Chapitre 3 Chapitre 3

Elena s'élança dans l'obscurité de la forêt, ses pieds effleurant à peine le sol, comme si elle était devenue une extension de la terre elle-même. Le vent hurlait autour d'elle, balayant ses cheveux noirs et son visage marqué par la douleur. Mais la douleur était devenue un compagnon familier, et chaque pas la menait un peu plus loin de la personne qu'elle avait été. Le guerrier ne lui laissait aucun répit. Il courait devant elle, sa silhouette imposante disparaissant entre les troncs d'arbres comme un spectre, mais elle savait qu'il l'observait, prêt à la juger à chaque instant.

Elle ne pouvait pas se permettre d'échouer.

- Plus vite, Elena !

La voix du guerrier résonna dans la forêt, froide et impitoyable. Chaque mot était une épée, chaque instruction une épreuve qu'elle devait surmonter. Il n'y avait pas de place pour la faiblesse ici. Si elle voulait devenir une guerrière, il lui fallait abandonner ce qu'elle avait été. Il lui fallait devenir autre chose.

Elle accéléra, son cœur battant furieusement dans sa poitrine, l'air manquant de ses poumons. Les arbres semblaient se resserrer autour d'elle, mais elle se concentrait sur le souffle du vent et le bruit des pas du guerrier devant elle. Il était rapide, terriblement rapide. Si elle n'était pas en mesure de le suivre, tout serait terminé. Il ne lui accorderait aucune clémence. Pas cette fois.

La douleur dans ses jambes la fit trébucher, mais elle se redressa immédiatement, grimaçant de douleur. Le guerrier s'arrêta enfin. Il se tourna vers elle, ses yeux dorés perçant l'obscurité. Il la fixa, un silence lourd entre eux. Elle avait l'impression que la forêt elle-même attendait son jugement.

- Tu faiblis, Elena. Tu veux vraiment devenir plus forte ? Ou est-ce juste une illusion de grandeur ?

Sa voix était calme, mais le reproche qui s'y glissait était suffisant pour qu'elle sente une montée de rage dans ses entrailles. Elle n'était pas ici pour échouer. Elle n'était pas là pour entendre des jugements. Elle était là pour survivre. Pour se venger. Pour renaître.

- Je veux devenir plus forte, répondit-elle, sa voix pleine de défi. Et je réussirai.

Le guerrier la scruta un moment de plus, puis il hocha la tête.

- Très bien. Tu veux survivre, alors tu apprendras à te battre pour chaque souffle. Nous commencerons demain.

Le matin se leva sur une forêt silencieuse. Elena, les muscles douloureux, se redressa dans son maigre abri, les souvenirs de la nuit dernière encore vifs dans son esprit. Le guerrier l'avait laissée dans la forêt, loin de toute civilisation, pour affronter ses démons et ses faiblesses. Il ne s'agissait pas seulement d'un entraînement physique, mais d'un combat avec soi-même. Elle devait se découvrir, comprendre où se cachait sa véritable force.

Ils partirent tôt, sans échanger de paroles, comme s'ils n'avaient besoin d'aucune communication. Le guerrier la menait sur un sentier sinueux, mais il ne semblait pas avoir de destination précise. Chaque pas qu'elle faisait était une épreuve, chaque mouvement un défi. Il l'amenait dans des endroits où le terrain devenait plus imprévisible, où les obstacles semblaient surgir de nulle part.

Un jour, il la fit grimper à un arbre gigantesque, lui ordonnant de se hisser sans utiliser ses mains. La douleur dans ses bras, ses jambes, était telle qu'elle cru qu'elle allait s'effondrer. Mais elle s'accrocha. Chaque fraction de seconde qu'elle passait suspendue, chaque cri de douleur qu'elle réprimait renforçait quelque chose en elle, quelque chose qu'elle n'avait jamais connu. La force.

- Tu as une force intérieure, Elena, dit-il un jour, alors qu'elle s'effondrait au sol après une journée d'entraînement particulièrement rude. Mais cette force ne se réveillera que si tu l'acceptes. Si tu t'abandonnes à elle.

Elle se redressa lentement, la sueur coulant le long de son front, mais cette fois, elle ne se laissa pas submerger par la fatigue. Elle ferma les yeux un instant, respirant profondément. Son corps était brisé, mais son esprit était intact. La douleur n'était qu'un rappel, un avertissement. Mais elle s'était habituée à ce rappel. Ce n'était plus qu'un bruit de fond, une vibration constante qui l'accompagnait.

Les jours s'étiraient, devenant de plus en plus difficiles. Le guerrier la poussait à ses limites, souvent au-delà de ce qu'elle croyait pouvoir supporter. Mais chaque journée semblait l'élever davantage. La peur, la honte, la faiblesse de son passé s'éloignaient lentement, comme des ombres fuyant la lumière du jour. Elle devenait quelque chose de plus grand, de plus menaçant. Une guerrière.

Un matin, après un entraînement particulièrement épuisant, le guerrier laissa échapper un commentaire. Un regard furtif qui, cette fois, ne se cacha pas sous le masque de l'impassibilité.

- Tu commences à ressembler à une vraie guerrière, Elena. Mais tu n'es pas encore prête.

Elle ne répondit pas, mais elle sentit un frisson courir le long de sa colonne vertébrale. Il n'avait pas dit cela pour la flatter. C'était un constat. Elle n'était pas encore prête. Mais elle savait que, dans peu de temps, elle serait.

Les jours suivants furent marqués par des attaques, des combats simulés dans lesquels elle se retrouva face à des adversaires plus forts, plus habiles. Chaque coup qu'elle esquivait, chaque coup qu'elle rendait la rapprochait un peu plus de ce qu'elle était censée devenir. Une guerrière née du feu, forgée dans la souffrance.

Un jour, après une longue journée de combats acharnés, elle se retrouva face à lui, haletante, couverte de blessures, mais les yeux brillants d'une nouvelle détermination.

- Je ne reculerai plus, murmura-t-elle.

Le guerrier la regarda longuement, puis, sans un mot, il tourna les talons. Mais elle savait qu'il avait vu ce qu'il voulait voir. Ce n'était plus la même Elena. Et bientôt, la forêt entière saurait qui elle était devenue. Une ombre menaçante. Un prédateur.

Elena s'éveilla chaque jour dans une douleur constante, ses muscles en feu, son corps marbré de bleus et de blessures. Le guerrier ne lui accorde aucune pitié. Chaque matin, il la poussait un peu plus loin dans ses limites, la forçant à affronter des défis de plus en plus violents. Ses échecs étaient nombreux, mais à chaque chute, une rage brûlante s'allumait en elle. C'était une rage qu'elle ne comprenait pas totalement, une rage qu'elle n'avait jamais connue auparavant, mais qui semblait pulser au plus profond d'elle-même, l'empêchant de se laisser engloutir par la douleur.

Elle savait que chaque échec était un pas de plus vers sa transformation. La peur de l'échec, du rejet, du passé qui la hantait, l'accompagnait sans relâche, mais elle ne la laissait pas la paralyser. Elle faisait face à la souffrance comme un loup solitaire affrontant une tempête, avec une volonté qui ne faiblissait jamais. Elle ne le faisait pas pour prouver quelque chose aux autres, mais pour elle-même. Pour se reconstruire. Pour se libérer.

Les jours étaient longs, les nuits plus froides encore. Elena se perdait parfois dans ses pensées, se demandant si elle avait fait le bon choix en acceptant l'offre du guerrier. Mais chaque fois, la réponse venait d'elle-même, d'une conviction brûlante dans son cœur : elle n'était pas ici pour mourir. Elle était ici pour renaître, pour devenir plus forte. Et chaque échec était une chance de plus de se rapprocher de ce but.

Un matin, après un entraînement particulièrement brutal, le guerrier l'emmena dans une vallée isolée. Le sol était couvert de rochers tranchants, et l'air semblait plus lourd ici, comme si même la nature elle-même attendait quelque chose. Ils s'arrêtèrent au sommet d'un précipice qui semblait mener nulle part, une mer de brume s'étendant à perte de vue.

- Aujourd'hui, Elena, tu feras face à ton plus grand défi, annonça-t-il d'une voix glaciale. Si tu veux prouver ta valeur, tu devras affronter ce qui t'effraie le plus.

Elena se tourna vers lui, le regard déterminé, prête à accepter n'importe quel défi, aussi périlleux soit-il. Elle n'avait plus peur. Ou peut-être si, mais elle était déterminée à la combattre.

Sans prévenir, le guerrier se précipita vers elle. Le combat qui s'en suivit était rapide et brutal. Elle savait qu'il ne lui donnerait aucun répit. Chaque coup porté par lui semblait comme un marteau frappant son esprit, mais elle se battait avec une rage nouvelle, une rage qu'elle ne contrôlait pas encore entièrement, mais qui la propulsait en avant, à chaque mouvement, à chaque esquive.

Ses poings frappaient avec une force qu'elle n'avait jamais imaginée, mais elle manquait encore de précision. Une de ses attaques fut contrée avec une facilité déconcertante par le guerrier, et elle se retrouva projetée au sol, la douleur la paralysant un instant. Elle se redressa, haletante, le regard brûlant de défi. Elle avait échoué. Mais ce n'était pas fini. Elle se jeta à nouveau dans la mêlée, refusant de céder.

Il la frappa encore et encore, mais cette fois, elle anticipait ses coups, esquivait avec plus de fluidité, frappait avec plus de force. Peu à peu, elle sentait la rage qu'elle avait laissée se déchaîner en elle. Chaque coup qu'elle encaissait la renforçait, chaque échec la rendait plus déterminée. La violence de l'affrontement n'était plus qu'une danse dans laquelle elle s'abandonnait, acceptant d'être brisée, pour mieux se reconstruire.

Finalement, après un dernier coup, elle se retrouva face à lui, son souffle saccadé, le corps en sang. Mais quelque chose avait changé. Dans ses yeux, il y avait une reconnaissance, une lueur d'admiration. Il s'éloigna alors sans un mot, un léger sourire sur les lèvres.

Le lendemain, les membres de la meute cachée vinrent assister à l'épreuve, certains à l'ombre des arbres, d'autres se cachant derrière les rochers. Ils avaient observé chaque mouvement, chaque geste. Ils avaient vu la douleur, la lutte, la rage d'Elena. Et ils avaient vu qu'elle n'avait pas abandonné. Elle avait survécu.

Un des membres les plus âgés de la meute s'approcha alors d'elle, un homme imposant dont les yeux brillaient d'une sagesse millénaire. Son regard, d'abord froid et distant, se radoucit lorsqu'il la regarda.

- Tu es digne de rejoindre la meute, murmura-t-il. Peu de ceux qui nous rejoignent passent cette épreuve.

Il y eut un silence lourd, comme un pacte silencieux qui se scellait. Elena n'avait pas besoin de mots. Elle avait prouvé sa valeur. Et à cet instant, elle sentit une certitude profonde s'ancrer en elle : elle était plus qu'une simple survivante. Elle était une guerrière, et elle appartenait désormais à une meute qui reconnaissait la véritable force.

            
            

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