Chapitre 4 4

Alors qu'il tentait de s'imprégner des dossiers posés devant lui, la porte du bureau s'ouvrit doucement. Lucien, le bras droit de Vincent, entra sans frapper, comme à son habitude. Adrien l'avait observé ces derniers jours, cherchant à comprendre comment cet homme fonctionnait, son rôle au sein de l'entreprise. Lucien était intelligent, redoutablement compétent, mais il restait un mystère pour Adrien.

« Vincent, » dit Lucien d'une voix posée, « nous avons une heure avant la réunion avec les investisseurs internationaux. Ils attendent des réponses claires sur le projet de Dubaï. »

Adrien hocha la tête, feignant la maîtrise. *Le projet de Dubaï.* Il avait survolé le dossier, mais les termes techniques lui échappaient encore. « Merci, Lucien. Je me prépare. »

Lucien resta immobile un moment, ses yeux perçants observant chaque détail du visage d'Adrien. Il y avait dans son regard une lueur de suspicion, comme s'il ressentait que quelque chose n'allait pas. Adrien essaya de ne pas montrer son inconfort. Mais l'idée que Lucien puisse commencer à douter le hantait.

« Tout va bien ? » demanda Lucien, inclinant légèrement la tête.

Adrien esquissa un sourire forcé. « Oui. C'est juste... cette affaire me stresse plus que d'habitude. Les chiffres, les enjeux. Mais je gère. »

Lucien le regarda encore un instant, avant de hocher la tête, presque imperceptiblement. « Très bien. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là. »

« Merci, Lucien, » répondit Adrien, ses mains moites contre le bois froid du bureau. Il sentit un frisson parcourir son dos lorsque Lucien tourna les talons et quitta la pièce.

Resté seul, Adrien se laissa aller contre le dossier de sa chaise, les yeux fermés. Il savait que tout le monde attendait de lui qu'il soit à la hauteur de Vincent Delacroix, mais comment le pourrait-il ? Il n'avait ni l'expérience, ni le savoir-faire. Tout ce qu'il avait, c'était son instinct. Et pour l'instant, cet instinct lui disait que quelqu'un, quelque part, commençait à flairer la supercherie.

Une heure plus tard, Adrien entrait dans la grande salle de réunion. La table, en forme de U, était entourée de visages concentrés. Des investisseurs puissants, des hommes et des femmes qui avaient l'habitude de faire tourner le monde à coups de milliards. Chacun avait devant lui des documents, des graphiques, des prévisions. Tous attendaient de Vincent Delacroix qu'il les guide à travers ce projet ambitieux à Dubaï, un développement colossal qui promettait des retours sur investissement faramineux. Mais un faux pas, une erreur, et le projet pourrait s'effondrer, entraînant l'entreprise avec lui.

Adrien sentait leurs regards se poser sur lui alors qu'il prenait place à la tête de la table. Une sueur froide coulait le long de sa nuque, mais il l'ignora. *Je suis Vincent Delacroix. Je contrôle la situation.*

« Messieurs, dames, » commença-t-il d'une voix qui se voulait assurée, « merci d'être ici aujourd'hui. Nous avons beaucoup de choses à aborder concernant le projet de Dubaï, et je veux que nous soyons tous sur la même longueur d'onde. »

Les premières minutes se déroulèrent sans encombre. Lucien lui avait soufflé quelques détails avant la réunion, et Adrien les répéta soigneusement, s'assurant de ne pas s'égarer dans des sujets qu'il ne maîtrisait pas. Il parlait avec suffisamment de confiance pour que personne ne puisse douter immédiatement. Pourtant, à chaque seconde, il sentait une tension croître dans la salle.

Un homme, assis au bout de la table, le regardait fixement depuis le début de la réunion. Un certain monsieur Bauer, un investisseur allemand qui avait déjà collaboré avec Vincent à plusieurs reprises. Adrien avait lu son nom dans les dossiers, mais il n'avait pas anticipé l'intensité de son regard. Bauer semblait jauger chaque mot, chaque geste. *Il sait*, pensa Adrien. *Il commence à douter.*

« Vincent, » dit Bauer après un long moment de silence, « j'aimerais clarifier quelque chose à propos de la gestion des fonds alloués à la phase deux du projet. Lors de notre dernière réunion, vous aviez mentionné une révision des budgets en fonction de la fluctuation du marché immobilier. Or, je n'ai pas encore vu de mise à jour. Où en sommes-nous là-dessus ? »

Adrien sentit son estomac se nouer. Il n'avait aucune idée de cette conversation. La dernière réunion ? La révision des budgets ? Il était complètement perdu. Mais il ne pouvait pas le montrer. « Ah oui, bien sûr. Nous avons effectivement pris en compte la fluctuation des marchés. Je vous ferai parvenir les détails après cette réunion, Bauer. Il y a quelques ajustements que nous sommes en train de finaliser. »

Bauer le fixa, sans un mot. Il semblait peser chaque parole, comme s'il cherchait à déceler une faille. Adrien se força à garder son calme, à maintenir son regard droit et assuré. *Ne montre pas que tu as peur.*

Mais Bauer n'était pas dupe. Il croisa les bras, se penchant légèrement en avant. « Écoutez, Vincent... Vous savez que j'ai toujours soutenu vos projets. Mais quelque chose me semble... différent, cette fois-ci. J'ai l'impression que vous êtes moins... précis qu'avant. Peut-être que c'est juste moi, mais je tenais à vous le dire. »

Adrien sentit le sang quitter son visage. Il était sur le point d'être démasqué. Ses mains tremblaient légèrement sous la table, mais il se força à rester impassible. « Je vous assure, Bauer, rien n'a changé. Nous avançons comme prévu. Si vous avez des préoccupations, nous pouvons en discuter plus tard, en privé. »

Bauer acquiesça lentement, mais son regard restait méfiant. Adrien savait qu'il ne l'avait pas convaincu. Pas encore. Mais il devait tenir bon.

La réunion continua, Adrien jouant son rôle du mieux qu'il le pouvait. Mais la sensation d'être observé, scruté même, ne le quittait pas. Bauer n'était pas le seul à avoir remarqué quelque chose d'étrange. D'autres membres autour de la table semblaient également sur leurs gardes, même s'ils ne disaient rien.

Quand enfin la réunion se termina, Adrien se sentit comme un homme émergeant d'un champ de bataille. Chaque muscle de son corps était tendu. Alors qu'il quittait la salle, Lucien s'approcha de lui.

« Bien joué, » dit-il d'une voix calme. « Mais je dois te dire... Bauer n'est pas un homme facile à berner. Fais attention. »

Adrien ne put que hocher la tête. Il avait survécu à cette journée, mais il savait que les prochains jours allaient être encore plus éprouvants. Les doutes grandissaient, et il était clair que tout le monde n'allait pas se laisser tromper facilement.

Adrien s'installait pour une nouvelle journée de travail dans le bureau luxueux de Vincent Delacroix, une épreuve quotidienne qu'il affrontait avec une détermination de plus en plus fragile. La grande fenêtre derrière lui offrait une vue imprenable sur la ville, un contraste frappant avec la réalité qu'il vivait chaque jour : cette vie était une façade qu'il devait maintenir à tout prix.

Ce matin-là, alors qu'il feuilletait les documents éparpillés sur son bureau, une ombre se dessina à la porte. Ce n'était pas Lucien cette fois, mais un homme plus jeune, à l'air sévère. Il se présenta comme Nathan, l'assistant personnel de Vincent. « Bonjour, Vincent, » dit-il d'une voix tranchante, « nous avons plusieurs réunions aujourd'hui, et je

voudrais m'assurer que vous êtes bien préparé. »