Il avait pris une longue inspiration ce matin-là. Il avait observé Léa, la veille, quand elle s'était préparée pour sa journée. Il y avait une énergie nouvelle dans ses gestes, une détermination tranquille qui lui était inhabituelle. Elle avait mis de côté la robe de chambre, enfilé une tenue simple mais soignée, et avait pris un moment devant le miroir avant de partir. Elle n'avait pas dit grand-chose ce matin-là, mais il avait vu dans ses yeux qu'elle était prête. Prête à avancer. Prête à affronter ses peurs.
Dylan se sentait étrangement nerveux. C'était comme s'il partageait ce moment de transition avec elle, tout en restant un peu à l'écart, dans l'ombre de ses propres doutes. Ce sentiment de ne pas en faire assez, de ne pas être celui qui pourrait l'aider à tout réparer, lui était familier. Mais il savait aussi que ce n'était pas sa place. Il n'avait pas à être celui qui effacerait son passé. Il devait simplement être là, soutenir sans envahir.
Léa revint tard dans l'après-midi, les traits légèrement marqués par la fatigue. Mais il y avait quelque chose de différent dans sa posture, une forme de légèreté, un poids en moins. Dylan se leva de son fauteuil et s'approcha d'elle. Il n'eut pas besoin de lui demander comment s'était passée sa journée. Son visage parlait de lui-même. Il s'arrêta devant elle et attendit qu'elle prenne la parole.
"J'ai trouvé quelque chose," dit-elle, un sourire timide se dessinant sur ses lèvres. "Un petit café, juste à quelques rues d'ici. Ils cherchent quelqu'un pour aider derrière le comptoir."
Dylan se sentit soulagé. Ce n'était pas un travail de rêve, mais c'était un début, un premier pas dans la bonne direction. "C'est génial, Léa," répondit-il en lui adressant un sourire sincère. "Tu vois, tu as déjà commencé à reprendre les rênes."
Léa hocha la tête, mais ses yeux étaient un peu plus sombres, comme si cette petite victoire l'avait aussi confrontée à des réalités qu'elle n'était pas prête à affronter. "Oui, mais... je n'ai pas pu m'empêcher de me demander : est-ce que je suis vraiment prête ? Est-ce que je ne fuis pas encore ?"
Dylan prit une profonde inspiration. Il savait que ce genre de question allait venir. La route vers la guérison n'était jamais linéaire. Il posa une main rassurante sur son épaule, un geste simple mais lourd de sens.
"Tu n'as pas à avoir toutes les réponses tout de suite. Personne n'est prêt à 100% à tout affronter. Mais tu fais des pas, et c'est ça qui compte. Chaque petit pas te rapproche de la personne que tu veux devenir, et je suis là pour te soutenir, quoi qu'il arrive."
Léa baissa les yeux, réfléchissant à ses paroles. Puis, après un moment de silence, elle leva la tête et sourit. Ce sourire était plus vrai que le précédent, plus authentique. Il y avait quelque chose dans son regard, une sorte de gratitude silencieuse qu'elle ne savait pas toujours comment exprimer.
"Merci, Dylan," dit-elle d'une voix plus ferme. "Tu sais, je ne sais pas où tout cela va me mener, mais je crois que je commence à croire que j'ai le droit de me reconstruire. Même si ça prend du temps."
"Tu as tout à fait raison," répondit Dylan, son cœur battant un peu plus fort à ces mots. "Et tu n'as pas à te précipiter. Ce n'est pas une course."
Léa acquiesça et s'assit dans le fauteuil près de la fenêtre. La lumière du soir illuminait son visage d'une manière particulière, comme si une nouvelle énergie l'habitait. Elle avait encore beaucoup de questions sans réponses, des peurs qu'elle n'avait pas encore confrontées, mais elle semblait désormais prête à les affronter, à sa manière, sans se laisser engloutir par elles.
Les jours suivants furent marqués par de petites victoires et des hésitations. Léa se rendait au café tous les matins, essayant de se plonger dans cette nouvelle routine. Parfois, elle rentrait tard, épuisée mais fière de s'être accrochée. D'autres fois, elle semblait plus distante, perdue dans ses pensées. Dylan respectait son besoin de solitude, mais il veillait toujours sur elle, comme un phare dans la brume.
Un après-midi, alors qu'ils prenaient un café ensemble, Léa parla de son passé, un peu plus ouvertement cette fois. "Je crois que j'ai toujours eu peur de l'échec. Pas seulement de l'échec professionnel, mais de l'échec personnel. De ne pas être à la hauteur, de décevoir les gens autour de moi. Et mon mari... il m'a fait croire que je n'étais rien sans lui."
Dylan la regarda en silence, sentant la douleur dans ses mots. "Ce n'est pas vrai, Léa. Tu n'es pas définie par quelqu'un d'autre, ni par tes erreurs. Chacun a ses faiblesses. Mais tu as aussi une force en toi que beaucoup ne voient pas."
Elle hocha la tête lentement, comme si ses paroles prenaient racine en elle. Mais il y avait encore ce doute dans ses yeux, celui de ne pas savoir si elle était capable d'être vraiment libre, de vivre sans les chaînes du passé. "Je ne sais pas si je mérite cette liberté," murmura-t-elle. "J'ai trop de culpabilité. J'ai l'impression que je n'ai jamais su comment aimer quelqu'un pour de vrai."
Dylan ne répondit pas immédiatement. Il savait que ces sentiments étaient profonds, qu'ils ne se dissiperaient pas en quelques mots. Mais il sentait aussi que, petit à petit, Léa était en train de se libérer. Chaque pas, chaque mot qu'elle disait, la rapprochait un peu plus d'elle-même.
"Tu as le droit de t'aimer, Léa," répondit-il enfin, sa voix douce mais pleine de conviction. "Tu as le droit de croire que tu es capable de bonheur. Et tu n'as pas à le prouver à qui que ce soit. Pas même à toi-même. Tu es déjà assez."
Elle le regarda longuement, comme si ces mots pénétraient profondément en elle, faisant naître un peu plus de lumière dans son cœur. Puis, d'un sourire timide mais sincère, elle répondit : "Merci, Dylan. Vraiment. Je crois que je vais essayer de m'en souvenir."
Et à ce moment-là, Dylan sut que, peu à peu, Léa commencerait à comprendre que, malgré son passé, elle méritait d'avancer. Et qu'il serait là pour la soutenir, étape par étape, dans ce voyage incertain mais prometteur vers la guérison.