Chapitre 4 La rencontre

Le soir arriva plus vite que prévu. Espérance avait essayé de repousser l'idée de ce dîner, de trouver une excuse, de se convaincre qu'elle n'était pas obligée de suivre cette étrange invitation. Mais chaque tentative semblait vaine. Le papier qu'il lui avait donné reposait toujours sur son bureau, à côté de son carnet, comme un rappel incessant, un avertissement silencieux qu'elle ne pouvait ignorer.

À huit heures précises, alors qu'elle se tenait devant son miroir, elle se rendit compte qu'elle n'avait pas le choix. Ce dîner n'était pas une simple invitation, c'était une étape, une porte qu'elle devait franchir. Mais ce qui la perturbait le plus, c'était la raison pour laquelle elle sentait une inexplicable nécessité d'y aller. Chaque fibre de son être lui hurlait de fuir, et pourtant, elle ne bougeait pas.

Elle enfila une robe noire simple mais élégante, une de celles qu'elle gardait pour des occasions spéciales, bien que cette occasion ne le fût pas vraiment. Son regard se posa un instant sur son reflet dans le miroir. Son visage, marqué par l'angoisse, contrastait avec la tranquillité apparente de ses traits. Qu'est-ce qu'il voulait vraiment ?

Elle ne se permit pas de réfléchir plus longtemps. Le temps pressait.

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Le restaurant qu'il lui avait indiqué se trouvait dans un quartier chic de la ville, à l'écart des rues animées, au bout d'une ruelle discrète. Il était tout ce qu'Espérance n'aurait jamais imaginé : moderne, élégant, avec une atmosphère feutrée et intime. Dès qu'elle entra, l'air semblait lourd de promesses et de secrets. Les lumières tamisées et les rideaux de velours créaient un cocon où l'intimité semblait être la seule règle.

Elle n'eut même pas besoin de chercher. Brett était déjà là, installé à une table dans un coin tranquille, presque invisible, mais où il pouvait observer chaque mouvement autour de lui. Il l'aperçut immédiatement en entrant, et ses yeux se posèrent sur elle avec une intensité presque dérangeante.

Elle s'avança lentement, le cœur battant à tout rompre. Son regard, comme la première fois, semblait percer son âme, et bien qu'elle ait essayé de se convaincre qu'elle ne voulait pas être là, une étrange attraction persistait en elle, comme une force invisible qui la poussait à avancer.

- "Bonsoir, Espérance," dit-il simplement lorsqu'elle arriva près de lui. Il se leva alors pour lui offrir une place. Un geste galant, mais avec une froideur contrôlée, comme si tout cela faisait partie d'un plan qu'il avait déjà en tête.

Elle s'assit sans dire un mot, trop troublée pour réagir. Le serveur arriva presque immédiatement, et Brett ordonna un vin rouge sans même la consulter, comme s'il connaissait déjà ses goûts, ses préférences.

- "Vous avez trouvé l'endroit facilement ?" demanda-t-il d'une voix calme, presque douce.

Elle hocha la tête, essayant de garder son calme.

- "C'est... très joli ici," répondit-elle. Elle avait l'impression de dire la première chose qui lui passait par la tête, mais la réalité était bien plus complexe. Elle se sentait comme une intruse dans un monde qui n'était pas le sien.

Brett sourit légèrement, et son regard se fit plus perçant. Il semblait savourer chaque instant de cette rencontre.

- "Je suis content que ça vous plaise." Il marqua une pause, ses yeux ne quittant pas les siens. "Ce soir, je vous explique tout, Espérance."

Il n'avait pas l'air de demander son avis, mais quelque chose dans son ton suggérait qu'il savait que, tôt ou tard, elle l'écouterait. Il attendit un moment, juste assez pour que le silence entre eux devienne palpable, lourd.

- "Je suis ici pour vous, Espérance," dit-il enfin, la voix plus basse. "Pas pour vous effrayer, ni vous manipuler. Vous êtes bien plus que ce que vous croyez."

Elle détourna brièvement le regard, mais elle ne pouvait pas échapper à son emprise. "Qu'est-ce que vous voulez dire ?", demanda-t-elle, sa voix presque inaudible, tremblante d'incertitude.

Brett posa son verre avec un calme presque surnaturel et s'appuya légèrement sur la table, se penchant vers elle.

- "Vous n'êtes pas une simple libraire, Espérance. Vous n'êtes pas simplement un pion dans un jeu que vous ne comprenez pas. Vous êtes quelqu'un d'essentiel."

Elle le regarda, complètement perdue. "Essentiel à quoi ?"

Il laissa échapper un petit rire, mais c'était un rire qui ne correspondait pas à l'homme qu'il semblait être. C'était un rire qui cachait un secret, une vérité qu'il ne pouvait pas encore révéler entièrement.

- "Essentiel pour l'avenir, Espérance. Le vôtre. Le mien. Et celui de bien d'autres."

Elle se sentait de plus en plus déstabilisée. Elle aurait voulu quitter cette table, partir en courant, mais une force invisible la retenait. Une curiosité irrésistible. Qu'avait-il à lui dire ? Pourquoi l'avait-il choisie ?

Le vin arriva alors, apporté par le serveur. Brett prit son verre et le leva doucement, comme s'il attendait un geste de sa part. Espérance n'eut d'autre choix que de lever le sien également, bien qu'elle ne comprenne toujours pas les raisons de cet échange.

- "Santé," dit-il simplement, avant de boire.

Elle suivit le geste, le regard toujours rivé sur lui, cherchant à lire quelque chose dans son regard. Mais il n'y avait rien. Il était impénétrable, comme une mer calme en apparence, mais dont la profondeur cachait de terribles secrets.

Le dîner se déroula dans un silence presque solennel. Ils mangèrent, mais les mots ne furent pas nombreux. Brett ne semblait pas pressé. Il laissait la tension s'accumuler, construisant un mur invisible entre eux, un mur que seule la vérité pourrait briser.

Quand le repas fut terminé, Brett s'attarda encore un moment sur sa chaise, son regard contemplatif. Puis il se leva lentement, et sans un mot, il se dirigea vers la porte. Espérance se leva à son tour, prête à suivre. Elle savait qu'il était temps, que quelque chose allait se produire, que cette soirée ne pouvait pas finir ainsi.

Il lui adressa un dernier regard, comme si tout était déjà écrit. Puis, il se tourna vers elle et murmura :

- "Ce n'est que le début, Espérance. Vous avez fait un premier pas. Mais vous n'avez pas encore vu ce qui vous attend."

Et, avant qu'elle n'ait pu répondre, il sortit du restaurant, la laissant là, avec plus de questions que de réponses. Mais une chose était certaine : il n'allait pas la laisser partir. Il l'avait déjà marquée. Et le pire, c'était qu'elle ne savait pas encore si elle le voulait.