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La robe effleure mes chevilles tandis que je traverse la chambre à pas mesurés. Mon cœur tambourine contre ma cage thoracique, et malgré moi, mes mains tremblent légèrement alors que je lisse le tissu. Ce soir marque un tournant. Le moment que j'attends depuis toujours. La cérémonie des âmes sœurs. Celle où l'Alpha Leon me reconnaîtra comme sienne.
L'air nocturne est chargé d'électricité, une tension palpable qui vibre dans l'atmosphère, imprégnant chaque souffle d'anticipation. Partout autour du domaine, les torches vacillent sous la brise nocturne, projetant des ombres mouvantes sur les visages impatients. Des loups de toutes les meutes se sont rassemblés pour assister à ce rituel sacré, où les âmes sœurs sont révélées sous l'influence de la pleine lune. Je n'ai jamais douté du résultat. Chaque fibre de mon être me hurle que Leon est mon destin.
Lorsque je sors de ma chambre, l'agitation dans l'air devient presque assourdissante. Les conversations animées, les rires, le crépitement du feu de cérémonie-tout semble flou, comme si je flottais hors du temps. À travers la foule, mon regard cherche un seul visage. Celui de l'Alpha.
Leon se tient près du cercle sacré, le dos droit, imposant dans son costume sombre. Son charisme brut attire tous les regards, et pourtant, il reste distant, le regard froid, indéchiffrable. Mon cœur rate un battement. Pourquoi ne vient-il pas me chercher ? Il sait, lui aussi. Il a toujours su.
La cérémonie commence.
Les anciens se placent en cercle, psalmodiant des paroles anciennes dans la langue des loups. L'énergie monte, tourbillonnante, vibrante. Mon souffle se coince dans ma gorge lorsque la lumière lunaire s'intensifie, baignant le cercle d'une lueur spectrale. La magie se déploie, nous enveloppant tous dans un voile invisible.
Un à un, les couples sont révélés. Les âmes sœurs se reconnaissent, leurs regards se scellent, et la connexion devient inéluctable. J'attends mon tour, mes doigts se crispant sur le tissu de ma robe.
Puis vient enfin le moment que j'attends.
L'instant suspendu où tout bascule.
La lumière m'entoure, scintillante, m'enveloppant d'un éclat argenté. Un murmure parcourt la foule, et je lève les yeux vers Leon, prête à voir ce que j'ai toujours su confirmé par la magie ancestrale.
Mais il ne bouge pas.
Il reste figé, son regard glacial fixé sur moi.
Un silence s'installe, oppressant, comme si le temps s'était brusquement figé. Mon cœur martèle contre ma poitrine tandis que Leon avance d'un pas lent, chaque mouvement résonnant comme une sentence.
Puis il parle.
- Je refuse ce lien.
Un frisson glacé me transperce, balayant toute chaleur de mon corps.
Je ne comprends pas.
Je veux croire que j'ai mal entendu, que ma propre peur déforme ses mots. Mais la stupeur de la foule, les murmures horrifiés, le choc visible sur les visages, tout confirme la terrible réalité.
Leon vient de me rejeter.
Mon souffle se bloque.
Il me fixe toujours, son expression impassible, comme si cette annonce ne signifiait rien. Comme si je n'étais qu'un grain de poussière balayé par le vent.
- Il ne peut pas... murmure quelqu'un dans la foule.
Mais il peut.
Il vient de le faire.
Les anciens échangent des regards incertains. Une telle rupture est rare. Presque inexistante. Rejeter son âme sœur va à l'encontre de toutes les lois naturelles. Pourtant, Leon se tient là, indifférent, détaché, comme si je n'étais rien.
- L'Alpha Leon a parlé, tranche la voix d'un ancien.
Un sifflement monte dans mes oreilles. Je veux parler, hurler, exiger une explication, mais les mots restent bloqués dans ma gorge. L'humiliation brûle comme un feu vorace, consumant chaque parcelle de ma dignité.
Leon détourne les yeux, comme si je n'étais même pas digne d'un dernier regard. Puis il se retourne, s'éloignant sans un mot de plus.
Le silence est absolu.
Je me tiens là, au centre du cercle, exposée, vulnérable, brisée.
Les murmures reprennent, chuchotements assassins qui s'infiltrent dans mon esprit, me lacérant de l'intérieur.
- Comment un Alpha peut-il rejeter son âme sœur ?
- Elle devait être trop faible pour lui.
- C'est une honte pour la meute...
Le monde autour de moi bascule, flou, irréel. Je ne ressens plus le sol sous mes pieds, ni la brise nocturne sur ma peau. Tout ce que je perçois, c'est cette douleur insupportable qui se propage dans mes veines, ce vide béant qui s'ouvre en moi.
Puis vient la colère.
Une rage sourde, brûlante, étouffée par l'humiliation.
Je ne resterai pas ici. Pas une seconde de plus.
Sans un mot, sans un regard en arrière, je tourne les talons et quitte le cercle.
Les rumeurs me suivent, les regards me transpercent, mais je ne leur accorde aucune attention.
Je sors de la clairière, la gorge nouée, mes mains tremblantes.
Il n'y a plus rien pour moi ici.
Je disparaîtrai, et lorsqu'ils me reverront...
Ce ne sera plus en tant que la faible femme rejetée par l'Alpha.
Ce sera en tant que la louve qu'ils n'auraient jamais dû mépriser.
Le tumulte s'apaise progressivement, laissant place à une attente oppressante. Tous les regards sont braqués sur Leon, guettant une explication, une justification à son refus. Mais l'Alpha ne vacille pas. Il se redresse, dominant la foule de sa présence implacable, et lorsqu'il prend la parole, son ton est tranchant, sans appel.
- Elle n'est pas digne de moi.
Les mots résonnent, lourds, brutaux. L'onde de choc traverse l'assemblée, arrachant des murmures choqués, des exclamations étouffées. Certains baissent les yeux, incapables de soutenir une telle déclaration. D'autres, fascinés par la brutalité du moment, échangent des regards incrédules.
Elena, elle, reste figée. Chaque syllabe s'imprime en elle comme une lame chauffée à blanc, brûlant son orgueil, broyant ses espoirs. Son esprit refuse de comprendre, refuse d'accepter ce qu'il vient de dire devant toute la meute. Pas digne ? Comment peut-il prononcer ces mots après tout ce qu'elle a toujours été pour lui, après tout ce qu'ils auraient pu être ensemble ?
Les anciens, eux-mêmes pris au dépourvu, s'agitent nerveusement. Un rejet est déjà une offense à l'équilibre sacré des âmes liées, mais humilier ainsi sa compagne devant l'entièreté du clan relève d'une cruauté insensée.
- Leon, est-ce bien là ta volonté ? interroge l'un des anciens, sa voix grave résonnant dans la nuit.
L'Alpha ne détourne pas les yeux. Son regard d'acier s'ancre dans celui de l'ancien, impassible, inébranlable.
- Oui.
Une lourde sentence s'abat sur l'assemblée. La tension devient suffocante, comme si la forêt elle-même retenait son souffle.
Un éclat de rire amer échappe à Elena avant qu'elle ne puisse le retenir. L'indignité. Voilà donc ce qu'elle représente à ses yeux ? Après toutes ces années, après chaque instant où elle l'a cru sien, il ne voit en elle qu'un être inférieur, indésirable.
Ses poings se serrent, ses ongles s'enfoncent dans sa paume, mais elle refuse de laisser transparaître la douleur qui lacère son cœur. Elle ne lui donnera pas ce plaisir.
Les murmures se propagent comme une traînée de poudre. Certains hochent la tête, comme si l'humiliation qu'elle subit était méritée. D'autres détournent le regard, gênés. Mais personne ne prend sa défense. Pas un seul n'ose s'opposer à l'Alpha.
Elena relève le menton, rassemblant chaque fragment brisé de sa dignité. Elle pourrait supplier. Elle pourrait exiger une explication, crier son droit à ce lien qu'il vient de piétiner sans une once de remords. Mais à quoi bon ?
S'il la pense indigne, alors elle n'a plus rien à faire ici.
Lentement, elle se détourne, ignorant les regards, ignorant les rires moqueurs de certains. Chaque pas qu'elle fait loin de lui est une victoire arrachée à la douleur.
Elle part, brisée mais fière.
Et un jour, ils comprendront tous l'erreur qu'ils ont commise.
Elena s'éloigne, chaque pas résonnant comme un écho douloureux dans la nuit, la laissant seule avec ses pensées noires. Le vent frais caresse son visage, mais il n'offre aucune consolation. Le poids des regards moqueurs qui la suivent, des rires étouffés et des chuchotements cruels, s'alourdit sur ses épaules. Elle pourrait presque les sentir percer sa peau, pénétrer dans son esprit fragile. Elle ferme les yeux un instant, essayant de chasser cette sensation d'étouffement. Mais elle ne peut ignorer l'humiliation qui dévore son âme.
La douleur est insupportable. Pas seulement physique, non. C'est une souffrance bien plus profonde. Une souffrance née de la trahison de celui qu'elle croyait son âme sœur. Elle s'était préparée toute sa vie pour ce moment, convaincue que l'Alpha Leon la choisirait, qu'il reconnaîtrait en elle la compagne parfaite. Mais ce rêve s'est effondré en un instant, balayé d'un revers de main, aussi facilement qu'on écrase une flamme vacillante.
Le vent fouette son visage, mais rien ne parvient à chasser la brûlure qui consume son cœur. Elle entend encore les mots de Leon résonner dans ses oreilles, glacés, cruels. *Indigne de lui.* Ces mots, prononcés sans hésitation, s'incrustent en elle, marquant son esprit à jamais. Ils ne disparaîtront pas. Ils la hanteront. Parce qu'à ses yeux, elle n'était rien de plus qu'un obstacle insignifiant sur son chemin.
Elle ne sait pas où elle va, mais l'idée de rester là, dans cette clairière, est insupportable. Son corps est animé par une impulsion sauvage, une fuite instinctive. Elle se précipite dans la forêt, s'enfonçant à travers les arbres sombres, chaque brise froide venant effleurer sa peau brûlante. Ses jambes la portent sans qu'elle y pense, alors que ses pensées tournent en rond, incapables de se poser sur une quelconque solution.
Loin de la meute, loin de tout, Elena se laisse tomber sur un rocher, haletante. Le bruit de son souffle lourd s'ajoute à l'obscurité qui l'entoure. Elle ferme les yeux et laisse la colère prendre le dessus. Une rage sourde, dévorante, éclate en elle. Elle déteste la manière dont tout s'est passé. Elle déteste son impuissance, sa vulnérabilité, sa naïveté. Mais surtout, elle déteste lui.
Pourquoi l'a-t-il rejetée ainsi, sans une once de regret ? Qu'avait-elle fait de mal pour mériter une telle humiliation ? Son cœur saigne, sa confiance est brisée, mais quelque chose d'encore plus puissant s'éveille en elle. Cette souffrance, cette douleur aiguë, se transforme lentement en une détermination farouche. Elle ne sera pas cette louve faible que Leon et les autres croient. Non. Elle retrouvera sa fierté, sa force, et elle leur prouvera, à tous, que sous la douleur se cache une guerre prête à éclater.
Elle serre les poings. Ce n'est pas la fin. Ce n'est que le début de quelque chose de plus grand. Une nouvelle Elena est née dans les décombres de la trahison. Une Elena plus forte, plus résolue, et prête à défier tout ceux qui auront l'audace de la sous-estimer.