regard s'attardant un peu trop longtemps.

« C'est moi. Et vous êtes ? »

« Juliette. La femme d'Alan. »

J'ai souri, un sourire que j'espérais naïf et un peu timide.

« Alan m'a raconté sa soirée d'hier. Il a l'air de s'être bien amusé. »

Le mensonge est sorti de ma bouche avec une facilité déconcertante.

Robert a éclaté de rire.

« Amusé ? C'est le mot ! Il a surtout amusé la galerie ! »

Nouveaux ricanements autour de la table.

« Écoutez, » ai-je continué, en sortant les 200 euros de ma poche. « Je n'y connais absolument rien en vin, mais j'ai toujours eu de la chance aux jeux. Alan est trop prudent. Laissez-moi prendre sa place ce soir. Juste pour voir. On ne sait jamais, la chance du débutant... »

J'ai agité les billets devant lui. Les yeux de Robert et de ses complices se sont illuminés. Ils voyaient déjà une autre proie facile, encore plus crédule que la première.

« Mais bien sûr, madame, » a dit Robert avec une fausse galanterie. « Installez-vous. On va vous apprendre les règles. C'est très simple, vous allez voir. »

Il m'a fait une place à côté de lui. Le piège se refermait. Mais ils ne savaient pas qui était le véritable prédateur ce soir.