/0/23323/coverbig.jpg?v=f3b1110f6e9186f450b4422dbb6ef4aa)
Le vent sifflait entre les roches du col, soulevant des tourbillons de neige et de poussière. Perchée sur un éperon rocheux, Sélène observait la vallée en contrebas, scrutant l'obscurité pour détecter le moindre mouvement. L'odeur du froid, du métal et du sang flottait dans l'air, annonçant l'inévitable.
Derrière elle, dissimulés dans l'ombre, Darius et Thoran attendaient en silence, prêts à bondir à son signal. Plus loin, Kael et le reste des soldats étaient postés, encerclant discrètement la zone. Tout devait se dérouler selon le plan.
Sélène inspira profondément, calant son cœur sur le rythme du vent. Elle posa une main sur le manche de sa dague, sentant la morsure du cuir contre sa paume. L'heure approchait.
Puis, enfin, ils apparurent.
Des silhouettes mouvantes, furtives, se glissant entre les rochers avec l'aisance de chasseurs aguerris. Leurs capes sombres se fondaient dans l'obscurité, ne révélant que l'éclat furtif de leurs armes. Ils étaient six... non, huit. Un groupe d'éclaireurs, comme prévu.
Sélène desserra sa prise sur son arme et fit un pas en avant, laissant son ombre se découper sous la lumière froide de la lune.
- Vous avez mis du temps.
Sa voix brisa le silence, claire et tranchante. En contrebas, les assaillants s'immobilisèrent, comme des prédateurs ayant flairé une proie plus coriace que prévu.
L'un d'eux, plus grand, plus imposant, fit un pas en avant. Sa capuche masquait son visage, mais son aura suffisait à faire frissonner l'air autour de lui.
- Sélène Veyrac, murmura-t-il, amusé. J'aurais dû deviner que tu serais là.
Elle haussa un sourcil, croisant les bras.
- Je pourrais dire la même chose. Qui envoie ses hommes mourir dans un col piégé ?
L'homme rit doucement.
- Ceux qui savent que tu n'as pas envie d'être ici.
Son ton était calculé, chaque mot pesé pour la déstabiliser. Il voulait l'amener à douter, à hésiter. Mais Sélène n'avait ni le temps ni l'envie de jouer à ce jeu.
Elle fit un pas de plus, le défiant du regard.
- Et toi, qui es-tu ?
L'homme retira lentement sa capuche, révélant un visage anguleux, des traits marqués par des cicatrices anciennes. Ses yeux, d'un gris perçant, la fixèrent avec intensité.
- Callan.
Un murmure glacé parcourut la colonne vertébrale de Sélène. Ce nom... Elle l'avait déjà entendu. Un guerrier légendaire, un mercenaire redouté, un fantôme du passé que peu osaient affronter.
Un frisson imperceptible la traversa.
- Alors c'est toi, souffla-t-elle.
Callan esquissa un sourire.
- Je suppose qu'il est trop tard pour discuter ?
Sélène lui rendit son sourire.
- Beaucoup trop tard.
Et elle attaqua.
Le silence explosa en un tourbillon de lames et d'ombres.
Sélène se propulsa en avant, sa dague fendant l'air dans un éclat d'acier. Callan esquiva d'un mouvement fluide, pivotant sur lui-même pour riposter d'un coup rapide. Elle para de justesse, sentant la force brute derrière son attaque. Cet homme n'était pas seulement un mercenaire – c'était un tueur né.
Derrière elle, le combat éclata. Darius et Thoran jaillirent des ombres, leurs lames mordant la chair des assaillants. Le bruit du métal s'entrechoquant résonna dans la vallée, mêlé aux grognements de douleur et aux cris des combattants.
Mais Sélène ne pouvait pas se permettre de détourner son attention.
Callan attaqua de nouveau, son épée traçant un arc meurtrier dans l'air. Elle bondit en arrière, évitant de justesse la lame qui siffla à quelques centimètres de son ventre. Il enchaîna sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, forçant Sélène à reculer encore, jusqu'à sentir la roche glacée contre son dos.
Un sourire narquois étira les lèvres du mercenaire.
- Tu es rapide, admit-il. Mais pas assez.
Il abattit son épée.
Sélène plongea sur le côté, roulant dans la neige juste à temps. L'impact fit jaillir des étincelles contre la pierre, et avant qu'il ne puisse se repositionner, elle pivota et lui asséna un coup de pied brutal dans les côtes.
Callan recula sous le choc, mais au lieu de s'effondrer, il éclata de rire.
- Pas mal. Vraiment pas mal.
Elle se redressa lentement, sa dague toujours prête.
- Arrête de parler et bats-toi.
Son sourire s'élargit.
- Avec plaisir.
Il se jeta sur elle.
Cette fois, ce fut un véritable déferlement. Callan attaquait avec une précision mortelle, chaque coup visant une ouverture, chaque feinte cherchant à la piéger. Sélène esquivait, parait, contrait, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas tenir éternellement. Il était plus fort, plus expérimenté.
Elle devait trouver une faille.
Un cri déchira la nuit.
Darius.
Elle tourna la tête une fraction de seconde – assez pour voir l'un des hommes de Callan planter une lame dans l'épaule de son compagnon.
Assez pour donner une ouverture.
Callan frappa.
La douleur explosa dans son flanc.
Sélène chancela, son souffle coupé par l'impact. Son sang coula sur la neige, un rouge vif éclatant sous la lumière de la lune.
Mais elle ne tomba pas.
Elle leva les yeux vers Callan, qui la fixait, surpris. Il s'attendait à la voir s'effondrer. À la voir faiblir.
Il ne comprenait pas encore.
Sélène serra les dents, ignorant la brûlure dans son côté. Et avec une vitesse fulgurante, elle se jeta sur lui.
Son poing percuta sa mâchoire avec une force inhumaine, et cette fois, ce fut Callan qui recula, déséquilibré.
- Tu...
Il n'eut pas le temps de finir. Sélène bondit sur lui, sa dague visant son cou.
Mais il n'était pas un simple guerrier.
D'un mouvement fluide, il attrapa son poignet et la fit pivoter, la forçant à lâcher son arme. Avant qu'elle ne puisse réagir, il l'avait plaquée contre la roche, sa lame appuyée contre sa gorge.
Un silence pesant s'abattit sur eux.
Autour, le combat s'était ralenti. Les hommes de Callan et ceux de Sélène s'étaient figés, attendant le dénouement.
Sélène sentit la pointe froide de la lame contre sa peau, mais elle ne détourna pas le regard.
- Vas-y, murmura-t-elle. Termine.
Callan la regarda un instant, son souffle court. Puis, lentement, il abaissa son arme.
- Pas ce soir, souffla-t-il.
Il recula d'un pas, relâchant sa prise.
Sélène fronça les sourcils.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Il y a une différence entre un contrat et une vendetta, répondit-il. Ce n'est pas une vengeance que je cherche. Pas encore.
Elle comprit alors.
Ce combat n'était qu'un test.
Il n'avait jamais eu l'intention de la tuer.
Mais alors... pourquoi ?
Avant qu'elle ne puisse poser la question, Callan siffla un ordre et ses hommes se replièrent, disparaissant dans la nuit comme s'ils n'avaient jamais été là.
Sélène resta immobile, le souffle court, regardant son ennemi disparaître dans l'ombre.
Quelque chose lui disait que ce n'était pas leur dernière rencontre.
La neige était rouge de sang.
Sélène resta figée un instant, son regard fixé sur l'endroit où Callan avait disparu. Son cœur battait encore trop vite, l'adrénaline pulsait dans ses veines, mais elle savait qu'elle n'avait pas le luxe de s'attarder.
Un grognement de douleur la ramena à la réalité.
- Darius !
Elle se précipita vers lui. Le guerrier était à genoux, une main pressée contre la blessure béante à son épaule. Son visage était crispé de douleur, mais il ne laissa échapper aucun gémissement. Thoran se tenait à côté de lui, le souffle court, les traits tirés.
- Ce n'est qu'une égratignure, gronda Darius en tentant de se relever.
Sélène posa une main ferme sur son épaule pour le forcer à rester immobile.
- Ne joue pas les durs, souffla-t-elle. Laisse-moi voir.
Il hésita, mais finit par céder. Le tissu de son manteau était trempé de sang. Sélène inspecta la blessure – profonde, mais pas mortelle. Il fallait agir vite pour éviter que l'hémorragie ne s'aggrave.
- Thoran, de l'eau et des bandages.
L'homme hocha la tête et s'éloigna vers les chevaux, laissant Sélène seule avec Darius.
- Qu'est-ce que c'était, bordel ? demanda-t-il entre deux respirations saccadées.
Sélène serra les dents.
- Une mise en garde.
Darius la regarda, incrédule.
- Une mise en garde ? On s'est fait massacrer !
- Ils auraient pu nous tuer, coupa-t-elle. Mais ils ne l'ont pas fait.
Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais Thoran revint avec les bandages et une gourde d'eau. Sélène s'attela à nettoyer la plaie de Darius, ignorant ses grognements de douleur.
- Callan est un mercenaire, poursuivit-elle. Il ne fait rien sans raison. S'il nous a laissés en vie, c'est qu'il y a autre chose derrière tout ça.
- Comme quoi ?
Elle ne répondit pas immédiatement. Une fois la plaie bandée, elle s'écarta et croisa les bras, son regard perdu dans l'obscurité de la forêt.
- Il voulait voir ce dont j'étais capable.
Darius et Thoran échangèrent un regard inquiet.
- Tu crois qu'il te teste ? demanda Thoran.
- J'en suis sûre.
Un silence pesant s'abattit sur eux. Le vent s'était levé, faisant danser les ombres des arbres autour d'eux.
- Alors la question est, souffla Darius, pourquoi ?
Sélène n'avait pas encore la réponse. Mais une chose était certaine : Callan n'était pas seulement un adversaire. Il était un joueur dans cette partie d'échecs sanglante qui se dessinait dans l'ombre.
Et elle allait devoir découvrir ses véritables intentions avant qu'il ne soit trop tard.
♦♦♦
Le voyage jusqu'à la forteresse fut long et éprouvant. Ils chevauchèrent en silence, les blessures et la fatigue pesant sur leurs épaules comme un fardeau invisible.
Lorsque les murailles massives de Noctis, le bastion des Loups de l'Ombre, apparurent au loin, Sélène sentit un poids s'alléger dans sa poitrine.
Le château s'élevait tel un monstre de pierre et de fer, ses tours griffant le ciel noir. Des torches éclairaient les remparts, projetant une lumière vacillante sur la neige glacée.
Les sentinelles postées à l'entrée se raidirent à leur approche, mais dès qu'elles reconnurent Sélène, elles s'écartèrent immédiatement.
- Ouvrez les portes !
Un grincement sinistre résonna lorsque les immenses portes de bois et de fer pivotèrent lentement.
Dès qu'ils pénétrèrent dans la cour principale, une agitation se répandit autour d'eux. Les guerriers, les serviteurs, tous s'arrêtaient pour les observer.
- Sélène !
Une silhouette fendit la foule. Lyana, une jeune guérisseuse, se précipita vers eux, son visage marqué d'inquiétude.
- Vous êtes blessés ?
- Darius a besoin de soins, répondit Sélène en descendant de cheval.
Lyana hocha la tête et fit signe à deux guérisseurs d'emmener le blessé à l'infirmerie.
Alors que Sélène s'apprêtait à les suivre, une voix grave et autoritaire retentit derrière elle.
- Veyrac !
Elle se figea.
Tous les regards convergèrent vers l'homme qui avançait vers eux. Rowan, le commandant des Loups de l'Ombre, se tenait droit, sa haute silhouette imposante sous son manteau noir. Ses yeux perçants la fixaient avec intensité.
- Dans mon bureau. Tout de suite.
Il tourna les talons sans attendre de réponse.
Sélène expira lentement avant de le suivre, sentant les murmures s'élever derrière elle.
La tempête ne faisait que commencer.