« Ce design est vulgaire. Il ne respecte pas l'ADN de notre marque. Si on produit ça, on perdra des millions. Les acheteurs vont annuler leurs commandes. Notre réputation sera ruinée. »
J'ai détaillé les faits, les chiffres, l'impact financier. C'était mon travail.
Adrien, le stagiaire, fils de notre principal actionnaire, a baissé la tête. Ses épaules ont commencé à trembler.
Éléonore, la PDG, ma fiancée, m'a fusillé du regard. Son visage, habituellement lisse et contrôlé, s'était durci.
« Julien, ça suffit. »
Son ton était sec, sans appel.
Elle s'est tournée vers le reste de l'équipe. « La réunion est terminée. »
Puis elle s'est avancée vers moi, son expression glaciale.
« Tu vas t'excuser auprès d'Adrien. Maintenant. Et tu vas devenir son mentor. Tu vas le former. »
J'ai secoué la tête, incrédule.
« C'est hors de question. Il est incompétent. »
« Alors c'est un ultimatum. Soit tu fais ce que je te demande, soit notre relation, personnelle et professionnelle, est terminée. »
Elle a dit ça devant Adrien, qui avait maintenant les larmes aux yeux, jouant la victime parfaite.
J'ai regardé Éléonore, puis le jeune homme qui se cachait derrière elle. J'ai vu son petit sourire suffisant.
Pendant une seconde, j'ai repensé à nous, à nos débuts, aux sacrifices. Tout ça pour ça.
« C'est fini, alors. »
Ma réponse a été concise.
J'ai tourné les talons et j'ai quitté la salle. J'ai entendu Éléonore haleter de surprise, puis de colère.
Je suis retourné à mon bureau, j'ai pris ma veste. J'ai envoyé ma démission par email.
Une ligne.
« Je démissionne, avec effet immédiat. »
En sortant du bâtiment, j'ai essayé de consulter notre compte joint sur mon téléphone. Celui où nous mettions toutes nos économies pour acheter ce château en Bourgogne.
Solde : 12,54 €.
Elle avait tout vidé.
Une rage froide m'a envahi. Je devais récupérer mes affaires personnelles, mes carnets de croquis.
Je suis retourné à notre appartement haussmannien. J'ai utilisé ma clé.
Je les ai trouvés dans le salon, qui nous servait aussi d'atelier.
Éléonore était penchée sur Adrien, sa main sur son épaule, lui montrant quelque chose sur un croquis. Ils riaient doucement. Une intimité qui me retournait l'estomac.
Ils ne m'ont pas entendu entrer.
« Mes économies », j'ai dit simplement.
Ils ont sursauté. Éléonore s'est redressée, l'air coupable.
« Julien... je peux expliquer. »
Adrien, lui, a eu un mouvement brusque. Un geste « maladroit ».
Le flacon d'encre de Chine sur la table s'est renversé, se déversant entièrement sur mon carnet de croquis personnel, celui qui contenait des années de travail, d'idées.
Le noir a bu le papier, noyant mes créations.
Adrien a murmuré : « Oh, non... je suis tellement désolé. »
Il ne l'était pas. Je l'ai vu dans ses yeux.
Je n'ai pas répondu. Je me suis dirigé vers le mannequin où trônait encore le prototype raté d'Adrien.
J'ai attrapé la grande paire de ciseaux de tailleur sur la table.
Et sans un mot, j'ai lacéré la robe, encore et encore, jusqu'à ce qu'il n'en reste que des lambeaux de tissu et des plumes éparpillées sur le parquet.
« Maintenant, nous sommes quittes », j'ai dit en laissant tomber les ciseaux.
Je suis parti sans me retourner, laissant Éléonore hurler mon nom.
Une fois dans la rue, l'air frais de Paris m'a semblé plus respirable. J'ai sorti mon téléphone.
J'ai ignoré les appels manqués d'Éléonore.
J'ai composé un autre numéro. Celui d'un chasseur de têtes.
« Bonjour, c'est Julien. L'offre d'Imperium Luxe est-elle toujours d'actualité ? »