Leyna Caldwell descendit lentement l'allée centrale, chaque pas résonnant sous le poids invisible de son destin. La robe qu'elle portait, d'un blanc immaculé, n'était qu'un masque, une illusion de pureté dissimulant la vérité de cette union.
Elle s'arrêta au pied de l'autel. Devant elle, Elias Blackwood attendait, impassible. Son costume noir tranchait avec l'éclat de la cérémonie, et son regard, d'un gris métallique, la fixait sans ciller.
Le prêtre entama les vœux, sa voix monocorde résonnant dans la grande salle. Tout se déroulait comme un rituel froidement orchestré.
- Elias Blackwood, acceptez-vous de prendre Leyna Caldwell pour épouse, de l'aimer et de la chérir...
- Oui.
Aucune hésitation. Aucune émotion.
Le prêtre se tourna vers elle.
- Leyna Caldwell, acceptez-vous de prendre Elias Blackwood pour époux...
Son cœur tambourinait contre sa poitrine. L'envie de fuir la traversa, violente et soudaine. Mais il n'y avait pas d'issue. Derrière elle, le regard de son père pesait, lourd de conséquences.
- ... Oui.
Un frisson la parcourut lorsqu'Elias glissa l'anneau à son doigt. Son contact était froid, impersonnel, comme un rappel de la nature réelle de cette union.
Les applaudissements retentirent, mais Leyna n'entendit rien. La cage s'était refermée sur elle.
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Le soir même, après la réception, la voiture noire aux vitres teintées les emporta vers leur nouvelle réalité. À l'intérieur, Elias était resté silencieux, son regard rivé sur l'horizon.
À leur arrivée à la résidence Blackwood, les domestiques s'affairèrent sans un bruit. Leyna franchit le seuil avec l'étrange sensation d'entrer dans un territoire inconnu, un royaume où elle n'avait aucun contrôle.
Elias referma la porte derrière eux et se dirigea vers l'escalier.
- Ta chambre est toujours la même.
Il ne lui jeta pas un regard, ne prononça pas un mot de plus.
Il monta les marches, disparaissant dans l'ombre de l'étage supérieur, la laissant seule au milieu de cet espace froid et luxueux.
Leyna se tenait là, les doigts effleurant machinalement l'anneau à son doigt. Un symbole d'appartenance.
Elle releva la tête et inspira profondément.
Elle était maintenant une Blackwood. Mais elle était encore une Caldwell.
Et si Elias pensait qu'elle se contenterait d'être une pièce silencieuse dans son échiquier, il se trompait.
Chapitre 4 – Jeux d'Ombres
La lune projetait une lueur pâle sur la vaste propriété des Blackwood. Derrière les immenses baies vitrées du manoir, Leyna observait l'obscurité. L'air était frais, chargé d'un silence pesant, mais son esprit, lui, bourdonnait de pensées incontrôlables.
La journée s'était écoulée dans un enchaînement de gestes mécaniques. Après le mariage, les obligations mondaines s'étaient succédé : dîners avec des inconnus, sourires forcés, regards pesés. Mais maintenant, le tumulte était retombé. Elle était seule.
Elias n'avait pas reparu depuis leur arrivée. Il n'y avait pas eu de mots inutiles, pas de conversations superflues. L'idée même de partager une chambre ne s'était pas posée : leur arrangement n'impliquait aucune intimité.
Leyna quitta la fenêtre et laissa son regard dériver sur la chambre qui lui avait été attribuée. Tout était impeccable, harmonieux... et impersonnel. Les murs d'un gris élégant ne portaient aucun souvenir. Les meubles, bien que luxueux, semblaient à peine utilisés. Il n'y avait rien d'accueillant dans cet espace, rien qui lui appartenait vraiment.
Elle s'assit au bord du lit, effleurant du bout des doigts le drap satiné. Tout cela n'avait rien à voir avec une nuit de noces ordinaire. Il n'y avait pas d'attente, pas de promesses murmurées dans l'ombre. Seulement un contrat silencieux qui s'exécutait à la perfection.
Un bruit au rez-de-chaussée attira son attention. Loin d'être craintive, elle se leva et quitta la chambre. Ses pieds nus glissèrent sur le parquet froid du couloir alors qu'elle descendait lentement l'escalier, guidée par un instinct qu'elle ne comprenait pas encore.
Dans le salon faiblement éclairé, Elias se tenait debout, un verre d'alcool à la main. Il ne sembla pas surpris de la voir. Son regard d'acier la détailla avec cette même intensité distante, comme s'il calculait chacune de ses réactions.
- Tu ne dors pas.
Ce n'était pas une question.
Leyna croisa les bras, son regard planté dans le sien.
- Je pourrais te retourner la remarque.
Un silence s'installa. Puis, d'un geste mesuré, il porta le verre à ses lèvres avant de répondre :
- L'habitude.
Leyna ne savait rien de ses habitudes. De ce qu'il faisait à ces heures tardives, de ce qui troublait son sommeil, s'il en avait seulement un. Mais elle n'était pas naïve. Un homme comme Elias Blackwood n'arrivait pas à sa position sans en payer le prix.
Elle s'avança légèrement, cherchant à comprendre l'homme derrière le masque.
- Pourquoi m'as-tu épousée ?
Un éclat fugace passa dans le regard d'Elias.
- Tu connais la réponse.
- Je connais la version officielle, répliqua-t-elle. Mais toi, qu'est-ce que tu veux réellement ?
Il ne répondit pas immédiatement. Son silence était une arme, une manière de garder le contrôle. Puis, d'une voix plus basse, plus tranchante :
- Je veux que chacun tienne sa place.
Leyna sentit une vague de frustration monter en elle.
- Et quelle est la mienne, selon toi ?
Il posa son verre sur la table et s'approcha, réduisant la distance entre eux.
- Celle que tu voudras bien prendre... tant que tu ne dépasses pas les limites.
L'ombre d'un sourire effleura ses lèvres avant qu'il ne se détourne, mettant fin à l'échange.
Leyna le regarda s'éloigner, et pour la première fois, elle comprit qu'elle était entrée dans un jeu bien plus grand qu'elle. Un jeu dont elle ne connaissait pas encore toutes les règles.
Mais une chose était certaine : elle ne comptait pas se laisser dicter son rôle.