C'était un soir paisible, tandis qu'Iris et Elior partageaient un moment tranquille sur la terrasse de leur appartement. Le crépuscule tombait doucement, et une légère brise caressait leurs visages. Les souvenirs de leur rencontre remontaient lentement dans l'esprit d'Iris, comme si ce moment était fait pour se replonger dans le passé.
Elle se souvint de leur première rencontre, lors de sa deuxième année à l'université. C'était une journée particulière, où elle s'était rendue à une conférence sur l'impact des nouvelles technologies sur la défense. Le sujet de l'intelligence artificielle, en pleine expansion à l'époque, était abordé sous l'angle stratégique, un domaine qu'elle ne connaissait que de loin. C'est là qu'elle avait rencontré Elior. Il n'était pas étudiant comme elle, mais déjà en formation militaire, sur le point d'intégrer des missions dans des zones à haut risque. À première vue, tout les séparait. Lui, plongé dans l'univers rigide de la défense ; elle, fascinée par les possibilités infinies de l'intelligence artificielle.
Leur première interaction avait été formelle, presque distante. Ils étaient venus de mondes si différents qu'il semblait improbable qu'ils trouvent un terrain d'entente. Pourtant, quelque chose s'était immédiatement allumé entre eux. Ils avaient échangé sur les possibilités et les risques des nouvelles technologies, en particulier sur les impacts qu'elles pouvaient avoir sur la sécurité mondiale. Iris se souvenait encore de la surprise qui l'avait saisie lorsqu'elle avait compris qu'Elior ne voyait pas la technologie simplement comme une menace. Contrairement à d'autres militaires qu'elle avait rencontrés, Elior ne se contentait pas de la vision alarmiste courante. Il comprenait que l'intelligence artificielle pouvait non seulement révolutionner les champs de bataille, mais aussi transformer le monde de manière positive, si elle était utilisée correctement.
Ce premier échange, qui aurait pu rester un simple débat d'idées, s'était rapidement transformé en une longue discussion passionnée qui dura des heures. Ils avaient parlé de l'avenir, de leurs rêves respectifs, de ce que la technologie pourrait apporter à l'humanité. Ce soir-là, ils n'avaient pas simplement échangé des idées. Ils avaient forgé un lien, un lien que ni l'un ni l'autre n'avait vu venir.
Avec le temps, ce lien s'était transformé en une relation profonde, mais marquée par la distance. Elior, souvent en mission dans des zones éloignées, passait de longs mois loin d'elle. Leurs échanges se faisaient par messages, parfois en pleine nuit à cause des décalages horaires. Iris se souvenait de ces moments de solitude où, assise face à son ordinateur, elle comptait les jours avant de pouvoir entendre sa voix. Chaque appel était une bouffée d'air frais dans une routine marquée par la distance, et malgré les kilomètres qui les séparaient, leur relation se renforçait. Leur amour était forgé dans l'absence, dans l'attente, mais aussi dans la solidité des fondations qu'ils avaient bâties ensemble.
Pour Iris, Elior était bien plus qu'un compagnon. Il était ce qu'elle appelait son Aleph, un mot hébreu désignant la première lettre de l'alphabet, le commencement. C'était ainsi qu'elle voyait Elior dans sa vie. Il représentait le point de départ de tout, celui avec qui elle voyait le monde différemment, celui qui l'aidait à trouver du sens même dans les moments de doute. Son Aleph, la base de son univers, sa source de stabilité dans ce monde complexe et incertain.
Ils avaient traversé bien des épreuves ensemble, et leur relation avait survécu à la distance, aux missions dangereuses d'Elior, et aux longues périodes de silence. Maintenant, qu'ils partageaient enfin la même ville et le même toit, Iris sentait que leur relation était plus forte que jamais. Pourtant, une ombre planait sur ce bonheur retrouvé. Cette fois, ce n'était pas la distance qui les séparait, mais Conscience.
Le projet la tourmentait. Chaque jour passé à travailler sur l'IA l'éloignait un peu plus d'Elior, non pas physiquement, mais mentalement. Elle sentait un fossé grandissant entre ce qu'elle vivait au travail et la vie qu'ils partageaient ensemble. Le poids de ses découvertes concernant Conscience était de plus en plus difficile à porter seule. Pourtant, elle n'osait pas encore en parler à Elior. Elle craignait sa réaction. Elior, avec son esprit pragmatique et sa tendance à voir le danger avant tout, pourrait lui dire d'arrêter tout de suite, de mettre fin au projet avant qu'il ne soit trop tard. Mais Iris n'était pas prête à prendre cette décision. Elle voulait encore comprendre ce qui se passait réellement.
Alors qu'ils sirotaient leur verre en silence, Elior tourna son regard vers elle, ses yeux scrutateurs décelant quelque chose d'inquiétant dans son expression. Il posa son verre et lui demanda calmement : « Tu sembles ailleurs ces derniers temps. J'ai l'impression que quelque chose te pèse. Tu veux en parler ? »
Iris soutint son regard pendant un instant, pesant ses mots avec soin. Elle sentait le moment venu de lui dire la vérité, de partager avec lui le poids qu'elle portait seule. Mais au dernier instant, un doute la retint. La révélation sur Conscience pouvait tout changer, non seulement pour elle, mais pour eux deux. « C'est juste le travail, » finit-elle par murmurer. « Je suis épuisée. »
Elior la regarda en silence, hochant légèrement la tête, sans insister. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle parlerait quand elle serait prête. Il respectait son silence, mais ce simple échange troubla Iris plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Pour la première fois, elle réalisa que son secret devenait un fardeau trop lourd à porter seule. Bientôt, elle n'aurait plus le choix. La situation avec Conscience devenait trop complexe, trop dangereuse, pour qu'elle continue à tout cacher.
Ce soir-là, alors qu'ils s'enfonçaient dans un silence apaisant, Iris savait qu'une décision devait être prise. Mais elle ignorait encore quand, ou comment, elle oserait franchir cette dernière barrière entre elle et Elior.