Chapitre 5 Chapitre 5

Le silence dans la maison était trompeur. Clara n'avait jamais ressenti autant d'agitation sous la surface, comme si chaque habitant du manoir, chaque mur, chaque ombre portait un secret. Après sa découverte dans le passage secret, elle ne voyait plus Hugo de la même façon. L'homme qui avait été son protecteur, l'incarnation d'une autorité presque invincible, lui apparaissait maintenant sous un jour bien plus complexe, voire dangereux. Mais au lieu de la repousser, cette révélation l'attirait. Une force qu'elle ne comprenait pas la poussait à se rapprocher de lui, à jouer avec les limites.

Elle avait commencé par de petits gestes, presque imperceptibles, mais qu'elle savait efficaces. Lors des repas, elle croisait son regard et le soutenait plus longtemps qu'elle ne l'aurait fait auparavant. Elle laissait sa main traîner sur la table juste assez près de la sienne pour créer une tension subtile. Quand il passait dans une pièce, elle trouvait toujours une excuse pour y rester un peu plus longtemps, sa présence devenant un point d'ancrage qu'elle voulait rendre impossible à ignorer.

Un matin, elle était descendue dans le salon habillée d'une robe plus audacieuse que d'habitude, une tenue qu'elle savait difficile à justifier en plein jour. Hugo, absorbé dans un journal, leva à peine les yeux, mais elle sentit son attention se poser sur elle, même brièvement. Cela suffit à lui donner un frisson de satisfaction.

« Tu ne devrais pas porter ce genre de vêtements, » dit-il, sans détourner les yeux de sa lecture.

Elle haussa les épaules, feignant l'indifférence.

« Pourquoi ? Ça te dérange ? »

Il plia lentement le journal, le posa sur la table et la fixa avec une intensité qui lui fit presque regretter son audace.

« Ce n'est pas une question de moi, Clara. C'est une question de ce qui est approprié. »

Elle s'avança d'un pas, décidée à ne pas se laisser intimider.

« Peut-être que ce que tu trouves approprié n'a pas d'importance pour moi. »

Un éclat traversa son regard, un mélange de colère et d'amusement qu'il masqua rapidement.

« Fais attention à ce que tu cherches. Parfois, on obtient plus qu'on ne peut gérer. »

Cette phrase, prononcée avec une froideur calculée, la laissa déstabilisée, mais pas au point de reculer. Si Hugo croyait qu'il pouvait simplement la repousser avec des mots, il se trompait. Elle était prête à aller plus loin, même si elle ignorait encore jusqu'où.

Les jours suivants, une tension étrange s'installa entre eux. Chaque interaction semblait chargée d'une énergie qu'ils n'abordaient jamais directement. Pendant ce temps, le manoir lui-même semblait s'enfoncer dans une atmosphère de plus en plus lourde. Une des nouvelles femmes de chambre, Sofia, disparut du jour au lendemain. Cela aurait pu passer inaperçu si Clara n'avait pas remarqué à quel point le personnel était tendu, échangeant des regards furtifs et évitant de répondre à ses questions.

Un soir, elle surprit une conversation entre deux autres employés dans la cuisine.

« Elle a dû partir en urgence. Hugo n'aime pas qu'on pose des questions. »

« Tu crois qu'elle reviendra ? »

« Je doute qu'on la revoie un jour. »

Clara sentit un frisson lui parcourir l'échine. Pourquoi personne ne semblait surpris ou inquiet ? Pourquoi tout le monde acceptait ces disparitions comme une fatalité ? Elle savait qu'elle devait en parler à Hugo, mais une part d'elle hésitait. Et si cela faisait partie de ces affaires dont il lui avait interdit de se mêler ?

Cette nuit-là, alors qu'elle errait dans le manoir, incapable de trouver le sommeil, elle le croisa près de son bureau. Il semblait préoccupé, son visage marqué par une expression qu'elle n'avait encore jamais vue : une sorte de fatigue mêlée d'irritation.

« Pourquoi tu es toujours éveillée à ces heures-là ? » demanda-t-il d'une voix basse mais ferme.

Elle haussa les épaules, cherchant à minimiser son insomnie.

« Je pourrais te poser la même question. »

Il esquissa un sourire sans joie, croisant les bras.

« Je ne te dois aucune explication, Clara. Mais toi, tu devrais être en train de dormir. »

Elle se rapprocha légèrement, testant les limites de cette conversation.

« Hugo... Sofia a disparu. Les autres disent qu'elle est partie en urgence. Est-ce vrai ? »

Son visage se ferma instantanément, et la tension dans l'air devint presque palpable.

« Ce n'est pas ton problème. Tu devrais vraiment arrêter de poser ce genre de questions. »

Mais elle refusa de reculer.

« Et si c'est mon problème ? Si quelque chose se passe ici, je veux le savoir. »

Il fit un pas vers elle, réduisant la distance entre eux à presque rien.

« Tu n'as aucune idée de ce dont tu parles. Ce manoir... ma vie... tout cela dépasse ce que tu peux comprendre. Alors, fais-toi une faveur et reste à l'écart. »

Clara le regarda, les yeux brûlant de défi, mais elle sentit qu'il ne fléchirait pas. Sa voix était froide, mais elle y percevait autre chose, une sorte d'avertissement sincère. Elle aurait dû être effrayée, mais au lieu de cela, elle se sentit encore plus attirée par cet homme complexe et inaccessible.

Cette nuit-là, seule dans sa chambre, elle réfléchit longuement à leurs échanges. Hugo était un mystère qu'elle n'arrivait pas à résoudre, mais ce n'était pas simplement ses secrets qui la fascinaient. C'était lui, sa présence, sa force, cette aura qui semblait tout contrôler autour de lui, y compris elle-même.

Mais elle savait aussi qu'elle jouait avec le feu. Et si Sofia n'était qu'un avant-goût des conséquences possibles de cette obsession ?