Tout avait commencé de manière anodine. Léna se tenait seule dans le hall, observant la pluie qui ruisselait le long des vitres. Elle avait l'impression que le monde extérieur se dissolvait dans cette pluie battante, comme si la nature elle-même se révoltait contre l'immobilité de sa vie. Elle en avait assez de ces journées monotones, ces repas froids en compagnie d'un Henri silencieux, de cette atmosphère figée qui n'avait plus rien de vivant. Elle voulait quelque chose d'autre, quelque chose de plus. Et ce soir-là, alors qu'elle était plongée dans ses pensées, une silhouette apparut dans l'entrée du salon.
Maxime.
« Tu es sortie par cette pluie sans un mot ? » dit-il, un sourire à la fois amusé et mystérieux sur les lèvres. « Tu n'as pas peur de te mouiller ? »
Léna se tourna lentement vers lui, son cœur faisant un léger bond. Il se tenait là, dans cette pièce remplie de lumière tamisée, mais la pluie derrière lui semblait l'envelopper d'une aura, comme un tableau vivant. Il avait un regard à la fois curieux et... provocant. Léna sentit une chaleur irrésistible monter en elle, une chaleur qui n'avait rien à voir avec l'humidité extérieure.
« Je n'ai jamais vraiment eu peur de la pluie », répondit-elle, presque surprise par sa propre voix, qui semblait légèrement tremblante.
Maxime s'avança un peu plus près, les gouttes d'eau perlant encore sur ses cheveux noirs et son manteau. Il avait cet air détendu, insouciant, presque incertain, comme si rien ne pouvait vraiment l'atteindre. C'était ce qui fascinait Léna. Il semblait vivre dans une sorte de légèreté que son propre monde lui interdisait.
« Tu veux faire une promenade ? » proposa-t-il tout à coup, ses yeux brillant d'une lueur de défi.
Un frisson parcourut le dos de Léna. Une promenade sous la pluie, au milieu de la nuit, loin des regards indiscrets. C'était fou. Cela semblait être une folie, et pourtant... L'idée elle-même l'attirait irrésistiblement. Elle acquiesça sans un mot, comme si ses gestes en disaient plus que ses pensées.
Ils sortirent dans le jardin, où la pluie frappait lourdement, rafraîchissant l'air et rendant le sol glissant. Maxime lui tendit la main, et Léna la prit sans hésitation. Le contact de sa peau contre la sienne l'électrisa. Chaque goutte d'eau qui tombait sur eux semblait s'inscrire dans un moment suspendu, dans un espace où le temps n'avait plus aucune emprise.
Ils marchaient sans se parler pendant un long moment, écoutant le bruit de la pluie, le silence qui se tissait entre eux comme un secret. Puis, sans qu'elle s'y attende, Maxime brisa la tranquillité de la scène en lui glissant quelques mots à l'oreille.
« Tu sais, la pluie... c'est comme une métaphore, Léna. »
Elle tourna son visage vers lui, surprise. « Une métaphore ? »
« Oui », dit-il en souriant légèrement. « Elle nous lave. Elle nous purifie. Elle efface ce qu'on porte en nous, comme une catharsis. Et parfois, on a besoin de se laisser emporter par cette eau pour tout oublier, tout recommencer. »
Léna regarda Maxime avec une intensité nouvelle. Il semblait si sincère, si... véritable dans ses paroles. Le regard qu'il lui lança à ce moment-là était chargé d'une promesse, une promesse silencieuse qu'il ne lui adressait qu'à elle. Il y avait une complicité qui s'était installée, et Léna ne savait pas si elle devait la fuir ou s'y abandonner.
« Tu es vraiment différent », murmura-t-elle, presque pour elle-même.
« Tout le monde l'est », répondit-il simplement, comme s'il n'y avait rien de plus naturel. « Il suffit de savoir voir au-delà des apparences. »
Ils continuèrent à marcher, mais il y avait désormais une tension palpable dans l'air. La pluie battait toujours contre leur peau, mais il y avait quelque chose d'encore plus fort, une force invisible qui les unissait, les attirait l'un vers l'autre. Léna, bien que consciente de la situation, ne voulait pas que ce moment se termine. Elle avait besoin de plus, d'une autre réponse, d'une vérité cachée qu'il semblait lui offrir sans même le savoir.
Lorsqu'ils arrivèrent sous un arbre, où la pluie était moins forte, Maxime s'arrêta et tourna doucement le visage vers elle. Il y avait une lueur d'incertitude dans ses yeux, un éclat presque fuyant, mais aussi une invitation. Léna le sentit avant même qu'il ne parle.
« Tu sais », dit-il d'une voix basse, « tout cela, ce n'est pas un jeu. Ce que nous avons, ce lien... je crois que tu le sais aussi. C'est plus que ce que tu penses. »
Léna se figea, son cœur battant à tout rompre. Il venait de dire ce qu'elle avait à peine osé formuler dans son esprit. Mais elle ne pouvait pas. Ce n'était pas possible. Elle était mariée à Henri, et elle ne pouvait pas simplement effacer cela. Elle secoua la tête, se détournant de lui.
« Je ne peux pas, Maxime. Ce n'est pas juste... pour Henri. »
Maxime la regarda intensément, un regard perçant, presque triste. Il fit un pas en avant, réduisant la distance entre eux. « Et pour toi, Léna ? Qu'est-ce que tu veux ? »
Elle ferma les yeux un instant, la pluie continuant de tomber autour d'eux. Elle savait ce qu'elle ressentait, mais elle ne pouvait pas l'accepter. Pas maintenant. Pas encore.
Soudain, un bruit sourd se fit entendre, et les deux se retournèrent en sursaut. C'était Henri, qui s'avançait vers eux, un regard sombre sur le visage.
« Maxime, il me semble que tu as fait assez de promenades pour ce soir », dit-il, sa voix chargée d'hostilité. « Léna, il est temps de rentrer. »
Maxime fixa son père pendant un moment, son expression ne changeant pas. Puis, d'un simple geste, il tourna les talons et s'éloigna, laissant Léna seule avec Henri.
Elle se sentit soudain prise dans une étau. Elle regarda Maxime s'éloigner, sentant une étrange douleur s'infiltrer dans sa poitrine. Ce n'était pas simplement le froid de la pluie qui la pénétrait, c'était quelque chose de bien plus troublant. Elle tourna le regard vers Henri, mais elle savait déjà que quelque chose s'était brisé, irrémédiablement.
La soirée se poursuivit en silence. Léna se sentait plus perdue que jamais. Mais la tempête intérieure qu'elle éprouvait était bien plus violente que celle de la pluie, et les ténèbres qui entouraient ses émotions ne faisaient que s'intensifier.
Le lendemain, la tension était palpable. La maison semblait étouffée, comme si l'air lui-même refusait de respirer. Henri n'avait pas parlé de l'incident de la veille, mais il y avait une froideur qui s'était installée entre eux. Léna évitait ses yeux, fuyant cette confrontation qui la rendait malade. Mais ce qu'elle n'avait pas vu venir, c'était cette tension qui se faisait de plus en plus lourde à chaque rencontre avec Maxime.
Un jour, alors qu'ils se retrouvaient à l'abri d'un coin isolé de la maison, tout se passa si vite. Maxime l'attira doucement vers lui, ses mains glissant sur ses bras, et avant même qu'elle ne puisse réagir, ses lèvres rencontrèrent les siennes. Le baiser fut bref, mais enflammé, puissant, un geste de rébellion silencieuse contre tout ce qui les séparait. Mais à peine eut-elle le temps de répondre, qu'un bruit soudain, une porte qui s'ouvrait, les interrompit.
Ils se séparèrent précipitamment, le souffle court. Léna se redressa, le cœur battant la chamade. Les yeux de Maxime, brillants et désespérés, croisèrent les siens, et elle sut que rien ne serait plus jamais pareil.