Chapitre 4 Chapitre 4

Point de vue de Zurich

Lima me tape sur les nerfs. Franchement. Elle pense qu'à elle. C'est pas nouveau, mais là... elle dépasse les bornes. Elle savait, elle savait que Georgie n'était pas le bienvenu. Elle sait qu'il fout toujours la merde. Et elle l'a ramené quand même. Comme si notre avis comptait pas. Comme si elle voulait saboter ces vacances avant même qu'elles commencent.

Elle veut gâcher nos vacances, c'est ça ? C'est son plan ?

- Ta meilleure amie a ramené son mari, ironise Sam en s'adossant au transat.

- Oh, toi, ferme-la ! Tu crois que ça me fait plaisir que tu sois là, toi ? Pourtant je me plains pas.

- Tu peux dire ce que tu veux, j'en ai rien à foutre. Elle tourne les talons et sort par la porte, derrière Quincy.

Quincy intervient, calme mais ferme.

- Vous pouvez arrêter ? On est censés passer de bonnes vacances. Si vous avez un souci, vous en parlez calmement. Sinon, vous vous ignorez. Mais vous ne pourrirez pas l'ambiance.

Elle se tourne vers moi, plus douce :

- Zurich, je comprends que ça t'agace. Mais ça ne sert à rien de monter en pression. Parle à Lima si tu veux, mais pas comme ça.

- Lima n'est pas le problème. C'est son mec.

Je serre les dents.

- Hé ! Je suis là, proteste Georgie, vexé.

- Et alors ? T'as pas besoin qu'on te caresse dans le sens du poil, réplique Maira en levant les yeux au ciel.

Le silence qui suit est lourd. Même la musique semble s'être tue. Georgie serre les poings, mais ne répond pas. Il a compris qu'il est minoritaire ici. Pourtant, son regard balaie le groupe avec dédain.

- Je suis pas venu ici pour me faire juger, grogne-t-il en reculant d'un pas.

- Tu t'es invité, nuance Zurich.

- C'est Lima qui m'a invité ! C'est sa faute maintenant ?

- Arrêtez ! s'exclame Quincy en tapant dans ses mains pour attirer l'attention. Ça suffit ! On est censés passer des vacances ensemble, pas refaire un tribunal. Si vous êtes pas capables de vous supporter, vous vous ignorez, point. Mais vous n'allez pas vous battre à peine arrivés !

Elle regarde tout le monde, un à un, droit dans les yeux.

- Ça vous va ?

Elle a raison. Georgie n'a rien d'un gars cool. Il est envahissant, vulgaire, toujours là où il ne faut pas. Mais bon, maintenant qu'il est là...

- Tu as raison, Quincy. De toute façon, il est là. J'ai besoin de me rafraîchir. Tu peux nous montrer nos chambres, s'il te plaît ? Demandé-je.

- Oui, bien sûr. Je vais demander à Sofia de s'en charger. Je suis occupée en cuisine, je dois y retourner.

- Les boissons sont délicieuses, commente Thiago en buvant une gorgée. Où est Sofia ?

- Elle est dans sa chambre.

- On l'attend alors ?

- Oui, juste quelques minutes. Le temps que je lui fasse signe. En attendant, servez-vous.

Je me sers un verre en silence. Je sens encore la tension dans mes épaules. Georgie est là. Et il va falloir cohabiter avec lui. Merci Lima!

Mais qu'il ose ne serait-ce que me chercher un peu... et là, vacances ou pas, je jure que je le remets à sa place.

Point de vue : Tchad

Je remarque que Quincy n'est toujours pas revenue. Elle s'est éclipsée en cuisine il y a un bon moment, et ça commence à m'inquiéter un peu. Il manque encore des verres, alors j'en profite pour me diriger vers la cuisine. Ou peut-être que j'ai juste besoin d'un prétexte pour la retrouver. Je me lève au moment où Sofia et Trey s'apprêtent à descendre à la cave à vin.

La musique pulse doucement depuis les baffles, un son chill et rythmé qui flotte dans l'air comme un parfum d'été. Quand j'arrive près de la cuisine, je ralentis en entendant le frottement régulier d'un couteau, mêlé au beat. Je jette un œil discret dans l'encadrement de la porte.

Et là, elle est. De dos. En train de découper un ananas, en rythme avec la musique. Elle bouge sans y penser, ses hanches ondulent naturellement, ses épaules suivent, ses pieds glissent à peine sur le carrelage. C'est fluide. Sensuel. Léger. Pas du tout calculé. Et c'est justement ça le plus séduisant.

Je souris, incapable de détourner les yeux.

- Tu m'avais caché ce superbe déhanché, je lance, amusé.

Elle se retourne aussitôt, surprise, un grand sourire aux lèvres, les joues légèrement rosies.

- Viens plutôt m'aider, au lieu de rester planté là, me répond-elle sans se démonter.

Je m'approche lentement, les mains dans les poches.

- J'aime bien te regarder danser... Ça fait du bien à mes yeux, je murmure.

Elle lève les yeux au ciel, faussement exaspérée.

- Tes yeux de gros pervers, réplique-t-elle avec ce petit sourire qu'elle a quand elle essaie de se montrer autoritaire. Spoiler : ça marche pas vraiment.

Je tends la main, pioche une fraise dans le bol à côté d'elle, et la glisse aussitôt dans ma bouche avant qu'elle n'ait le temps de réagir.

- Touche pas à ça ! s'écrie-t-elle en protestant, levant la spatule comme pour me taper.

Je ris doucement, la bouche pleine.

- Trop tard, je dis, en lui adressant mon plus beau sourire. Tu devrais savoir maintenant que je suis rapide.

Je m'approche un peu plus, doucement. Je glisse mes bras autour de sa taille, mon front effleurant le sien, puis je dépose un baiser dans le creux chaud de son cou. Elle ne me repousse pas. Elle ferme juste les yeux une seconde, respire un peu plus lentement. Elle frissonne légèrement sous mes lèvres.

- Tu es magnifique, bébé, je souffle doucement contre sa peau. J'aurais bien voulu te filer un coup de main, mais en vrai, je suis juste venu prendre des verres.

Elle rouvre les yeux, me jette un regard malicieux.

- Je t'envoie Sam, d'accord ? je plaisante, juste pour la taquiner.

Elle lève un sourcil, provocante.

- Si tu veux un dessert pourri, essaie, répond-elle, faussement menaçante.

Je ris doucement, relâche sa taille à contrecœur, puis ouvre le placard pour attraper les verres. Elle retourne à ses fruits comme si de rien n'était, mais je la vois, du coin de l'œil, retenir un sourire.

Je repars vers le salon avec les verres dans les mains.

- Maira, je lance, en regardant autour de moi.

Elle lève à peine les yeux de son téléphone.

- Quoi ?

- Tu peux aller donner un coup de main à Quini dans la cuisine, s'il te plaît ?

- Évidemment, dit-elle en se levant aussitôt.

- Merci. Bon, les gars, voilà les verres, je dis en les déposant sur la table basse.

Je jette un coup d'œil vers le fond du salon, là où se trouve la cave à vin.

- Sofia et Trey ne sont pas encore revenus de la cave à vin ?

-Nan, marmonne Sam, l'air ailleurs.

- Hum, je laisse échapper, sans rien ajouter.

Point de vue de Quincy

Sam, Sofia et Lima étaient en train de dresser la table pendant que Maira, Zurich et moi nous activions en cuisine. L'ambiance était détendue. On chantait, on se chambrait gentiment, on cuisinait comme si c'était une scène sortie d'un film feel good.

En discutant avec Samantha, j'ai appris qu'elle est mexicaine du côté de son père. Elle m'a aussi confié qu'elle est la seule fille de sa famille. Elle a quatre frères, et quand elle m'en parle, tout s'éclaire. Ce côté un peu cash, parfois brusque, cette énergie un peu brute qu'elle dégage... Elle l'a héritée de son environnement. Ce qui explique pourquoi elle a parfois un comportement masculin.

Je quitte la conversation pour aller vérifier la cuisson du poulet au four, mais à peine ai-je franchi la cuisine que Tchad m'intercepte.

- Laisse-moi m'en occuper, dit-il doucement.

- Merci, chéri, je souffle avec un sourire.

Il s'empare des maniques et sort le plat fumant du four avec précaution. Il dépose le poulet doré sur le grand plat de service, puis le transporte fièrement jusqu'à la salle à manger, l'installant près des autres mets.

Tout était prêt. Les plats trônaient au centre de la grande table, les assiettes bien alignées, les verres brillants. Il ne manquait plus que le reste du groupe.

- Tu vas appeler les autres, chéri ? je demande en ajustant une serviette.

- Oui, princesse, répond-il en m'embrassant doucement sur la joue.

Je souris. Il sait combien j'aime ce surnom. Rien que le son de sa voix lorsqu'il m'appelle ainsi suffit à calmer mes pensées. Quelques minutes plus tard, tout le monde s'installe à table, chacun à sa place, dans une atmosphère chaleureuse.

- Ça sent bon ici, commente Thiago en s'asseyant, les narines grandes ouvertes.

- Bon, on peut commencer maintenant ? J'ai super faim, moi, râle Georgie, déjà assis et prêt à attaquer.

On s'installe tous à table, les rires fusent, les conversations s'entrelacent. Les mains se tendent vers les plats. C'est vivant, joyeux, presque bruyant. Je me sers un verre d'eau lorsque Sofia attire mon attention.

- Quini, Papa a appelé, me dit-elle d'un ton neutre.

- Qu'est-ce qu'il voulait ? je demande, un peu inquiète.

- Il voulait savoir pourquoi tu avais demandé aux employés de partir.

Je soupire.

- Je leur ai proposé de prendre des vacances, pas de partir. Et qui lui a dit ça ?

- Le jardinier, répond-elle sans détour.

- Je vais l'appeler plus tard pour lui expliquer.

La conversation glisse ensuite doucement vers d'autres sujets.

- Donc Sam, tu es la seule fille dans ta famille ? demande Maira en se penchant vers elle.

- Yep, confirme Sam en hochant la tête.

- Ça fait quoi de vivre entourée d'hommes ?

- Parfois, t'as juste envie de hurler. Et il y a des choses que tu ne peux pas leur dire. Des trucs que seule une sœur pourrait comprendre.

- Genre les trucs de filles ? je souris, amusée.

- Exactement. Et comme je suis la plus jeune, c'est encore pire. Ils me surveillaient comme des fous. Je les ai détestés pour ça, parfois. Mais avec le temps, j'ai compris que c'était juste leur manière à eux de m'aimer. Ils m'ont toujours protégée. Toujours soutenue. Leur amour est... inconditionnel

Un petit silence s'installe, admiratif.

- C'est tellement beau d'avoir une famille si unie, murmure Maira, sincère.

- Oui, je suis vraiment reconnaissante pour eux. Mais assez parlé de moi... racontez-moi un peu plus sur vos familles, vous.

- Deux grands frères et une sœur, dit Tchad en haussant les épaules. Une famille bruyante, mais qu'est-ce qu'on s'aime.

- Et toi, Lima ? poursuit Sam.

- J'ai un grand frère. Il est beaucoup plus âgé, mais très protecteur.

- Trois grandes sœurs, répond Maira. Ça se dispute beaucoup, mais on s'adore au fond.

- Une petite sœur et un petit frère, dit Thiago en regardant Zurich. On est très soudés.

- Juste un petit frère, pour moi, ajoute Georgie. On est très proches, presque comme des jumeaux.

Je souris à mon tour.

- C'est vraiment spécial d'avoir des personnes qui t'aiment inconditionnellement, qui seront toujours là pour toi.

Tchad glisse sa main dans la mienne, et je la serre doucement. Nos regards se croisent, se comprennent sans un mot.

- Alors, c'est quoi le programme de ce soir ? demande Sam en croquant dans une pomme de terre.

- Oui, Quini, qu'est-ce que tu as prévu ? enchaîne Lima, curieuse.

Je leur adresse un sourire malicieux.

-Après le dîner ? Jeux. Et un peu d'alcool.

- Quel genre de jeux ? s'inquiète déjà Thiago.

- Jeux de société ? tente Sofia.

- Oh non ! Pas ça ! râle Sam avec un faux air désespéré.

- Ce sera une surprise, je réponds en reprenant une gorgée d'eau. Vous allez tous adorer.

- Si ça implique des gages, je refuse, prévient Zurich.

Je ris. Ils n'ont encore aucune idée de ce qui les attend.

Le dîner se poursuit dans une ambiance chaleureuse. Les assiettes se vident peu à peu, les verres se remplissent, les rires fusent à intervalles réguliers. Les conversations se croisent, et chacun y met de sa voix, de sa présence. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens en paix.

- Trey, tu te souviens de la fois où tu as crié dans la rue parce qu'un chat t'avait sauté dessus ? balance Maira, un air moqueur dans le regard.

- Non, non, non, commence pas avec ça ! s'écrie Trey en secouant la tête, rouge de honte. C'était un chat possédé, ok ? Ce truc-là avait le regard du démon !

- Tu as hurlé comme une fille ! rajoute Lima en riant à gorge déployée.

- Vous auriez dû voir sa tête, dit Maira en mimant l'expression terrifiée de Trey.

Tout le monde éclate de rire, y compris lui. Même Georgie rit, ce qui me surprend.

Je les observe un instant, tous. Mes amis. Ma sœur. Mon petit ami. Ils sont là, avec leurs défauts, leurs histoires, leurs disputes aussi. Mais ce soir, ils rient ensemble. Et ça me remplit le cœur.

- Franchement, je ne sais pas pour vous, mais ce repas est un 10/10, déclare Zurich en croquant dans un morceau de pain.

- D'accord avec toi, dit Samantha. Quincy, tu cuisines super bien. Je veux la même villa, les mêmes plats et la même playlist pour mon anniversaire.

- Tu veux aussi que je t'offre la mer et le soleil qui vont avec ? je lance, amusée.

- Je prends ! dit-elle en levant son verre.

- À Quincy ! crie Georgie en trinquera.

Tous reprennent en chœur :

- À Quincy !

Je lève les yeux au ciel, mais je suis touchée. Je trinque à mon tour, un sourire sincère aux lèvres.

Tchad m'observe depuis son coin de table. Il ne dit rien, mais son regard parle pour lui. Il est fier. Et moi, je suis heureuse qu'il soit là.

- On passe à la glace maison ? propose Sofia en se levant.

- Quini a fait de la glace ? s'exclame Trey.

- Non, elle a commandé chez un glacier étoilé, dis-je en plaisantant.

- Tu sais que je t'ai crue ? souffle Maira, les yeux écarquillés.

Sofia revient avec un plateau rempli de coupes de glace, recouvertes de chantilly, de fruits rouges et de pépites de chocolat.

- On est au paradis, sérieusement, murmure Lima en en prenant une.

Le silence s'installe brièvement, les cuillères plongent dans les desserts. Ce n'est plus un dîner, c'est un festin.

- J'ai une idée ! s'écrie Samantha après avoir englouti la moitié de sa coupe. On pourrait faire un jeu autour de la piscine après ! Genre... action ou vérité. Ou un jeu à boire !

- Sam, t'es toujours la première à vouloir qu'on se ridiculise, commente Zurich en riant.

- Parce que j'ai confiance en mes capacités à me défendre, répond-elle avec un clin d'œil.

- Je suis partante, dit Maira.

- Je propose qu'on ajoute des gages, déclare Trey. Mais attention, pas les gages de bébé hein... des vrais. Des sales.

- Genre ? demande Georgie, intrigué.

- Genre sauter tout habillé dans la piscine. Ou appeler son ex. Ou dévoiler un secret.

- Appeler son ex ? C'est mort, j'ai changé de numéro, rigole Lima.

- Bon, on fait ça ? je demande en regardant chacun d'eux.

Ils hochent tous la tête avec enthousiasme. Même Sofia, plus réservée, semble partante.

- Parfait. On débarrasse, et rendez-vous dans une demi-heure autour de la piscine. Sortez les bouteilles.

- Ça, c'est des vacances, dit Thiago en s'étirant, heureux.

Et dans ce moment suspendu, je me dis que j'ai bien fait d'organiser tout ça. Ils le méritent. On le mérite tous.

            
            

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