Chapitre 5 Chapitre 5

Le vent soulevait les mèches sombres de ses cheveux tandis qu'elle contemplait l'horizon, son regard accroché aux montagnes lointaines qui bordaient le territoire de sa meute natale. Ce territoire qu'elle avait fui. Celui qu'elle avait été contrainte d'abandonner, le cœur en lambeaux, la rage en dormance.

Aujourd'hui, tout était différent.

Elle n'était plus l'Oméga humiliée, rejetée sous les rires méprisants d'une meute qui ne voyait en elle qu'une paria. Elle n'était plus cette jeune fille brisée, errant sans but dans l'immensité hostile des terres sauvages. Elle était autre. Plus forte. Plus dangereuse.

Et elle allait revenir.

Non pas pour supplier.

Non pas pour quémander une place qu'on lui avait arrachée.

Mais pour la revendiquer.

Ses doigts se crispèrent légèrement sur le pommeau du poignard que le chaman lui avait offert. Une lame ancienne, marquée de runes oubliées, forgée dans un métal qui résonnait avec l'énergie qui couvait désormais en elle. Un symbole de son renouveau, de cette puissance qu'elle avait embrassée sans plus jamais regarder en arrière.

- Tu es prête, souffla une voix derrière elle.

Elle ne se retourna pas.

Le chaman s'approcha à pas mesurés, son regard perçant balayant son visage. Il n'attendait pas de réponse. Il savait.

- Il y aura du sang, dit-il simplement.

Un frisson lui parcourut l'échine. Elle le savait aussi. Revenir ne serait pas sans conséquence. Eros ne l'accueillerait pas les bras ouverts. La meute, qui l'avait méprisée, ne courberait pas l'échine sans résistance.

Mais elle n'était plus là pour demander l'approbation de quiconque.

Elle n'était plus cette ombre fragile qui se fondait dans le silence.

Elle était la tempête qui s'apprêtait à balayer tout sur son passage.

- Le sang est inévitable, répondit-elle d'une voix calme.

Le chaman hocha la tête, une lueur d'approbation dans le regard.

- Souviens-toi de qui tu es, murmura-t-il en posant une main sur son épaule.

Elle plongea dans ses yeux sombres, y lisant une fierté silencieuse. Il savait ce qu'elle allait affronter. Il savait qu'elle ne ferait pas marche arrière.

Et elle ne comptait pas le décevoir.

Elle inspira profondément, sentant l'air froid emplir ses poumons, une dernière caresse des terres qui l'avaient reconstruite. Puis elle se détourna, avançant d'un pas assuré vers son destin.

Le chaman s'approcha d'elle, son pas lourd sur la terre battue, et déposa une main solide sur son épaule. Ses yeux perçaient la brume du matin comme s'ils cherchaient quelque chose au-delà de l'horizon. Lyana s'arrêta, une étrange sensation la traversa, comme un avertissement silencieux que seul un être de son espèce pouvait comprendre. Il n'avait pas besoin de parler pour qu'elle sache que ce qu'il allait dire n'était pas un Simple conseil.

Il la fixait intensément, le visage impassible, mais ses yeux trahissaient une inquiétude grandissante.

- Une force obscure te suit, dit-il enfin, sa voix basse comme un murmure porteur de menaces.

Lyana se figea, ses mains se serrant autour de la poignée du poignard, sa peau se tendant sous la mention d'un tel danger. Elle avait appris à ignorer les murmures et les prémonitions. Mais celui-ci avait un poids particulier. Ce n'était pas la simple peur d'un chaman qui voyait des ombres là où il n'y en avait pas. Non, cette menace était bien réelle.

- Quelle force ? demanda-t-elle, l'ombre de la colère dans la voix. Elle n'était pas du genre à se laisser intimider par des histoires de créatures mythologiques ou de présages. Elle avait eu sa part de tragédie, et cela ne la terrifiait plus. Mais elle savait que les paroles du chaman portaient un sens qu'elle ne pouvait ignorer.

Le chaman prit un instant avant de répondre, son regard se perdant un instant dans le vide, comme s'il se battait contre des souvenirs anciens et douloureux.

- Une créature de l'obscurité, une âme tourmentée, dit-il enfin. Un prédateur qui rôde dans l'ombre, cherchant à te détruire avant que tu n'atteignes ce que tu désires. Elle t'attend.

Lyana sentit une pression au fond de son ventre, une pression qui n'avait rien à voir avec la peur, mais tout avec un instinct brutal qui se réveille à la mention d'une menace tangible. Elle savait que chaque guerre, chaque affrontement la conduirait inévitablement à cette force. Et pourtant, elle se redressa, ne laissant pas cette prémonition la troubler.

- Je le ferai, dit-elle d'une voix calme. J'irai, et je reviendrai avec ce qui m'appartient.

Le chaman lui jeta un dernier regard, son visage durci par une sagesse acquise à travers des siècles d'existence. Puis il la relâcha, se retirant dans l'ombre des arbres, laissant Lyana seule avec ses pensées.

Elle ne savait pas exactement ce qui l'attendait au-delà des montagnes, dans la meute qui l'avait trahie, mais une chose était certaine : elle ne reviendrait pas en tant qu'Oméga brisée. Elle reviendrait en tant qu'une force à laquelle même Eros devrait plier le genou.

Elle tourna les talons, l'air matinal qui caressait son visage apportant avec lui une sensation de renouveau. Le vent apportait un parfum de terre humide, de vie, et de liberté. Un long chemin s'étendait devant elle, mais Lyana ne se laissait plus distraire par les ombres.

Elle se dirigea vers la lisière de la forêt, son corps s'emplissant de la certitude d'un avenir qu'elle prendrait à bras-le-corps.

Son regard, maintenant plus intense qu'auparavant, se posa une dernière fois sur les terres du clan, un endroit où elle avait été rejetée, où ses rêves s'étaient effondrés. Cette fois, elle n'allait pas se battre pour leur approbation. Elle n'avait plus besoin de l'ombre des autres pour briller.

Le chaman lui avait dit que quelque chose de sombre l'attendait, mais cela n'avait plus d'importance. Elle avait goûté à la puissance de sa propre destinée. Et quoi qu'il arrive, rien ni personne ne l'empêcherait de récupérer ce qui lui revenait de droit.

Lorsqu'elle franchit les premières étapes de son périple, elle sentit un poids se soulever. C'était comme si, pour la première fois de sa vie, elle avait réellement décidé de prendre son propre chemin, sans se soucier du regard des autres. Elle n'avait plus de regrets.

Elle laissa derrière elle les échos de ses anciennes souffrances, les hurlements de la meute, et même la vision du visage d'Eros qui l'avait rejetée. Elle n'était plus la même.

Le vent soufflait fort, emportant avec lui la poussière des anciennes batailles et les mémoires d'un passé trop lourd. Mais Lyana n'avait pas peur. Elle était prête à affronter le monde, prête à affronter ceux qui l'avaient dénigrée.

Les premières étapes de son voyage furent rapides, son corps désormais plus léger, plus vif. Elle se sentait presque invincible. Mais cette sensation ne dura pas. Il y avait un danger qui rôdait. Elle pouvait le sentir. Quelque chose la suivait, comme un prédateur silencieux, un souffle glacé dans le vent, un pressentiment au fond de ses entrailles.

Elle resserra la prise sur son poignard et, dans un ultime coup d'œil en arrière, elle se détourna de la forêt. Le monde était vaste, et à chaque souffle qu'elle prenait, elle savait qu'elle se rapprochait de l'épreuve ultime.

La meute l'attendait. Mais ce n'était pas pour la voir tomber à genoux qu'elle revenait. Elle n'était plus la petite Oméga déchue. Elle reviendrait en tant que souveraine. Les temps de la soumission étaient révolus.