Chapitre 2 Silence Meurtrier

J'arrivais dans le salon, épuisée, sans prêter attention à ce qui se passait autour. Mes mains se reposaient sur mes genoux, et ma bouche était grandement ouverte. Mon souffle était aussi violent qu'une tornade. Mon torse s'enflait et se dégonflait comme un être incertain de ses actes.

Soudain, les yeux pointés vers le sol, je remarquai l'étrange silence. Depuis quand mes parents étaient sages, patients et calmes ?

D'habitude, maman devait me traiter de tous les noms, car j'avais mis du temps à arriver. Papa devait attraper les mèches enroulées de mes cheveux pour me faire comprendre sa colère.

Le danger devait être pire, c'est certain !

Je relevai le visage et les épaules, comme une guerrière, prête à encaisser ce qui arrivait. « Je n'ai pas d'autre choix de toute façon », pensais-je.

Une musique terrifiante se mêla pernicieusement aux battements de l'horloge.

C'était papa. Assis de dos, il tapotait ses doigts sur l'accoudoir du fauteuil. Comme le soir où il brava les interdits pour la première fois. Il rentra ivre à la maison et puait le vin de palme. Sa rage se lisait sur les plis de sa peau et il y avait des marques de sang sur son pagne. Maman se leva pour lui demander ce qui se passait, mais il la gifla sans même dire un mot.

Elle le suppliait : « Cyril mon amour, ne fais pas ça. Pas devant notre fille. » Mais son âme était déjà sous les grilles de l'animosité. Il n'arrivait plus à se contrôler.

En voyant cette scène, je fermai le poing, levai le bras et courus vers eux niaisement. Cette nuit, ma force s'effondra. Papa me rappela virulemment que, je n'étais qu'une femme à en devenir.

Le chant d'un coq me délivra de mes terrifiantes pensées compulsives.

Je secouai vigoureusement la tête. C'était du passé. Il fallait que je me concentre sur cet instant présent. Que je ne me laisse pas faiblir.

La posture toujours défiante, j'élevai la voix. « Je suis là, » dis-je et vis maman sourire faussement en détachant son regard de papa pour le poser sur le mien. Sa face était inexpressive et je soupçonnais qu'elle avait intentionnellement supprimé ses émotions. Elle avait toujours maîtrisé cet art. C'était d'ailleurs la même attitude qu'elle adoptait lorsque j'étais petite et curieuse.

Je pouvais lui demander plusieurs fois dans la même journée : « maman est-ce que tu aimes papa ? » Elle souriait simplement. Il n'y avait jamais de mots. Que des expressions inexistantes.

Même maintenant, des dizaines d'années après, je ne la connaissais toujours pas assez pour discerner ce qu'elle cachait. « Qu'est-ce qui se passe encore ? » Me demandai-je, une sueur froide me perlant la peau.

Je ne comprenais pas la raison du silence. « Maman ? Tu m'as appelé ? » Essayai-je de lui rappeler. Mes aisselles picotaient, et un volcan me traversait les veines. J'en avais de la fièvre.

Je crus même avoir du vertige et tomber lorsque papa se prononça enfin. Il se tourna et remarqua le livre dans mes mains. « Tu étais encore en train de lire ? » Sa voix grave me fit trembler comme une marmite en fer qui tombe en pleine nuit. Son visage se déforma et je pus y lire du dégoût. « Viens t'asseoir, dit-il. »

Avec difficulté, j'essayais de contrôler la tremblote sur mes jambes lorsque je marchais. Des milliers de questions me brûlaient intérieurement. Est-ce qu'ils savent le genre d'amitiés que j'entretiens ? Ont-ils appris de quelqu'un que j'ai été aperçue dans les bras d'un homme ? Connaissent-ils la raison de mon obsession pour ce bouquin ?

Je m'assis sur un fauteuil. Très vite, une sensation d'être prise au piège me perturba la respiration.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022