Chapitre 2
La porte d'entrée claqua doucement, mais dans le silence tendu de la maison, ce bruit résonna comme une détonation. Luna releva les yeux de son livre, son regard se fixant sur l'horloge du salon. 22 h 48. Ethan était encore plus en retard que d'habitude, et il n'avait pas pris la peine d'envoyer un message ou de répondre aux siens.
Elle posa son livre sans marquer la page, son esprit bien trop agité pour s'attarder sur les mots imprimés. Le bruit de ses pas, feutrés mais déterminés, s'approcha de l'entrée. Quand Ethan apparut enfin, il avait l'air épuisé. Ses épaules s'affaissaient légèrement, sa cravate était dénouée, et une ombre inquiétante alourdissait son regard. Pourtant, quelque chose dans son attitude ne collait pas. Ce n'était pas de la fatigue qu'elle voyait, mais une tension dissimulée, un mélange de culpabilité et d'agacement.
« Encore une longue journée ? » demanda-t-elle d'un ton neutre, croisant les bras sans même s'en rendre compte.
Ethan s'arrêta un instant, ses clés encore en main, comme s'il considérait la question avec méfiance. « Oui, désolé. Le travail s'accumule avec les nouveaux projets. Tu sais comment c'est. »
Il passa devant elle, mais l'odeur subtile mais distincte d'un parfum floral flotta dans l'air, coupant sa respiration. Ce n'était pas son parfum. C'était léger, capiteux, et étranger à leur maison.
« Tu sens quelque chose ? » lança-t-elle brusquement, le suivant dans le salon où il commençait à retirer sa veste.
Ethan s'immobilisa à mi-chemin, ses mouvements ralentissant imperceptiblement avant qu'il ne se retourne. « Quelque chose comme quoi ? »
Luna avança, s'arrêtant à quelques centimètres de lui. Elle tendit la main et effleura sa veste du bout des doigts.
« Ce parfum. Ce n'est pas le tien. Ce n'est pas le mien non plus. »
Il resta un instant silencieux, une fraction de seconde de trop, avant de secouer la tête et de poser sa veste sur le dossier d'une chaise. « Probablement quelqu'un au bureau. Isabella est passée à proximité en cherchant des dossiers. Rien d'extraordinaire. »
Le nom d'Isabella fit surgir une vague de colère sourde dans la poitrine de Luna, mais elle la refoula pour l'instant. Elle étudia son visage, cherchant une faille, un aveu non verbal dans son expression. Rien. Il s'était déjà refermé comme une huître, affichant cet air détaché qui la rendait folle.
« Donc, tu veux que je croie que c'est simplement... un transfert accidentel ? »
Ethan haussa les épaules, un soupir irrité traversant ses lèvres. « Qu'est-ce que tu veux que je dise, Luna ? Je travaille de longues heures, entouré de gens. Ce genre de chose arrive. »
Son ton n'avait rien de rassurant. Il n'était ni défensif, ni conciliant. Juste fatigué, presque agacé qu'elle ose poser la question.
« Et ces longues heures, Ethan, elles incluent quoi exactement ? » demanda-t-elle, son ton devenant plus incisif malgré elle.
Il se passa une main sur le visage, un geste qui lui était devenu familier ces derniers temps. « Je n'ai pas l'énergie pour ça ce soir. Les réunions, les rapports, les appels interminables... Tout ce que je fais, je le fais pour nous, tu le sais. »
« Alors pourquoi j'ai l'impression que tu me caches quelque chose ? »
La question suspendit l'air, lourde et tranchante. Ethan détourna le regard, secouant la tête avant de répondre d'une voix plus basse, presque lasse.
« Tu cherches des problèmes là où il n'y en a pas, Luna. Pourquoi est-ce que tout doit devenir une interrogation ? Une suspicion ? Je suis épuisé, et je rentre chez moi pour trouver ça. »
Elle sentit son cœur se serrer à ses mots. Il était passé maître dans l'art de retourner la situation, de la faire se sentir coupable pour ses doutes. Mais cette fois, elle refusa de céder.
« Je ne cherche pas des problèmes, Ethan. Mais tu ne m'aides pas non plus à comprendre. Tu rentres tard, tu évites mes questions, et maintenant... ça. » Elle pointa la veste d'un geste vif.
Ethan releva les yeux vers elle, un éclat de colère brillant brièvement dans son regard. « Tu veux quoi ? Que je te dise exactement où j'étais à chaque minute de ma journée ? Que je t'envoie un compte-rendu détaillé ? Ce n'est pas comme ça qu'un mariage fonctionne, Luna. »
Elle croisa les bras, plantée devant lui. « Non, mais la confiance est censée en faire partie. »
Un silence lourd s'installa entre eux, seulement interrompu par le tic-tac distant de l'horloge. Ethan finit par détourner les yeux, ramassant sa veste avec un mouvement brusque.
« Je vais me doucher. On en parlera demain si tu veux. »
Luna le regarda disparaître dans l'escalier, chaque pas résonnant dans sa tête comme une accusation silencieuse. Lorsqu'elle entendit la porte de la salle de bain se fermer, elle se laissa tomber sur le canapé, sa tête entre ses mains.
Elle aurait voulu croire en ses mots, mais quelque chose en elle refusait de se taire. Ce parfum... Ce n'était pas une coïncidence. Ce n'était pas simplement « rien ». Isabella. Ce nom flottait dans son esprit comme un poison. Depuis son arrivée, tout semblait dérailler. Ethan devenait distant, secret, et maintenant ce parfum...
Elle se leva d'un bond, poussée par une impulsion qu'elle ne comprenait pas entièrement. Elle saisit la veste qu'il avait laissée en bas et la porta à son nez. L'odeur était là, subtile mais persistante. Cette fois, elle était certaine. Ce n'était pas un simple contact accidentel.
Quand Ethan descendit une heure plus tard, vêtu de son pantalon de pyjama et d'un t-shirt, il trouva Luna debout, la veste à la main.
« Sérieusement ? » lâcha-t-il, visiblement agacé. « Tu es encore là-dessus ? »
Elle planta son regard dans le sien, son ton glacial. « Explique-moi, Ethan. Parce que je ne suis pas stupide, et je ne vais pas ignorer ce que je vois et ressens. »
Il passa une main dans ses cheveux mouillés, soupirant profondément. « Luna, c'est toi qui fais une montagne de rien. J'ai déjà expliqué. C'est le stress, le travail, les heures tardives. Je gère tout ce que je peux, et maintenant je dois aussi gérer ta paranoïa ? »
Le mot heurta sa patience déjà fragile. « Paranoïa ? Vraiment ? Tu trouves ça normal, toi ? Tu rentres tard, tu sens un parfum qui n'est pas le tien, et tu t'attends à ce que je reste là, silencieuse, en te faisant aveuglément confiance ? »
« Oui, je m'attends à ce que tu me fasses confiance, parce que je n'ai rien fait de mal ! » s'écria-t-il, sa voix montant d'un cran.
« Alors pourquoi tu es incapable de me regarder dans les yeux quand tu dis ça ? »
Ethan se figea, son visage se durcissant comme un masque. Il posa ses mains sur ses hanches, visiblement en lutte contre lui-même.
« Je te l'ai dit, Luna. Tout est sous contrôle. Fais-moi confiance. »
Mais ses mots sonnaient creux, comme s'il ne croyait pas lui-même à ce qu'il disait. Il se détourna, la laissant seule avec ses doutes et ses craintes qui continuaient de croître, menaçant de l'engloutir.