Un Amour Trahi, une Vie Reconstruite
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Chapitre 1

Antoine Beaumont était l'homme que toutes les femmes de Bordeaux enviaient à Chloé. PDG d'un empire viticole, charismatique, il l'avait courtisée pendant des années. Les journaux parlaient de son amour obsessionnel pour elle, la jeune créatrice de parfums au talent unique. Il la comblait de cadeaux, de voyages, d'attentions. Leur appartement parisien était un nid d'amour, disait-on. Chloé elle-même y avait cru, follement amoureuse. Elle gardait précieusement les carnets de formules de sa grand-mère, une "nez" réputée de Grasse, son héritage, son art. Antoine semblait admirer cette passion.

Mais derrière la façade dorée, les fissures apparaissaient, une à une, cruelles et nettes.

La première trahison fut brutale. Lors d'une dégustation privée au château familial des Beaumont, Antoine disparut. Chloé le chercha, une inquiétude grandissant dans son cœur. On le retrouva au petit matin, dans une chambre d'amis, avec Sophie, une jeune sommelière rencontrée récemment lors d'un salon. L'excuse d'Antoine fut immédiate : un concurrent jaloux l'aurait drogué. Sophie, prétendument innocente, n'aurait fait que l'aider. Chloé, anéantie, parla de divorce. Antoine la supplia, des jours durant, sous la pluie battante, devant la porte de leur appartement parisien. Il pleurait, jurait son amour éternel, sa fidélité bafouée par un complot. Chloé, le cœur en miettes mais encore aimante, finit par céder. Elle voulait croire à cet amour si publiquement affiché.

Quelques mois plus tard, le doute revint, plus insidieux. Chloé avait un rendez-vous médical de routine. En sortant de la clinique privée de Neuilly, elle aperçut une silhouette familière. Antoine. Il soutenait tendrement Sophie, dont le ventre était maintenant visiblement arrondi. La nausée submergea Chloé. Elle s'avança, tremblante. Antoine la vit, son visage se figea une seconde avant de composer un masque de contrition. Son explication fut un chef-d'œuvre de manipulation. Un voyage d'affaires en Italie, un terrible accident de la route. Sophie, providentiellement présente, l'aurait extrait courageusement de la voiture en flammes. Un miracle. Et maintenant, cet enfant, un autre miracle. Sa grand-mère, Madame Beaumont, la matriarche attachée aux traditions, insistait pour qu'il assume. L'héritier Beaumont. Chloé, piégée par le discours sur la vie sauvée, sur la pression familiale, sur le "destin", accepta encore. Le mot "divorce" resta coincé dans sa gorge.

Peu après, lors d'une soirée mondaine à Bordeaux, Antoine fit un geste qui la blessa profondément. Chloé portait une écharpe en soie ancienne, un cadeau de sa grand-mère, teinte avec des pigments rares qu'elle utilisait parfois pour ses créations. Sophie, présente et rayonnante de sa grossesse, admira l'écharpe avec insistance. Plus tard dans la soirée, Chloé ne retrouva plus son écharpe. Elle la vit, quelques instants après, nouée avec une grâce affectée autour du cou de Sophie. Antoine, à côté d'elle, souriait, l'air de rien. Quand Chloé l'interrogea, il répondit d'un ton léger :

"Oh, Sophie avait froid, et elle l'aimait tant. Ce n'est qu'un bout de tissu, mon amour. Je t'en achèterai dix autres."

L'humiliation serra la gorge de Chloé. Ce n'était pas "qu'un bout de tissu". C'était un souvenir, un lien. Il l'avait donné, sans même lui demander.

L'incident suivant fut plus grave. Lors d'une promenade à cheval dans leur domaine, Sophie, simulant une maladresse, fit une embardée qui déséquilibra le cheval de Chloé. Chloé tomba lourdement, se tordant la cheville. Une douleur fulgurante la traversa. Au même moment, Sophie poussa un petit cri, se plaignant d'une égratignure au bras. Antoine se précipita vers Sophie, ignorant Chloé qui gisait au sol, le visage crispé par la douleur. Il examina l'éraflure de Sophie avec une sollicitude outrée, la réconfortant. Ce n'est qu'après de longues minutes, et sur l'insistance d'un palefrenier, qu'il se tourna vers Chloé, minimisant sa blessure.

"Tu es plus solide, mon cœur. Sophie est si fragile en ce moment."

Cette fois, quelque chose se brisa en Chloé. La douleur physique n'était rien comparée à la douleur de cet abandon. Une décision froide et déterminée commença à germer en elle.

Le lendemain, Chloé contacta discrètement un avocat spécialisé dans les divorces. Elle récupéra les documents préliminaires. Puis, armée d'un courage nouveau, elle se rendit à l'appartement où Antoine avait installé Sophie. Elle sonna. Sophie ouvrit, surprise, puis un sourire suffisant étira ses lèvres.

"Chloé. Quelle surprise."

Chloé tendit l'enveloppe.

"Voici les papiers du divorce. Fais-les signer à Antoine. Tu y arriveras mieux que moi, j'en suis sûre."

Sophie prit l'enveloppe, un éclair triomphant dans les yeux.

Sophie feuilleta rapidement les documents, son sourire s'élargissant.

"Le divorce ? Enfin. Je commençais à croire que tu ne te déciderais jamais."

Elle leva les yeux vers Chloé, un air de fausse compassion sur le visage.

"Ne t'inquiète pas, je m'en occupe. Antoine est tellement... distrait ces temps-ci. Il signe n'importe quoi si c'est pour le 'bien de la famille'."

Le mot "famille" résonna cruellement aux oreilles de Chloé. La famille qu'Antoine construisait avec cette femme.

"Je suis sûre que tu trouveras une solution pour qu'il ne lise pas trop attentivement," dit Chloé, la voix neutre.

Sophie eut un petit rire.

"Fais-moi confiance. J'ai mes méthodes."

De retour dans l'appartement qu'elle partageait autrefois avec Antoine, Chloé commença à rassembler les affaires qu'elle emporterait. Chaque objet ravivait un souvenir, une promesse brisée. Une photo d'eux deux, souriants, lors d'un voyage à Venise. Elle la déchira. Des lettres d'amour enflammées d'Antoine, datant du début de leur relation. Elle les jeta dans une boîte. Les cadeaux somptueux, les robes de créateur. Elle les laissa. Elle ne voulait rien emporter qui lui rappellerait cet homme. Seuls les carnets de sa grand-mère, son trésor, seraient du voyage. C'était une libération douloureuse, une amputation nécessaire.

Quelques jours plus tard, lors d'une réception au château Beaumont, Antoine paradait avec Sophie à son bras. Il lui offrait du champagne (elle buvait de l'eau pétillante, bien sûr), lui caressait le ventre, la présentait à tous comme la future mère de son héritier. Madame Beaumont, la grand-mère d'Antoine, observait Chloé avec une froideur nouvelle. L'absence d'héritier de la part de Chloé était devenue un reproche silencieux. Chloé assista à ce spectacle avec une indifférence feinte, son cœur battant sourdement la mesure de sa propre libération imminente. Elle attendait.

Le moment arriva lors d'une réunion d'affaires tardive à leur domicile parisien. Antoine était affairé, signant une pile de documents que son assistante lui présentait. Sophie entra, l'air affairé elle aussi, portant un autre dossier. Elle le glissa habilement dans la pile d'Antoine. Plus tard dans la soirée, après le départ de l'assistante, Sophie s'approcha de Chloé, qui lisait dans le salon, un petit sourire narquois aux lèvres. Elle tendit à Chloé une copie des documents.

"Voilà. Signé et paraphé. Il n'y a même pas jeté un œil. Trop occupé à planifier l'avenir de son 'miracle'."

Chloé prit les papiers. La signature d'Antoine, large et assurée, s'étalait au bas de la page. C'était fini. Un poids immense sembla quitter ses épaules, remplacé par un vide étrange, presque effrayant, mais aussi porteur d'une promesse nouvelle.

            
            

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