Chapitre 3 Chapitre 3

Point de vue : Trey

Putain. Cette maison... c'est pas juste une maison, c'est un palace. J'essaie de ne pas trop le montrer, mais franchement, je suis bluffé. Les murs sont immaculés, les lignes épurées, la lumière qui filtre à travers les baies vitrées donne à tout un côté irréel. Chaque recoin respire le luxe, mais pas le genre tape-à-l'œil. Non. Ici, c'est raffiné. Subtil. Carrément stylé.

Treize pièces. Sérieusement. Treize. J'ai arrêté de compter après la sixième, trop occupé à m'imaginer y vivre. Salle de séjour gigantesque, canapés moelleux qu'on a envie de ne jamais quitter, une télé qui fait passer mon propre écran pour un jouet Kinder, une cuisine qui ferait pleurer de jalousie n'importe quel chef étoilé. Même les boutons des tiroirs sont plus chers que mes baskets.

Au début, j'étais pas vraiment chaud pour ces vacances. Retrouver Georgie et Samantha après ce qu'il s'est passé ? Clairement pas mon idée du fun. On s'est dit des trucs moches. Trop moches. Et maintenant, on se retrouve ici, comme si de rien n'était. Enfin, presque. Parce que malgré tout, en posant mes yeux sur cette baraque de rêve, un truc se détend en moi. Je sens mes épaules se relâcher, mon cœur ralentir. C'est peut-être l'effet du lieu, ou peut-être... que j'en avais vraiment besoin.

Je suis les autres dans la salle de cinéma, et là, c'est la cerise sur le gâteau. Un putain de cinéma privé. Écran géant, son surround qui fait vibrer le sol, fauteuils en cuir avec repose-pieds et porte-gobelets. Je suis amoureux. Je m'y vois déjà, popcorn en main, Lima à ma droite en train de critiquer le film, Georgie qui s'endort au bout de vingt minutes, Maira qui râle parce qu'on a mis un film d'action alors qu'elle voulait une comédie romantique.

Et ouais, contre toute attente, je suis content d'être là. Vraiment. Ces vacances vont peut-être me faire plus de bien que prévu. Pas juste pour l'endroit. Mais pour... ce qu'on va vivre ici. Ensemble.

Poiny de vu : quincy

Après la visite, tout le monde s'est dispersé. Certains se sont jetés dans la piscine avec une excitation presque enfantine, d'autres ont trouvé refuge sur les transats, lunettes de soleil vissées sur le nez et cocktail à la main. L'ambiance est légère, estivale, presque irréelle. Un petit paradis suspendu. Mais moi, j'ai filé en douce. Pas que je sois asociale, mais j'avais envie d'un moment de calme. Et puis, quelqu'un doit bien penser au dîner, non ?

Je suis dans la cuisine depuis quelques minutes à peine, concentrée sur le poulet encore froid que je viens de sortir du frigo. J'essaie d'imaginer le bon assaisonnement, celui qui plaira à tout le monde, quand mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon short. Un réflexe : je l'attrape, le déverrouille. Un message de Sofia.

"Je suis dans ma chambre, si tu as besoin de moi."

Je souris doucement. C'est tellement elle. Elle pourrait juste m'appeler. Ou même me parler en face. On est à quelques mètres l'une de l'autre. Mais non, elle envoie un message. Parce que c'est sa manière à elle. Je tape un simple "ok", amusée.

- Est-ce que je te dérange ?

Je sursaute légèrement en entendant une voix derrière moi. Je me retourne aussitôt, posant mon téléphone sur le plan de travail. Trey se tient dans l'embrasure de la porte, adossé au chambranle, l'air décontracté.

- Non, je... c'est Sofia qui m'a envoyé un message pour me dire qu'elle est en haut, dis-je avec un léger sourire, en lui montrant l'écran de mon téléphone.

- Dans sa chambre ? demande-t-il, un sourcil levé.

- Oui.

- Pourquoi elle t'envoie un message pour te le dire ?

Je hausse les épaules en souriant.

- Parce que c'est Sofia !

Il esquisse un petit sourire, amusé par ma réponse. Je replace une mèche de cheveux derrière mon oreille avant de reposer mon regard sur lui.

- Tu as besoin de quelque chose ?

- Oui, un verre d'eau, dit-il en avançant dans la cuisine.

- Je vais te l'apporter tout de suite. Mais avant, je dois sortir les poubelles, dis-je en désignant les sacs prêts près de la porte.

- Les poubelles ? répète-t-il, comme si c'était inconcevable.

-Oui, Trey. Les poubelles.

- Donne-les, je vais t'aider.

Avant même que je ne réponde, il les saisit et me fait signe d'ouvrir la porte arrière. Je m'exécute, un peu surprise par son initiative.

- Tu sauras où...

- Oui, ne t'inquiète pas, me coupe-t-il gentiment.

Je le regarde traverser le jardin, les sacs à la main, et je souris malgré moi. Ce n'est pas grand-chose, mais ce geste... il me touche. Je n'ai pas l'habitude de voir Trey comme ça. À vrai dire, on ne s'est jamais vraiment rapprochés.

Quelques minutes plus tard, il revient, et je lui tends un verre d'eau bien frais.

- Voilà ton verre d'eau.

- Merci, dit-il en le prenant. Qu'est-ce que tu fais ?

- Je prépare du poulet rôti.

- C'est toi qui cuisines ?

- Oui, c'est moi. Pourquoi ?

- Depuis quand cuisines-tu ?

Je le regarde, un sourcil levé.

- Je cuisine depuis toujours, Trey !

- C'est étrange... pourquoi je n'ai jamais goûté l'un de tes plats ?

Je hausse les épaules. Peut-être parce qu'il ne s'est jamais intéressé à moi au-delà des discussions de groupe.

- Je n'en ai aucune idée.

- Qui t'a appris à cuisiner ?

- J'ai appris de ma mère, de ma grand-mère... et de Juan, le cuisinier de ma grand-mère.

Il acquiesce, pensif, puis balaie la pièce du regard.

- Au fait, où sont passés tous les employés ? demande-t-il, les sourcils froncés. Parce que pour entretenir une maison aussi immense, il faut forcément du personnel, non ?

- Je leur ai donné quelques jours de congé. Mais ne t'inquiète pas, ils passeront chacun à tour de rôle accomplir leurs tâches tous les deux jours.

Il approuve d'un léger signe de tête.

Je continue de m'affairer autour du plan de travail, enroulant les herbes autour du poulet, tandis qu'il rince quelques légumes dans l'évier, en silence. Puis il me lance, d'un ton plus doux :

- Tu as besoin d'aide ?

Je m'arrête un instant. Sa question me surprend. C'est inattendu... presque attendrissant. Venant de Trey ça me choque un peu.

- Non, ça va aller. Il ne me reste plus grand-chose à faire de toute façon. Va plutôt rejoindre les autres, je n'en ai pas pour longtemps.

- D'accord, je vais rejoindre les autres alors. Fais-moi signe si tu as besoin d'aide, d'accord ?

Je hoche la tête, le regarde s'éloigner, et lorsqu'il quitte la cuisine, je reste quelques secondes figée, un couteau à la main. J'aurais jamais cru que Trey me proposerait son aide un jour. Peut-être que ces vacances vont vraiment nous rapprocher... tous.

Point de vue : Lima

Le soleil tape dur, presque insolent, mais la piscine fait son boulot. On rigole, on se laisse vivre, les garçons jouent les crétins comme d'habitude. L'atmosphère est légère, pleine de ce genre de bonheur simple qui t'ancre dans l'instant, qui te fait oublier les emmerdes.

Moi, je suis assise sur le balcon de ma chambre, les jambes en tailleur, téléphone en main. Je réponds à ma sœur tout en regardant la mer au loin, scintillante sous la lumière de l'après-midi. En bas, les rires montent jusqu'ici, éclatent contre les murs blancs de la villa, rebondissent dans l'air comme une promesse d'été.

Et puis, un son. Lointain. Mais reconnaissable.

Whop, whop, whop.

Je fronce les sourcils, le cœur qui cogne un peu plus fort dans ma poitrine. Pas besoin de réfléchir longtemps. C'est un hélico.

Je me redresse d'un bond, laisse mon téléphone tomber sur le matelas derrière moi, et je cours. Pieds nus sur le carrelage chaud, j'avale les escaliers quatre à quatre jusqu'à l'héliport. Le vent se lève, soulève mes cheveux, le sable tourbillonne autour de mes chevilles. L'hélicoptère descend, lentement, dans un grondement sourd. Il se pose en douceur. Mon cœur s'apaise.

La portière s'ouvre.

Et je les vois enfin.

Thiago, Zurich, Samantha, Maira. Fatigués, un peu froissés par le voyage, mais souriants.

- Enfin, vous voilà ! m'exclamé-je, les yeux brillants. J'ai cru que vous ne parviendriez jamais à rejoindre la villa.

Thiago descend le premier, son sac sur l'épaule, l'air fatigué mais soulagé.

- On a eu quelques soucis techniques en chemin, dit-il avec un petit rire nerveux.

- Mais heureusement, on est là maintenant, enchaîne Samantha.

- Notre arrivée était digne d'une star de cinéma, balance Zurich en ôtant ses lunettes de soleil.

- Vous croyez qu'on allait rater ça ? demande Maira en nous rejoignant, les bras ouverts.

On se prend toutes dans les bras. Ça fait du bien de les voir.

- Allez, venez. Les autres sont à la piscine. Et préparez-vous, la maison est digne d'un palace, dis-je en leur faisant signe de me suivre.

On rejoint le groupe. Sam se moque gentiment de nous en nous voyant tous en maillots, détendus au bord de la piscine.

- Vous n'avez pas perdu de temps, hein !

- Allez, change-toi et viens nous rejoindre. L'eau est bonne, bébé ! crie Georgie depuis la piscine.

Zurich s'arrête net.

- Georgie ! réagit Zurich, surprise de le voir là.

- Zuzu ! répond-il avec un grand sourire.

- Arrête de m'appeler comme ça ! C'est Zurich ! ZURICH !

Tout le monde éclate de rire, sauf Thiago qui semble... tendu.

- T'es susceptible aujourd'hui...

Thiago s'approche de moi, visiblement contrarié. Je savais que ça viendrait.

- Lima, qu'est-ce qu'il fait là ? me demande-t-il d'un ton sec, le regard noir.

Et voilà. Je savais qu'ils réagiraient mal. C'était sûr. J'avais parié avec moi-même qu'il tiendrait dix minutes. Il en a fait cinq. J'espérais juste... un peu plus de maturité. On est censés être là pour se détendre, profiter de l'instant. Pourquoi est-ce que Georgie dérange autant ?

- Thiago, ne commence pas. On est en vacances. Je ne pouvais pas supporter l'idée d'être loin de lui, alors je l'ai invité. C'est tout.

- Tu sais ce que ça veut dire, des vacances entre amis ? rétorque Samantha, les bras croisés.

- Sam, je ne t'ai rien demandé. Donc tu peux garder tes leçons pour toi, merci.

- Lima, elle n'a pas complètement tort, intervient Tchad. Tu aurais au moins pu nous prévenir. Ce n'est pas cool de le ramener comme ça, sans rien dire.

- Oh excusez-moi, j'ignorais qu'il fallait une autorisation collective pour inviter mon petit ami !

Le ton monte. Les regards se tournent vers nous. Et comme par hasard, c'est ce moment que choisit Quincy pour apparaître, un plateau rempli de verres dans les mains. Elle sent l'électricité dans l'air avant même d'ouvrir la bouche.

- Qu'est-ce qui se passe ? demande-t-elle en posant le plateau.

Tchad se précipite pour l'aider. Moi, je fixe Thiago, le cœur en vrac. Je savais que ça arriverait. Mais pas si tôt. Pas comme ça.

            
            

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