Je suis retourné dans mon ancien studio, un petit appartement que j'avais gardé avant de m'installer avec Éléonore. Il sentait la poussière, mais il était à moi.
Je n'avais que quelques cartons à déballer. Mes livres, quelques vêtements, mes outils de dessin.
En vidant une boîte, j'ai trouvé un cadre. Une de mes premières esquisses pour Éléonore. Une robe simple, élégante. Un cadeau que je lui avais fait pour notre premier anniversaire. Il était dans un coin de notre dressing, oublié.
À côté, dans le carton, il y avait un magazine de mode. En couverture, une photo d'Éléonore et Adrien au vernissage d'une exposition d'art, la semaine dernière. Elle riait, la tête penchée vers lui, sa main possessive sur son bras.
Elle n'avait jamais été aussi démonstrative avec moi en public. Toujours soucieuse de l'image, du "qu'en-dira-t-on".
J'ai pris le cadre. Je l'ai regardé une dernière fois, puis je l'ai jeté dans la poubelle qui débordait déjà de souvenirs.
Mon téléphone a vibré. Éléonore.
J'ai décroché.
« Julien, mon amour. J'ai réfléchi. Je te pardonne. »
Sa voix était mielleuse, fausse.
« Nous allons nous marier. J'ai déjà appelé Vogue Paris. Ils veulent couvrir l'événement. Imagine, chéri. Un mariage de rêve dans notre château en Bourgogne. »
J'entendais la voix d'Adrien en arrière-plan. Il chuchotait quelque chose, et elle a ri.
« C'est ta dernière chance, Julien. Reviens. Demande pardon à Adrien, et tout redeviendra comme avant. »
« Non. »
« Quoi ? »
« J'ai dit non. Et ne m'appelle plus. »
J'ai raccroché et bloqué son numéro.
Quelques minutes plus tard, un message d'un numéro inconnu. Une vidéo.
C'était Adrien. Il se filmait dans mon ancien bureau, assis sur ma chaise.
« Salut Julien. J'espère que tu ne m'en veux pas. Éléonore m'a confié la direction de la prochaine collection capsule. Elle dit que j'ai un talent brut. Elle pense que je suis l'avenir de la marque. »
Il a fait un panoramique pour montrer la pièce, s'attardant sur des objets personnels que j'avais laissés derrière moi.
« Elle dit que la marque n'a jamais eu besoin de toi, en fait. »
J'ai souri.
J'ai répondu par texto : « Bonne chance. Tu en auras besoin. Fais attention à ne pas faire couler la boîte. »
La réponse a été quasi instantanée.
« Jaloux ? Ne t'inquiète pas, je prendrai bien soin d'Éléonore pour toi. »
J'ai effacé la conversation.
Le soir même, en scrollant sur les réseaux sociaux, je suis tombé sur des photos professionnelles du vernissage. Éléonore et Adrien, posant pour les photographes. Ils étaient proches. Trop proches. Le langage corporel ne mentait pas.
Je l'ai vue me chercher du regard sur une des photos, une expression étrange sur le visage. J'étais de l'autre côté de la salle ce soir-là, je l'avais observée quelques instants avant de partir.
Elle m'avait vu.
Et elle avait choisi de l'ignorer, de continuer son spectacle.
J'ai fermé l'application. C'était leur monde maintenant. Pas le mien.