Plongée dans la pénombre de son bureau, Mélissa contemplait la ville à travers la grande baie vitrée qui la séparait du monde extérieur. Les gratte-ciels s'illuminaient, marquant le début d'une nouvelle nuit d'activité intense dans le monde des affaires. Depuis son retour, elle avait travaillé sans relâche pour atteindre la position où elle se trouvait aujourd'hui. Ce soir, elle se sentait puissante, prête à tout. Ce sentiment de maîtrise l'enivrait. Désormais, elle n'était plus l'ombre de la femme blessée et trahie qu'elle avait été ; elle était une figure respectée, crainte même. Tout ce pouvoir accumulé n'avait qu'un seul but : écraser celui qui l'avait détruite, prouver qu'elle pouvait le surpasser dans le domaine qui lui importait tant.
Elle jeta un coup d'œil aux docu e »ts étalés sur son bureau. Son entreprise avait connu une ascension fulgurante, gagnant en influence et en profit grâce à des investissements stratégiques. C'était un terrain sur lequel elle savait qu'il ne s'attendrait jamais à la voir. Jusqu'à présent, elle était restée discrète, ne se dévoilant que dans certains cercles exclusifs, tout en gardant son identité secrète pour l'écrasante majorité des associés. Elle n'était qu'un nom sur des dossiers financiers et des communiqués de presse, un nom que son ex n'aurait jamais relié à elle.
Mais la prochaine étape était de se dévoiler, de s'introduire subtilement dans ses affaires. Un de ses objectifs immédiats : racheter une des entreprises partenaires avec laquelle il collaborait étroitement. Elle s'était arrangée pour que ses offres soient inégalables et inévitables. Dans ce monde, tout se négociait, et elle n'avait jamais eu peur de jouer sur les appétits des autres pour arriver à ses fins.
Le lendemain, elle organisa une rencontre stratégique avec les membres de son équipe. Son équipe, qu'elle avait méticuleusement sélectionnée, comprenait des esprits aussi affûtés qu'ambitieux. Ensemble, ils avaient bâti une fondation solide, une entreprise dynamique et redoutée, bien que très jeune. Lorsqu'elle entra dans la salle de réunion, les regards se tournèrent vers elle avec respect et admiration. Elle aimait cette sensation, ce pouvoir, ce contrôle. Elle n'était plus seulement Mélissa ; elle était une force.
« Nous devons finaliser les négociations pour le rachat de cette entreprise d'ici la fin de la semaine, » annonça-t-elle en prenant place. « Je veux que les équipes soient prêtes pour l'intégration dès lundi prochain. »
Un de ses collaborateurs, Pierre, acquiesça avec enthousiasme. « C'est quasiment en place. Ils ont accepté votre offre avec beaucoup d'intérêt, Madame. »
« Parfait, » répondit-elle, le visage impassible. Elle fit un geste vers l'écran où apparaissaient les chiffres de leur prochaine acquisition. « Je veux que ce partenariat déstabilise un certain groupe dans les prochains mois. Assurez-vous qu'aucune information ne soit filtrée jusqu'à ce que l'accord soit signé. »
Ce qui plaisait à Mélissa dans ce plan, c'était l'idée que son ex, assis derrière son propre bureau, soit déconcerté par cette soudaine perte d'influence. En frappant ainsi dans son propre territoire professionnel, elle savait qu'elle toucherait directement son ego. Elle se délectait à l'avance des questions qu'il se poserait, des doutes qui l'assailleraient. Le fait de pouvoir manipuler ses émotions sans qu'il ne se doute de sa main derrière chaque coup était une douce revanche en soi.
Quelques jours plus tard, lors d'une soirée de gala pour les affaires, elle s'y présenta, habillée d'une robe rouge éclatante qui la démarquait avec audace de tous les invités présents. Son but était clair : marquer les esprits. Elle savait que la nouvelle de sa présence ici atteindrait inévitablement son ex, et que l'aura de mystère entourant son succès susciterait la curiosité et l'agitation. Ce soir-là, elle ne cherchait pas à se cacher ; elle voulait le voir, sentir la confusion et le trouble sur son visage.
Comme elle l'avait anticipé, il arriva peu après. Elle l'aperçut du coin de l'œil, entrant avec assurance, s'arrêtant un instant pour saluer des partenaires et des amis d'affaires. Il n'avait pas changé, cette démarche fière, ce sourire poli. Mais elle savait que quelque chose en lui s'étiolerait, une fois qu'il la verrait ici. Elle se dirigea vers le bar, se glissant parmi les invités avec une maîtrise parfaite de ses émotions. Elle n'avait rien à lui prouver, mais elle voulait qu'il sache qu'elle n'était plus cette femme silencieuse, ignorée.
Il finit par la remarquer. Son regard se figea un instant, la reconnaissance et la confusion se mêlant dans ses yeux. Il fit mine de vouloir s'approcher, mais elle tourna légèrement la tête et commença à converser avec un homme, un autre entrepreneur influent, qui semblait captivé par sa présence. Elle savait que ce petit jeu d'indifférence ne manquerait pas d'attiser la frustration de son ex. Elle pouvait presque sentir la tension dans l'air.
Plus tard dans la soirée, elle se retrouva par hasard à côté de lui lors d'une conversation collective. Il se tourna vers elle avec un sourire hésitant, clairement déstabilisé de la voir ici, encore plus rayonnante que lors de leur dernière rencontre.
« Je dois dire... tu sembles avoir trouvé un chemin inattendu, » osa-t-il, cherchant sans doute à capter son attention.
Elle lui jeta un regard impassible. « Les chemins inattendus sont souvent les plus intéressants, » répondit-elle froidement, avant de détourner son attention vers un autre invité, mettant fin à la conversation avant même qu'il n'ait eu le temps de poursuivre.
Il semblait frustré, déconcerté par son manque de réaction. Elle sentit son regard peser sur elle durant une bonne partie de la soirée. Il cherchait peut-être des signes de l'ancienne Mélissa en elle, cette femme douce qu'il avait connue et qui lui avait tout donné. Mais ce soir-là, elle n'était qu'une énigme, un visage impénétrable qui ne lui offrait aucun répit, aucun indice.
Plus tard, alors qu'elle s'apprêtait à partir, elle sentit sa main sur son bras. Elle se retourna lentement, fixant son ex d'un regard où brillait une froide détermination. Il semblait troublé, presque vulnérable.
« Tu sais, je pensais à nous... à tout ce qu'on a vécu, » commença-t-il d'une voix basse. « J'ai des regrets, Mélissa. »
Elle ne dit rien, se contentant de le fixer avec ce masque d'indifférence glacée. Elle savait que ces mots, il les prononçait sans vraiment les comprendre, sans mesurer l'étendue de la douleur qu'il avait laissée derrière lui.
« Parfois, je me demande ce que j'ai fait, » poursuivit-il. « Je me demande si... si j'ai vraiment su ce que j'avais. »
Elle esquissa un léger sourire, un sourire triste et ironique, qui ne laissait transparaître aucune faiblesse. Elle le regarda droit dans les yeux et répondit d'un ton posé.
« Peut-être que tu n'as jamais su, » dit-elle calmement. « Peut-être que tu as seulement pris ce que je t'offrais sans jamais vraiment te demander ce que cela signifiait. »
Il sembla déstabilisé par cette réponse, et elle put lire dans ses yeux une forme de culpabilité, mêlée d'un regret sincère. Pour la première fois, elle crut voir en lui une faille, un soupçon de conscience. Mais cela ne changeait rien pour elle.
« Je... je suis désolé, Mélissa, » murmura-t-il, baissant les yeux, comme honteux de ses propres mots.
Elle soutint son regard, sans ciller, laissant ses excuses flotter dans l'air sans rien dire. Puis elle se tourna et s'éloigna, laissant ses mots derrière elle comme une sentence qu'il ne pourrait jamais effacer.
Sur le chemin du retour, un sentiment de triomphe mêlé de tristesse l'envahit. Elle se sentait puissante, mais cette puissance ne comblait pas le vide que sa trahison avait laissé. Pourtant, elle savait qu'elle avançait, qu'elle se reconstruisait. Et ce soir-là, elle avait remporté une première victoire. Elle avait vu ses doutes, ses regrets, et elle savait qu'il serait désormais hanté par l'idée de l'avoir perdue pour toujours.
Elle rentra chez elle, plus déterminée que jamais. Elle savait que la route serait encore longue, mais elle n'avait plus peur.