« Il était terrifié, Julien ! Tu ne peux pas lui en vouloir d'avoir raté la collection capsule. Ce n'est qu'un débutant. Tu manques de confiance en toi, c'est pour ça que tu t'en prends à lui ! »
Sa voix montait dans les aigus. L'hystérie n'était pas loin.
« Éléonore, je n'ai pas le temps pour ça. Je suis occupé. »
« Occupé à quoi ? À chercher du travail ? » son ton est devenu méprisant. « Ne sois pas ridicule. »
Adrien a dû lui prendre le téléphone.
« Julien, ce n'est pas la peine d'être méchant. Éléonore s'inquiète pour toi. On s'inquiète tous. »
Sa voix était faussement douce, pleine de sollicitude feinte.
« Ne vous inquiétez pas pour moi. Je vais très bien. »
« Vraiment ? Parce que tu as l'air amer. Tu sais, tu ne devrais pas être jaloux de notre succès. »
J'ai souri à l'absurdité de la situation.
« Je ne suis pas jaloux. Je m'en fiche complètement de ce que vous faites. De votre relation, de votre succès, de votre échec. Vous n'existez plus pour moi. »
Un silence. J'ai entendu la respiration saccadée d'Éléonore. Elle avait dû reprendre le téléphone.
Son expression, même à travers le combiné, devait être contrariée. Elle détestait perdre le contrôle.
Mon téléphone a vibré. Une notification.
Éléonore V. a mis fin au partage de l'album photo "Notre Château".
Éléonore V. a mis fin au partage de la playlist "Soirées à deux".
Éléonore V. vous a retiré de ses contacts professionnels sur LinkedIn.
Elle découvrait seulement maintenant que j'avais déménagé. Que j'étais vraiment parti.
Elle était en train d'effacer méthodiquement six ans de notre vie commune, clic par clic.
J'ai regardé les notifications s'accumuler, impassible.
Pendant ce temps, je préparais ma première réunion chez Imperium Luxe. Je n'avais pas de temps à perdre avec son mélodrame.
Le soir, une nouvelle publication d'elle sur Instagram. Une photo d'elle et d'Adrien, un verre de champagne à la main, avec la légende : « Célébrer les nouveaux départs et l'avenir. »
Elle voulait me provoquer. Me faire réagir.
Mais tout ce que je ressentais, c'était une immense lassitude.
Le lendemain, un coursier a sonné à ma porte. Il m'a tendu une boîte.
À l'intérieur, tous les petits souvenirs que j'avais laissés dans notre ancien appartement. Une vieille photo de nous en Provence, le premier billet de concert que nous avions vu ensemble, une fleur séchée.
Et une note.
« Tu vois, je peux être généreuse. Je te rends ton passé. »
J'ai pris la boîte, je suis descendu dans la petite cour de l'immeuble. J'ai vidé le contenu dans un vieux bidon en métal qui servait de brasero.
J'ai allumé une allumette.
Les souvenirs se sont enflammés, se tordant sous la chaleur. Le visage souriant d'Éléonore sur la photo a noirci avant de disparaître en cendres.
C'était une libération.
« JULIEN ! QU'EST-CE QUE TU FAIS ? »
J'ai levé la tête. Éléonore était là, à l'entrée de la cour, le visage déformé par la fureur et l'incompréhension.
Elle s'est précipitée vers le bidon, essayant de récupérer les objets en feu avec ses mains nues.