Chapitre 4 Chapitre 4

La nuit enveloppait le manoir d'une aura presque irréelle. Les couloirs baignés dans une pénombre silencieuse semblaient retenir leur souffle, comme si les murs eux-mêmes savaient qu'Alice s'apprêtait à briser une règle.

Elle n'avait pas dormi. L'avertissement qu'elle avait trouvé dans sa chambre continuait de résonner dans son esprit, s'insinuant dans chaque pensée, chaque battement de son cœur. *Partez tant qu'il en est encore temps.*

Mais partir signifiait abandonner les réponses qu'elle cherchait.

Elle devait comprendre.

Alors, alors que les ombres s'étiraient dans les coins du manoir, elle s'aventura hors de sa chambre. Pieds nus sur le parquet glacé, elle avançait lentement, attentive au moindre bruit. Son souffle était mesuré, ses gestes précis.

Elle connaissait déjà le chemin. Le bureau de Gabriel était à l'autre bout du couloir principal, une porte imposante derrière laquelle il cachait probablement ce qu'elle voulait savoir.

Sa main effleura la poignée.

Verrouillée.

Bien sûr.

Mais Alice n'avait jamais été du genre à reculer devant un obstacle. Son regard balaya la porte, cherchant une faiblesse. Puis elle remarqua la serrure, ancienne, raffinée... et fragile.

Elle se mordit la lèvre. Une de ses amies lui avait appris, des années auparavant, à crocheter des serrures avec une simple épingle. Une compétence qu'elle n'avait jamais eu à utiliser... jusqu'à ce soir.

Elle glissa une main dans ses cheveux, retirant une barrette fine.

L'acier rencontra la serrure avec un léger grincement. Elle s'efforça de rester calme, ajustant la pression, cherchant le bon angle. Son cœur battait plus vite à mesure que les secondes s'égrenaient.

Puis un *clic.*

La porte s'ouvrit légèrement.

Elle expira lentement, puis s'engouffra dans le bureau.

L'odeur du cuir et du bois ciré l'assaillit immédiatement. Gabriel avait un goût impeccable, presque intimidant. La pièce était un mélange de sophistication et de contrôle absolu.

Elle referma doucement la porte derrière elle et se dirigea vers le bureau central. Ses doigts tremblaient légèrement lorsqu'elle ouvrit le premier tiroir. Vide.

Le deuxième.

Des documents.

Son regard parcourut rapidement les titres. Des contrats, des relevés bancaires... Rien d'étonnant.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à refermer le tiroir, une enveloppe attira son attention.

Un cachet noir. Aucun nom.

Elle l'ouvrit prudemment et en sortit une liasse de papiers.

Des dossiers.

Et au milieu des noms qui s'étalaient sur les pages, elle vit le sien.

Alice Evans.

Un frisson glacé parcourut son échine.

Pourquoi Gabriel possédait-il un dossier sur elle ?

Elle tourna rapidement les pages.

Des relevés détaillés de ses emplois passés. Des notes sur sa relation avec Ethan.

Puis un mot souligné plusieurs fois : ** »Échec contrôlé. »**

Son estomac se noua.

Qu'est-ce que cela voulait dire ?

Elle était sur le point de tourner une autre page quand une voix la figea sur place.

- Je m'attendais à ce que vous soyez curieuse.

Le dossier lui glissa presque des mains.

Gabriel se tenait dans l'encadrement de la porte, son expression indéchiffrable.

Elle referma l'enveloppe précipitamment, cherchant une excuse, une justification.

- Je...

- Ne mentez pas, Alice. Ce serait une insulte à votre intelligence et à la mienne.

Il s'avança lentement, refermant la porte derrière lui.

- Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ?

Elle serra le dossier contre elle.

- Pourquoi avez-vous un dossier sur moi ?

Gabriel s'appuya contre le bureau, bras croisés, la scrutant avec cette intensité troublante qui la rendait toujours nerveuse.

- Parce que je vous surveille depuis longtemps.

Elle sentit son cœur rater un battement.

- Quoi ?

- Vous croyez que tout ce qui vous est arrivé ces dernières années est le fruit du hasard ?

Elle déglutit difficilement.

- Expliquez-moi.

Gabriel ne répondit pas immédiatement. Il observa un instant la liasse de documents qu'elle tenait encore, puis fit un geste vers elle.

- Continuez à lire.

Elle hésita.

- Pourquoi ?

Un sourire en coin effleura ses lèvres.

- Parce que vous avez signé pour connaître la vérité, non ?

Ses doigts se crispèrent sur le papier.

Elle voulait savoir.

Alors, lentement, elle reprit sa lecture sous le regard attentif de Gabriel.

Les lignes suivantes la laissèrent sans voix.

Ethan. Clara.

Son « échec contrôlé » ne concernait pas uniquement sa relation. Il y avait des notes sur les moments où Ethan avait douté, sur les moments où Clara avait hésité.

- Vous les avez influencés.

Gabriel acquiesça, impassible.

- Je leur ai donné des options. Ils ont fait leurs choix.

Alice sentit une colère sourde monter en elle.

- Vous avez détruit ma vie.

- Non, Alice. Je vous ai libérée d'une illusion.

Elle ne savait plus quoi penser.

Un silence pesant s'installa, brisé finalement par Gabriel.

- Vous allez devoir digérer tout cela, et je vous en laisse le temps. Mais ce soir, vous devez m'accompagner.

Elle releva la tête, confuse.

- Où ça ?

- Une réception. Vous allez rencontrer ceux qui tirent les ficelles dans ce monde.

Alice hésita, encore sous le choc de ses découvertes.

Mais une part d'elle voulait aller jusqu'au bout.

Alors elle hocha lentement la tête.

Quelques heures plus tard, elle était vêtue d'une robe noire élégante, aux côtés de Gabriel, entrant dans une salle luxueuse où le champagne coulait à flots et où les conversations feutrées dissimulaient des jeux de pouvoir.

Elle sentit rapidement des regards sur elle.

Puis son regard croisa un visage familier.

Ethan.

Le temps sembla se suspendre.

Mais ce qui la troubla le plus ne fut pas de le voir ici.

Ce fut l'expression sur son visage quand il la vit aux côtés de Gabriel.

Un mélange de stupeur... et de peur.