Je suis rentrée seule à notre maison de maître au milieu des vignobles bordelais. Chaque pas était une torture, un rappel physique du vide en moi.
La maison était silencieuse. Trop silencieuse.
J'ai trouvé Camille dans le grand salon.
Elle portait une des chemises blanches de Vincent, beaucoup trop grande pour elle, les manches retroussées. Elle était assise sur mon fauteuil préféré, les pieds sur la table basse.
À côté d'elle, une boîte vide. La boîte de calissons d'Aix que j'avais fait venir spécialement de Provence. Ces confiseries aux amandes étaient la seule chose qui calmait mes nausées matinales.
Elle a levé les yeux vers moi, un sourire suffisant sur les lèvres.
« Oh, Éléonore. Tu es rentrée. »
Elle a mis le dernier calisson dans sa bouche et a mâché lentement, me regardant droit dans les yeux.
« C'est délicieux, ce truc. Tu devrais en acheter plus souvent. »
Le sang a martelé à mes tempes. J'ai ignoré la douleur lancinante dans mon bas-ventre et je me suis redressée.
« Qu'est-ce que tu fais ici, Camille ? Et pourquoi portes-tu les vêtements de mon mari ? »
« Vincent m'a invitée, » dit-elle d'un ton léger. « Mon domaine est en pleine restructuration grâce à lui. Je n'avais nulle part où aller. Il a été si gentil. »
Elle a caressé le coton de la chemise. « Il a dit que je pouvais me servir. »
À ce moment-là, Vincent est entré dans la pièce. Il a vu mon visage blême, puis le regard provocateur de Camille.
Il a immédiatement compris.
« Éléonore, ne commence pas, » a-t-il dit, sa voix dure. « Camille est notre invitée. Elle a traversé une épreuve difficile. »
« Et moi ? » ai-je chuchoté, ma voix se brisant. « Ce que j'ai traversé, ce n'était pas difficile ? J'ai perdu notre bébé, Vincent. »
Il a eu un mouvement de recul, une fraction de seconde de choc. Mais il a rapidement repris contenance.
« C'est un accident tragique, » a-t-il dit froidement. « Mais ce n'est pas une raison pour être impolie avec Camille. Elle n'a rien à voir avec ça. »
J'ai regardé la boîte de calissons vide. Un détail si petit, si insignifiant, mais qui représentait tout. La violation de mon espace, de mon deuil, de ma personne.
« Je veux qu'elle parte, » ai-je dit, ma voix gagnant en force. « Maintenant. »
Camille a laissé échapper un petit sanglot théâtral. « Je suis désolée, je ne voulais pas causer de problèmes... »
Vincent s'est immédiatement tourné vers elle, la prenant dans ses bras. « Chut, ce n'est pas ta faute. »
Puis, il a tourné sa tête vers moi, ses yeux brillant d'une fureur glaciale.
« C'est toi qui causes des problèmes, Éléonore. Toujours. »