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La décision du maharaja 3
Azam se félicita de sa perspicacité. Comme il l'avait supposé, son frère avait fait réunir le Conseil afin de porter sa protestation à leur attention. Dès qu'il en fut prévenu, le prince alla le rejoindre dans la salle du trône. A eux deux, ils allaient peut-être convaincre l'assemblée, qui fera ensuite entendre raison au roi...
Les plaidoyers se succédèrent, chacun des fils y alla de ses arguments. La légitimité de l'un comme de l'autre aurait dû faire pencher la balance seulement après un moment à les écouter, le représentant du Conseil se leva et s'adressa à eux avec humilité.
_ Que vos majestés nous pardonnent, mais la décision de notre maharadja concerne son cercle familial propre, et en tant qu'assemblée sensé le conseiller à propos du pays, nous ne pouvons intervenir.
_ La nomination du futur roi de ce pays vous est donc égale ? S'insurgea Kenzi qui maudissait du regard le vieil homme impuissant.
_ Nous sommes tous concerné par ce décret, majesté, seulement, c'est au maharaja qu'il incombe de désigner son successeur, que cela soit à l'issue d'épreuves déterminantes ou non.
_ Tu parles d'un Conseil ! Pesta le prince que la colère faisait fulminer. Sachez que si par le plus grand des miracles, j'accède au trône, je ferais dissoudre votre association d'incompétents !
_ Il suffit ! Intervint le roi qui avait écouté silencieusement les doléances officielles auxquelles il avait déjà eu droit de la part de ses enfants, la veille. Je comprends ton mécontentement, seulement, je ne te permets pas de parler ainsi. Ces gens que tu vois là, sont tout, sauf incompétents. Je ne les remercierais jamais assez pour le soutien qu'il m'offre et si par miracle, tu prenais ma place, tu te rendras compte de leur importance.
A ces mots, les conseillers remercièrent le roi à l'unisson et pour eux-mêmes, ils louèrent sa sagesse.
_ Majesté, l'interpela une dernière fois le raja Kenzi plus remonté que jamais, sachez qu'en tant qu'aîné, je me sens déjà assez lésé de devoir passer par on ne sait quelles tribulations pour accéder à un trône qui me revient de droit. Mais si en plus vous me faites l'injustice de m'écarter sans me donner la moindre chance, je ne resterais pas dans l'inaction, vous pouvez en être certain !
_ Kenzi ! gronda Azam qui ne pouvait tolérer les menaces à peine voilées de son ainé. N'oublie pas à qui tu t'adresses !
_ Mes chers fils, ne vous emportez pas de la sorte. En réalité, il importe peu qui montera sur le trône, ce pays a besoin de vos forces à tous les deux. L'un agira au grand jour, tandis que l'autre œuvrera dans l'ombre.
_ Puisque cela importe peu, comme vous dites, échangez donc nos rôles.
_ Le rêve que j'ai fait était sans équivoque, celui qui œuvrera au grand jour, devra être ton frère. Son tempérament pondéré et raisonnable, mènera le pays sur la voie de la paix et de la prospérité...
_ Vous n'allez pas miser l'avenir de notre royaume sur un simple rêve ?! S'écria le prince évincé.
_ C'est pourtant sur ce même principe que les épreuves qui déterminent l'héritier ont vu le jour. Si vous n'avez rien d'autre à me dire, mes enfants, je vais déclarer cette assemblée, levée...
Tandis que tout le monde quittait les lieux, Azam posa une main sur l'épaule de son aîné qui ne bougeait plus de sa place. Il ne pouvait que ressentir son désarroi et surtout son impuissance.
_ Laisse-moi, veux-tu ?
_ Kenzi, père peut parfois nous apparaître comme injuste, mais tout ce qu'il fait, il le fait avant tout pour le pays. Il n'a juste pas la bonne manière d'amener les choses, voilà tout...
_ Pas la bonne manière, hein...
_ Je comprends ta frustration mon frère et crois-moi, cette situation ne m'enchante pas plus que toi. Si cela peut te réconforter, sache que je n'ai jamais eu l'intention de t'évincer du pouvoir et qu'importe ce qu'en diront les conseillers, tu seras celui sur lequel je compterais le plus. Et ta voix en tant qu'aîné vaudra bien plus pour moi que tout un régiment de consultants.
Kenzi ne répondit rien, il semblait bien trop occupé à contenir la tornade qui l'habitait. Azam espérait juste que cette humeur ne se transforme pas en un ressentiment qui ternirait leurs relations familiales. Pour ne pas envenimer les choses, le jeune prince n'insista pas et s'en alla.
Si seulement leur mère était encore de ce monde, pensa-t-il. Elle aurait su comment convaincre leur père, ou à défaut, apaiser les tensions qui auraient découlé de sa décision.
Enfin, il n'y avait rien à faire de plus à présent. Il fallait attendre que la tempête passe et que les choses reprennent doucement leur place...
...
La gouvernante en chef avait pour rôle de s'assurer que toutes les domestiques du palais intérieur fassent leur travail convenablement. Son expérience et ses connaissances faisaient qu'elle était la première alertée quand l'une des femmes de la cour rencontrait un problème quelconque.
_ Madame, fit Maessa en entrant dans la salle de bain où Lavina finissait de se coiffer, votre suivante m'a rapporté que vous ne vous nourrissiez pas beaucoup ces derniers jours et qu'elle vous trouvait bien amaigrie.
_ Ce n'est rien Dada Maessa, je suis juste un peu soucieuse, ça va passer.
_ Vous êtes sûr qu'il n'y a rien d'autre ?
_ Absolument rien, mentit la jeune femme.
Et pour montrer sa fausse bonne foi, elle esquissa un sourire franc. Si son intention première était d'annoncer sa grossesse une fois les trois premiers mois passés, les derniers événements qui avaient secoué la cour, l'en avaient dissuadé.
_ Vos cheveux tombent par poignées, continua la gouvernante en voyant la brosse qui avait servi à la coiffure de la concubine et n'avait pas encore été nettoyée. Ma fille, êtes-vous sûre que vous n'avez rien à me dire ? Vous savez, je ne suis pas à ce poste par hasard, la discrétion dont j'ai toujours fait preuve y est pour beaucoup.
_ Je le sais bien, Dada et croyez-moi, s'il y avait quelque chose d'important, je vous l'aurais dit.
_ Peut-être ignorez-vous, vous-même, votre état ? Il serait plus judicieux qu'un médecin vous examine...
_ Dada Maessa, je vous assure que tout va pour le mieux. S'il vous plaît, ne parlez à personne de vos soupçons, ils pourraient faire jaser, et ce n'est vraiment pas le moment pour cela.
_ Madame, je vous le répète, je n'ai pas pour habitude de nourrir les bruits de couloirs. C'est un principe que j'ai tenu durant toute ma jeunesse, ce n'est pas à mon grand âge que cela va changer. Puis après un soupir résigné, bien madame, je vais me retirer et vous laisser à vos occupations. Cela dit, si votre appétit ne revient pas d'ici quelques jours, je ferais dépêcher le médecin à votre chevet.
_ Tu t'inquiètes vraiment trop, Dada. Tu verras, d'ici demain, je mangerai comme dix et tout rentrera dans l'ordre.
_ Je l'espère bien, ma fille.
Après l'avoir gratifié d'un sourire, Lavina revint à son reflet et l'examina attentivement. Il était vrai que son visage s'était creusé. Elle avait beau tenter de prendre sur elle, mais les nausées se montraient plus fortes. Une chance que sa suivante fût toute jeune et qu'elle ne connaissait rien des signes de la grossesse. Elle n'avait pas non plus relevé que cela faisait bien trois mois qu'elle n'avait pas eu ses menstrues. Lavina avait demandé des changes comme à l'accoutumée et comme elle l'avait toujours fait depuis son arrivée au palais, elle les renvoyait prélavés aux lessiveuses.
Elle ne remercierait jamais assez sa mère de lui avoir expliqué l'importance de garder une certaine intimité, surtout dans un lieu où les ennemis peuvent être partout....