Léa avait commencé à sortir de l'appartement plus souvent, à se mêler à la vie extérieure, bien que cela ne fût pas facile. Elle marchait souvent seule dans les rues, comme si elle essayait de retrouver un équilibre, d'apprivoiser ce monde qu'elle avait fui. Dylan l'accompagnait parfois, mais il respectait son besoin de solitude. Il savait que la guérison ne se faisait pas seulement dans le confort de quatre murs, mais aussi dans la confrontation avec le monde extérieur, avec ses peurs et ses souvenirs.
Un après-midi, alors qu'ils prenaient une marche tranquille dans le parc, Léa s'arrêta brusquement. Elle regarda fixement un groupe de personnes assises sur un banc, l'air absorbé dans une conversation, riant ensemble. Il y avait quelque chose dans cette image qui la perturba. Dylan s'arrêta à ses côtés, observant la scène sans comprendre immédiatement ce qui se passait dans la tête de Léa. Il attendait, comme toujours, qu'elle fasse le premier pas pour ouvrir la conversation.
Elle tourna lentement son regard vers lui, et Dylan eut une impression que ses yeux cherchaient à se cacher de lui. Ils étaient emplis de douleur, comme un océan agité, une mer qui n'avait pas encore trouvé la paix.
"Je... je crois que je n'ai jamais été capable d'avoir une vie normale," dit-elle, sa voix douce mais lourde de sens. "J'ai toujours été entourée de gens, des amis, des collègues, mais jamais vraiment présente. Je les écoutais, je riais, je faisais semblant d'être quelqu'un d'autre. J'étais toujours celle qu'on voulait qu'elle soit, mais jamais moi. Et maintenant... je n'arrive plus à les voir, à les affronter."
Dylan la regarda, étonné de cette confession. Jusqu'à présent, Léa avait semblé tellement éloignée de tout cela, se concentrant sur sa guérison, sur sa reconstruction. Il n'avait pas imaginé qu'un simple moment de bonheur – comme celui qu'il venait de voir – pourrait raviver des souvenirs aussi douloureux.
"Tu veux dire... qu'ils ne savaient pas ce que tu traversais ?" demanda-t-il doucement.
Léa hocha la tête. "Non. Personne ne savait. Et même si quelqu'un l'avait su, je n'aurais jamais voulu en parler. J'avais peur qu'ils voient qui j'étais réellement. J'avais peur qu'ils me jugent."
Le silence tomba sur eux, lourd de non-dits. Dylan se contenta de regarder autour de lui, écoutant les bruits du parc, les rires des enfants qui jouaient au loin, les oiseaux qui chantaient. C'était un décor paisible, presque irréel, pour la souffrance de Léa. Un monde qui semblait continuer de tourner pendant que son propre monde était en morceaux.
"Tu sais," commença Dylan, "je crois que tout le monde, à un moment donné, fait face à des épreuves que les autres ne voient pas. Ce n'est pas ta faute. Ce n'est pas à toi de porter ce poids toute seule."
Léa le regarda, et cette fois, elle sembla chercher quelque chose dans son regard, une forme de soutien, de compréhension, mais aussi un peu de courage. Elle se tourna ensuite vers le chemin qui menait à la sortie du parc.
"Je me demande parfois si je serai un jour capable de faire face à tout ça. J'ai l'impression d'être en train de fuir, de fuir moi-même."
Dylan marcha à ses côtés, sans savoir comment répondre. Ses propres douleurs, son passé marqué par la moquerie et l'incompréhension, lui semblaient soudainement bien petites par rapport à ce que Léa portait. Pourtant, il savait qu'il avait un rôle à jouer. Ce rôle n'était pas de résoudre ses problèmes, mais de l'accompagner, d'être là, de ne pas lui faire porter le poids de ses souffrances seule.
"Tu as fait un grand pas déjà," dit-il enfin. "En venant ici, en cherchant à guérir, tu as déjà commencé à t'affranchir de tout ça."
Ils arrivèrent à la porte de l'appartement. Léa se tourna vers lui, un léger sourire aux lèvres, presque imperceptible, mais suffisant pour faire fondre un peu la glace qui semblait l'entourer.
"Merci, Dylan," murmura-t-elle. "Vraiment. J'ai l'impression que je commence à voir la lumière au bout du tunnel, même si c'est encore loin."
Dans ses yeux, il y avait une lueur différente aujourd'hui. Ce n'était pas une joie éclatante, mais une forme d'espoir, de paix naissante. Dylan, quant à lui, ne savait pas encore où cette route allait les mener. Mais il savait une chose : il ne la laisserait pas s'arrêter en chemin. Peu importe combien de temps cela prendrait, il serait là, à chaque étape.
Le lendemain, après une nuit calme, Léa décida de prendre une nouvelle initiative. Elle se leva tôt, une détermination nouvelle dans le regard. Dylan la regarda s'habiller, les gestes un peu plus vifs qu'auparavant. Elle semblait prête à essayer de faire face à quelque chose qu'elle avait évité pendant des années.
"Je vais aller chercher du travail," dit-elle d'une voix ferme.
Dylan la regarda, surpris mais heureux de voir qu'elle commençait à reprendre les rênes de sa vie. "Tu veux de l'aide pour chercher ?"
Léa secoua la tête, un sourire discret sur les lèvres. "Non, je vais le faire seule. Mais je t'en remercie. C'est moi qui dois retrouver ma place. Peut-être qu'il est temps de reconstruire."
Dylan la regarda partir, se sentant à la fois fier et nerveux pour elle. Il savait que ce n'était qu'un premier pas. Mais c'était un pas vers l'avant, un pas vers la guérison. Et c'était tout ce qu'il pouvait demander pour l'instant.