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Le ciel était d'un bleu immaculé, traversé seulement par quelques nuages paresseux, lorsque Maya posa le pied sur le ponton en bois de la petite île. Le clapotis des vagues contre les piliers et l'odeur salée de la mer l'accueillirent comme une promesse de renouveau. Elle resserra son manteau autour d'elle, bien que le soleil soit éclatant, et leva les yeux vers le chemin sinueux menant à sa nouvelle demeure : un petit chalet niché dans une clairière, isolé du reste du monde.
Le taxi-boat s'éloigna, son moteur ronronnant faiblement jusqu'à disparaître à l'horizon. Maya resta un moment immobile, les doigts crispés sur la poignée de sa valise. Cette île représentait un nouveau départ, mais elle n'arrivait pas à se débarrasser de l'angoisse qui pesait sur sa poitrine. Une partie d'elle craignait qu'Adrian ne la retrouve, qu'il vienne réclamer ce qu'il considérait comme lui appartenant : elle et leur enfant.
Elle inspira profondément, chassant ces pensées, et se mit en marche. Le chalet, bien que modeste, avait été préparé pour elle par Elena. La décoration simple mais chaleureuse reflétait un soin attentif. Des rideaux en lin blanc flottaient devant les fenêtres ouvertes, et une bibliothèque déjà remplie de livres encadrait un petit bureau en bois. Maya sentit ses épaules se détendre légèrement en entrant, comme si elle venait de franchir une frontière invisible entre son ancien monde et celui qu'elle s'apprêtait à construire.
Elle passa les premiers jours à s'acclimater. La routine quotidienne, faite de balades sur la plage et de repas simples, lui apportait une sérénité qu'elle n'avait pas ressentie depuis des années. Cependant, une partie de son esprit restait en alerte, tournant autour d'une question qu'elle ne pouvait ignorer : et maintenant ? Elle avait fui, mais pour aller où ? Fuir ne suffisait pas. Elle devait comprendre comment Adrian avait pu la trahir si profondément et pourquoi. Elle voulait des réponses.
Une semaine après son arrivée, Maya s'installa devant son ordinateur portable. Elle avait longuement hésité avant d'allumer l'appareil, craignant que chaque clic ne la rende traçable. Mais Elena lui avait assuré qu'un expert avait sécurisé sa connexion. Elle se connecta donc à des bases de données financières, utilisant les compétences qu'elle avait acquises durant ses études en commerce. Elle commença à fouiller dans les comptes d'Adrian, les entreprises qu'il possédait, les contrats qu'il signait. Au début, tout semblait en ordre, mais au bout de quelques heures, des anomalies commencèrent à émerger.
« Pourquoi y a-t-il autant de transferts vers des sociétés offshore ? » murmura-t-elle pour elle-même, son regard se fixant sur les chiffres qui dansaient sur l'écran.
Un frisson la parcourut. Ces transactions n'avaient rien d'anodin. C'était comme si Adrian essayait de dissimuler des fonds, de cacher quelque chose. Plus elle creusait, plus elle découvrait des indices de pratiques douteuses : des contrats falsifiés, des montants gonflés, des bénéficiaires inconnus.
Elle passa une grande partie de la nuit plongée dans ses recherches. Le bruit des vagues s'écrasant sur la plage était son seul compagnon. Lorsqu'elle leva enfin les yeux de l'écran, l'aube pointait déjà à l'horizon. Elle ferma son ordinateur, les pensées en ébullition. Adrian n'était pas seulement un homme infidèle. Il était impliqué dans quelque chose de beaucoup plus sombre.
Les jours suivants furent marqués par cette nouvelle obsession. Chaque découverte la plongeait un peu plus dans un réseau d'ombres où des noms, des dates et des chiffres se mêlaient pour former une image troublante. Maya savait qu'elle jouait avec le feu, mais elle ne pouvait s'arrêter. C'était une manière de reprendre le contrôle, de ne plus être la victime passive de son histoire.
C'est lors d'une de ses promenades sur la plage qu'elle fit la connaissance d'Ethan. Il était là, accroupi près des rochers, observant quelque chose avec une intensité qui attira immédiatement son attention. Elle hésita à l'approcher, mais sa curiosité fut plus forte.
« Vous avez trouvé quelque chose d'intéressant ? » demanda-t-elle timidement, sa voix brisant le silence.
Il se redressa lentement, se tournant vers elle. Son visage était marqué par des traits anguleux et une barbe soigneusement entretenue. Ses yeux, d'un bleu glacé, la scrutèrent avec une attention qui la mit mal à l'aise.
« Juste un crabe », répondit-il, un sourire en coin. « Mais vous, vous êtes une découverte bien plus intéressante. »
Maya recula légèrement, sur la défensive. Elle n'était pas habituée à des inconnus sur cette île, encore moins à des inconnus aussi charismatiques que cet homme.
« Je m'appelle Ethan », dit-il, tendant une main. « Et vous êtes ? »
Elle hésita un instant avant de serrer sa main. « Maya. Je suis nouvelle ici. »
« Ça, je l'avais deviné. On n'a pas souvent des visages nouveaux par ici. Vous êtes ici pour fuir quelque chose ou quelqu'un ? » demanda-t-il avec un sourire qui semblait à la fois amical et plein de sous-entendus.
Maya sentit son cœur se serrer. « Non, juste pour... prendre un peu de recul. »
Il hocha la tête, comme s'il acceptait sa réponse sans la croire totalement. « Eh bien, bienvenue sur notre petite île. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas. »
Elle le remercia brièvement avant de s'éloigner, mais son regard restait fixé sur elle, même lorsqu'elle disparut derrière les dunes. Ce n'est que plus tard, en repensant à cette rencontre, qu'un détail la troubla. Ethan avait parlé d'une manière qui suggérait qu'il savait plus qu'il ne le disait. Et ce sourire... il semblait cacher quelque chose.
Malgré ses réticences, Maya croisa Ethan à plusieurs reprises au fil des jours. Il était toujours amical, toujours prêt à discuter, mais il y avait une tension sous-jacente dans leurs conversations, une sorte de jeu où chacun essayait de deviner les secrets de l'autre sans en révéler trop. Maya restait sur ses gardes, mais elle ne pouvait nier que sa présence ajoutait une touche d'intrigue à sa solitude.
Un soir, alors qu'elle feuilletait un vieux journal que son père lui avait laissé, une idée germa dans son esprit. Cet héritage, qu'elle avait négligé pendant des années, pourrait être la clé pour redonner un sens à sa vie. Plutôt que de se cacher éternellement, elle pouvait utiliser cet argent pour construire quelque chose de positif, quelque chose qui lui appartiendrait entièrement.
Elle se leva brusquement, déterminée, et sortit un carnet pour commencer à écrire ses idées. Une organisation caritative, discrète mais efficace, qui viendrait en aide aux femmes en difficulté, celles qui, comme elle, avaient été trahies ou abandonnées. Plus elle écrivait, plus elle sentait une énergie nouvelle l'envahir.
Le lendemain, elle partagea son idée avec Elena lors d'un appel vidéo. « Je veux que cet argent serve à quelque chose de bien. Je veux créer une organisation qui aide les femmes à se relever, à se battre. »
Elena sourit, visiblement fière de Maya. « C'est une idée brillante. Et je peux t'aider à la mettre en place. Mais tu sais que ce ne sera pas sans risque. »
Maya hocha la tête. « Je le sais. Mais je suis prête à prendre ce risque. »
Alors que la connexion se coupait, Maya se tourna vers la fenêtre. Au loin, elle aperçut une silhouette masculine, immobile sur la plage. Ethan.
Elle sentit un mélange de curiosité et d'appréhension. Qui était-il réellement ? Et pourquoi semblait-il toujours être là, juste assez près pour qu'elle le remarque, mais jamais assez pour qu'elle puisse l'ignorer ?
La reconstruction de sa vie venait de commencer, mais elle savait qu'elle n'était pas seule dans ce combat.