Ivre de spleen
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Chapitre 5 No.5

Non, je ne peux m'y résoudre. C'est trop fatiguant, mes jambes s'écroulent sous l'effet de l'angoisse, que tout puisse venir à disparaître, c'en est trop. Je préfère le soleil, un cocktail, une brise constante, des cigarettes, et la femme que j'aime. Mais tu sais, tout ça, c'est dans ton imagination.

Il n'y a pas un homme qui n'a pas souffert sur cette terre, car les hommes sont des imbéciles, ils n'ont plus de bon sens, ils croient en n'importe quoi, ils sont superstitieux et rétifs à toute forme d'organisation, plus intelligente qu'un renard, mais ce même renard est à l'abri dans les lois de la nature qui sont parfaites et beaucoup plus sereines que tout ce que les hommes peuvent faire. Que l'on ne me dérange pas, je suis dans mon élément, je danse, mon cœur est sur l'océan, à voguer tranquille parmi le corail et les algues marines. Il faut que les conditions de la vie soient remplies, il faut bander de vivre, et lâcher ses préoccupations, que dis-je, les déverser dans une femme. Maintenant, je suis tout sage, mon mouvement s'élevait soudain, quand il a été entravé, comme toujours, car il y a quelque chose que je voudrais supprimer à jamais, c'est le téléphone, qui interrompt sans cesse les êtres humains dans leurs tâches nobles, si elles le sont. C'est comme faire l'amour et penser que quelqu'un puisse faire irruption dans la pièce et séparer les amoureux. L'esprit n'y survit que par le pouvoir de l'amnésie. Donc, je disais, les règles de la nature sont parfaites, à la fois affectueuses et implacables, elles sont la manifestation de Dieu. Les larmes me montent aux visages, elles engloutissent mes pensées comme avoir la tête sous l'eau balayée par le sanglot des vagues. Je cherche l'amour sans barrière, sans obstacles, une confiance totale qui éradique la méfiance pour toujours. Une ouverture de soi quasi magique, et spontanée, loin des machinations obscures de l'humanité, des calculs, des manipulations, de la servitude des petits intérêts des personnes, de l'apaisement des inquiétudes individuelles seul, sans avoir recours à quelqu'un. La solitude du monde moderne, car les conséquences sont trop lourdes, on peut se faire rouler facilement dans la farine. En fait, chacun crée sa réalité, le monde n'est pas un mais multiple. Chacun a ses repères, et fonctionne en fonction de ces repères-là. Ce sont des choses, et pas une chose. Et il n'y a pas de vraie gouvernance, chacun est un peu laissé à lui-même, et ceux qui demandent de l'aide sont enfermés dans des conditions et des obligations, on les aide mais on supprime leurs libertés. Ah, les larmes reviennent et manquent de faire chavirer l'embarcation de ma conscience, qui flotte avec peine et drame, au milieu d'un océan dont les règles m'échappent, alors il faut écoper sur la barque branlante, et se laisser tanner par le soleil. Le dos au mur comme toujours, à taper du pied et à fumer des clopes, les rêves, les rêves sont la cause du mal, quand la réalité est si pauvre, l'esprit s'échappe, cette semence divine qui est reliée aux cieux et qui parvient à s'élever quelque soit les constrictions, quelque soit la fréquence cérébrale, quelque soit l'animalité qui nous retient de devenir humain, et de tuer avec ses crocs les contrariétés qui surgissent comme des dominos sur un plateau de jeu. La victoire, la défaite, la guerre, la paix, l'amour, le jeu, les astuces pour se tirer d'affaire, la compromission de l'âme dans des échanges triviaux, la mort de l'esprit humain et la fin de l'histoire.

Voilà, j'ai fait l'amour. C'était triste et mélancolique, c'était comme pénétrer dans un jardin fané, gangréné par la maladie et la souffrance, ce n'était pas rayonnant de santé comme je le connais. Non, nos corps n'ont pas été transfigurés en lumière, et nous n'étions pas deux êtres célestes. C'était triste et mélancolique. Je me souviens toujours de cette fois, cette seule fois, où l'amour qui m'envahissait a transfiguré la fille, et qu'elle m'a serré dans ses bras comme si nous étions amoureux pour de vrai, c'était en se quittant. Non, nous n'étions pas deux êtres célestes, nous n'étions pas les canons de la beauté au sommet de leur perfection, nous n'étions pas Adam et Eve, juste deux être perdu dans une petite métropole sombre et méfiante, qui se réconforte dans leurs solitudes urbaines, qui essaie de faire jaillir de manière artisanale, la joie et l'amour. Oh, on n'est pas encore au stade où je suis capable de chanter devant une foule, mais ça vient, et puis Dieu m'a dit de ne pas baisser les bras. Non pas qu'il faille se battre, ce n'est pas ça, c'est juste que dans mon esprit, où il n'y plus rien d'évident, soudain, cette chose me paraît claire et limpide. Traversé de tensions dues aux pulsions, je n'ai pas de répit, et je me perds sans cesse avant de retrouver quelque chose inhérent à ma personnalité, aux secrets enfouis dans mon âme qui ne demandent qu'à s'épanouir en fleurs vers le monde extérieur. Oh, que c'est beau l'amour. Dans un instant, l'harmonie réapparaît dans mon esprit ravagé par le doute et l'inaction, due à une pathologie certainement. Hier, un rayon de soleil m'a éclairé, il va falloir en parler au docteur. Il y a tant de choses à faire. Il va falloir solutionner cette question. Ah, mais l'amour. Au zénith, braqué plus que jamais sur mon objectif, le nuage de ma passion m'enveloppe, et me protège de sa brume, et brouille mes traits, et cache mes talents au regard de la foule non avertie en quête de sensations, et non pas de sens. Je ne sais pas si un jour, je porterai le fruit de moi-même. L'harmonie qui se déroule quelque part dans l'immensité me semble si lointaine, et si proche à la fois, mais aujourd'hui elle restera insaisissable. En fait, ce que dit la musique, c'est qu'il y a des conditions optimales pour écrire. Je les veux, je les désire, de manière pure et désintéressée, pour que naisse enfin l'œuvre qui patiente en moi, et qui sort le bout de son nez de temps à autre, mais c'est trop, la beauté, la beauté, et l'amour, saisis-nous, fige-nous dans la stupeur et l'étonnement, sources philosophiques de haute qualité. Déjà, il faut que je sois seul, dans un endroit assez spacieux, avoir de quoi manger de bon, et de temps à autre, avoir de l'argent pour sortir et dépenser à ma guise, qui m'offrira cela ? Tel est mon bonheur, non, je ne suis pas rentier, je ne suis pas bien né, et je ne veux pas être à la rue, comme un clochard, de toute façon, je ne peux pas, quelque chose immobilise mon bon sens de survie, ce n'est pas comme si j'avais toute ma tête. Quelque part, je sais que la terre peut s'écrouler, je sais que le monde arrivera à sa fin, je sais que tout ne tient qu'à un fil, alors, je m'efforce de vivre au présent. Chaque jour compte, chaque jour est plein de joie et tristesse, chaque jour, on essaie d'être plus en harmonie avec soi que le jour précédent. C'est marrant, aujourd'hui, j'ai vraiment cru que toutes mes capacités étaient parties en fumée. Je ne m'attendais pas à ce que je me rétablisse aussi promptement. Ce doit être la grâce de Dieu qui s'exprime nonobstant les situations. Dans un mouvement élégant, l'esprit survit dans toutes les configurations, et qu'importe la bêtise des hommes. Oui, la bêtise, bête et donc méchante, ignorante et obscurantiste, qui prend des décisions en accord avec les inquiétudes dévorantes du monde moderne. Tellement dévorant que les neurones de la joie sont bouffés, et que le sourire ne s'esquisse que cyniquement. Ou de manière sinistre. J'en ai vu des hommes. De la rationalité bouffante qui se cache derrière des atours élaborés, pas vraiment la moindre émotion, ou la moindre excellence des qualités morales. Et puis souvent, le fer est trop visible, il faut la cacher, ou pas du tout, l'épouser en douceur jusqu'à ce qu'il fasse place à la bonté jaillissante, sautillante comme une gazelle dans un désert, ou aussi calme qu'une mare sulfurique près d'un volcan. Bref, j'en ai vu des hommes. Des dérangés, des gens sains qui se croient sains, mais dont le bon sens échappe à un écureuil. L'écureuil, à la vie si paisible et si aventureuse. Que je l'envie. Je le vois de temps à autre sautiller dans les arbres ou en train de fouiller le sol à la recherche d'un gland qu'il a soigneusement dissimulé, si les pies qui rôdent ne l'ont pas déterré à coup de bec. Bon, je sais que je fais partie d'une humanité inspirée, par lui qui contrarie souvent mes désirs pour m'amener à l'obéissance, souvent il m'a rabroué, il m'envoie ses signes, le vent, le soleil, et tant d'autres, et il me recommande par ailleurs de me soigner. J'écris au milieu du chaos, sans cesse dérangé dans mon harmonie. Aurais-je un jour jamais la paix ? Aurais-je de quoi subvenir à mes besoins, de quoi poursuivre ma tâche jusqu'à son aboutissement ? Un jour, j'ai pris une feuille et une plume, et je me souviens, c'était quasi magique, une adhérence instantanée et spontanée au contenu, j'ai senti les ondes de l'amour se dérouler en moi, comme si mon âme voyageait dans un espace-temps qui lui est propre, et qu'elle avait soudain pénétrer l'éternité, un domaine merveilleux et enchanteur, onirique, et hors de la réalité, comme une prière muette et colorée, dans un cagibi situé en quartier bourgeois, ah, mais oublions le monde un instant. Quelque part, dans ce mouvement, il y a une égalité complète entre les hommes, à la naissance et devant la loi, c'est extrêmement beau. Je me rends compte que toutes les classes sociales établies par les hommes pour se sentir importants ou redevables sont caduques, et je ne tomberai pas dans leur piège. Quand j'écris, je suis dans un avion, et de temps à autre, une légère turbulence vient me secouer. Non, je ne tomberai pas dans leur piège. Se gausser, c'est mourir et écraser, comme un homme insouciant qui dans le noir entend le craquèlement des coquilles des escargots sous ses grosses chaussures, ou le chuintement d'une limace écrasé, limace, à qui s'il aurait prêté attention, aurait remarqué son sillage brillant. La limace a donc un esprit brillant, et elle fait une excellente soupe. Enfin, je ne tomberai pas dans le piège. Pourquoi l'homme désire-t-il si ardemment toutes ces richesses matérielles ? Ne se rend-il pas compte que ça ne le rend pas heureux ? Ou doit-il opter in extremis pour un plan de vie pour éviter le désœuvrement ? Est-ce parce qu'il n'a qu'un entendement limité ? C'est sûrement ça, mais ça reste un mystère. Ah, l'amour, l'amour, c'est cela qui nous sauve l'âme. Et de la bonne compagnie, et du champagne et du foie gras.

                         

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