La première fois qu'Elina avait croisé Clarisse, la fille unique des Dubreuil, elle avait ressenti quelque chose d'étrange, presque dérangeant, en la voyant. C'était un mélange de fascination et d'appréhension. Clarisse, avec ses cheveux longs et soyeux, ses vêtements toujours à la pointe de la mode, et son allure assurée, était l'incarnation même du luxe et du privilège. Son visage, parfaitement maquillé, ne montrait jamais la moindre émotion. Il y avait en elle une distance, une froideur qui rendait les interactions avec les autres terriblement impersonnelles.
Un matin, alors qu'Elina nettoyait le vaste hall d'entrée, elle entendit des bruits de pas élégants descendre l'escalier en marbre. Elle se retourna, et son regard croisa celui de Clarisse. Cette dernière la regarda de haut en bas, ses yeux bleus perçants ne montrant ni curiosité ni animosité, juste une indifférence totale. Clarisse, comme si elle ne l'avait même pas vue, passa devant elle sans un mot, sans même ralentir son pas. Elle avait ce talent singulier de faire sentir aux gens qu'ils n'existaient pas.
Elina, bien qu'elle soit habituée à être invisible, sentit tout de même une petite piqûre d'humiliation. Elle se contenta de baisser la tête et continua son travail. Il était évident pour elle que Clarisse la considérait comme une simple partie du décor, une ombre dans sa vie luxueuse et bien ordonnée. Pourtant, il y avait quelque chose de plus complexe derrière cette indifférence apparente, et Elina le pressentait.
Les jours suivants, les rencontres avec Clarisse se firent plus fréquentes, mais toujours aussi glaciales. Lorsque Clarisse passait près d'elle, c'était comme si Elina n'existait pas. Et si, par hasard, elle lui adressait la parole, c'était toujours d'un ton sec, presque irrité. Un jour, alors qu'Elina portait un plateau de fruits dans la salle à manger, Clarisse entra en trombe, son téléphone à la main, discutant avec une amie. Elle ne prêta même pas attention à Elina qui, surprise par cette entrée brusque, faillit renverser le plateau.
"Fais attention !" s'écria Clarisse, sans même lui jeter un coup d'œil. "Si tu salis ma robe, je te jure que tu ne t'en remettras pas."
Elina, troublée, murmura un "désolée" presque inaudible, puis continua son chemin vers la cuisine. Cette scène était typique de la relation qu'elles entretenaient : un mélange d'indifférence et de froideur.
Mais si Clarisse semblait si distante et froide à la maison, elle était tout autre dans le monde extérieur, un monde qu'Elina ne connaissait que de loin. Clarisse fréquentait un lycée privé prestigieux, réservé à l'élite de la société. Ses journées étaient rythmées par des sorties, des événements mondains, des rendez-vous avec des amis influents, et des activités extra-scolaires hors de prix. À chaque retour du lycée, Clarisse semblait briller d'une aura encore plus inatteignable. Ses amis la rejoignaient souvent à la maison pour des après-midis de détente autour de la piscine ou des séances d'études dans la bibliothèque familiale. Elina les regardait parfois de loin, alors qu'elle effectuait ses tâches, se demandant à quoi pouvait bien ressembler une vie où tout vous est servi sur un plateau d'argent.
Elina, quant à elle, vivait une réalité bien différente. Malgré son emploi de domestique, elle n'avait pas abandonné l'idée de poursuivre ses études. En accord avec Madame Dubreuil, elle avait été inscrite dans une école publique de la ville. L'école était modeste, sans aucun des privilèges ou des ressources que Clarisse et ses amis prenaient pour acquis. Les bâtiments étaient vieux, les salles de classe surchargées, et le matériel pédagogique souvent insuffisant. Pourtant, Elina s'y rendait chaque jour avec un espoir inébranlable, une détermination silencieuse qui la poussait à avancer.
Le contraste entre les deux jeunes femmes ne pouvait pas être plus frappant. Tandis que Clarisse se promenait dans les couloirs de son école privée, entourée de ses amis, vêtue de vêtements de créateurs et portant les derniers gadgets à la mode, Elina se rendait à l'école à pied, portant un simple sac à dos usé et des vêtements qu'elle avait recousus elle-même pour économiser de l'argent. Mais là où Clarisse semblait déconnectée du monde réel, protégée par la bulle dorée dans laquelle elle vivait, Elina était profondément ancrée dans la réalité. Elle savait ce que c'était de se battre pour chaque opportunité, de se priver pour réussir.
Un matin, alors qu'Elina s'apprêtait à quitter la maison pour se rendre à l'école, elle croisa Clarisse qui sortait en même temps, prête à monter dans la voiture familiale pour être conduite à son prestigieux lycée. Leurs regards se croisèrent brièvement. Clarisse, comme à son habitude, détourna rapidement les yeux. Mais cette fois-ci, il y avait une lueur de dédain dans son regard, comme si le simple fait de voir Elina partir pour une école publique la dérangeait.
"Tu devrais vraiment changer de look, tu sais," dit soudainement Clarisse, brisant le silence qui régnait entre elles. "Ton uniforme est... disons, modeste. C'est triste, en fait."
Elina, surprise par cette remarque, ne répondit pas. Elle savait qu'il valait mieux ne pas répondre aux provocations de Clarisse. Pourtant, quelque chose dans la façon dont elle avait parlé, ce mélange de mépris et de pitié, la blessa profondément. Mais Elina n'était pas du genre à se laisser abattre. Elle ferma les yeux un instant,Elina. Les classes étaient bondées, et les professeurs, bien qu'investis, semblaient souvent épuisés par le manque de ressources et le nombre d'élèves. Mais cela n'effrayait pas Elina. Elle se battait pour chaque cours, chaque mot appris. Elle savait que son éducation était son unique échappatoire à la vie de domestique qu'elle menait chez les Dubreuil. Chaque jour, elle se fixait des objectifs : maîtriser une leçon de mathématiques, réussir un devoir d'histoire ou impressionner un professeur avec une dissertation bien rédigée. Elle n'avait pas les moyens financiers de Clarisse, mais elle avait quelque chose que cette dernière ne possédait pas : une soif inextinguible de savoir et de succès.
À l'école, Elina était plutôt discrète, ne cherchant pas à se faire remarquer, mais sa détermination n'avait pas échappé aux yeux de certains de ses professeurs. L'un d'eux, M. Laurent, un enseignant de littérature passionné, avait rapidement remarqué son potentiel. Après avoir corrigé l'un de ses essais, il l'avait convoquée après le cours.
"Elina, reste un moment," lui avait-il demandé d'un ton encourageant alors que tous les autres élèves sortaient.
Elle s'était avancée timidement vers son bureau, un peu inquiète, mais surtout curieuse de ce qu'il voulait lui dire.
"J'ai lu ton essai sur 'Les Misérables'," dit-il en tapotant les feuilles posées devant lui. "Et je dois te dire, c'est remarquable. Ta façon d'analyser le personnage de Jean Valjean, de comprendre sa lutte contre la pauvreté et la justice, c'est d'une maturité rare à ton âge."
Elina, surprise par tant de compliments, rougit légèrement. "Merci, monsieur," murmura-t-elle.
M. Laurent la regarda avec bienveillance. "Tu sais, Elina, tu as un potentiel énorme. Si tu continues à travailler ainsi, je ne vois aucune raison pour que tu ne décroches pas une bourse pour une université. Tu pourrais aller loin."
Ces mots résonnèrent profondément en elle. Une bourse universitaire ? Cette idée lui avait souvent traversé l'esprit, mais l'entendre de la bouche de son professeur rendait cette possibilité bien plus réelle. Cela signifiait que tout le travail qu'elle accomplissait, toutes les heures passées à étudier après ses longues journées de service chez les Dubreuil, n'étaient pas vaines.
"Merci, monsieur," répéta-t-elle, cette fois avec un sourire sincère. "Je vais continuer à travailler dur."
M. Laurent acquiesça. "Je n'en doute pas. Si tu as besoin d'aide pour quoi que ce soit, n'hésite pas à venir me voir. Je veux t'aider à réussir."
Cette conversation fut un véritable tournant pour Elina. Désormais, elle avait une motivation supplémentaire. Chaque soir, après avoir nettoyé la vaisselle ou rangé les chambres des Dubreuil, elle se plongeait dans ses manuels scolaires, déterminée à réussir ses examens. Les nuits étaient souvent courtes, mais elle n'y prêtait pas attention. Elle voyait au-delà de sa fatigue, au-delà de sa vie actuelle, un avenir où elle serait libre de choisir son destin.
Pendant ce temps, Clarisse, de son côté, continuait sa vie de luxe, sans se soucier des efforts d'Elina. Elle ne la remarquait que lorsqu'il s'agissait de la critiquer ou de lui faire des remarques désobligeantes. Un soir, alors qu'Elina s'affairait à nettoyer la bibliothèque après le passage de Clarisse et ses amies, elle entendit une conversation qui ne lui était pas destinée.
"Tu as vu cette fille ?" dit une des amies de Clarisse, Léa, en désignant Elina du menton. "Elle est jolie, non ? Pour une domestique, je veux dire."
Clarisse, qui feuilletait distraitement un magazine, leva à peine les yeux. "Jolie ? Peut-être. Mais elle reste une fille de ménage, Léa. Elle n'a aucune importance."
Léa hocha la tête, mais continua d'observer Elina avec une légère curiosité. "Quand même, c'est fou. Elle pourrait presque passer pour une de nos amies si elle portait autre chose que cet uniforme."
Clarisse referma son magazine avec un soupir exaspéré. "Ça ne changera rien. Peu importe ce qu'elle porte, elle ne sera jamais comme nous. Elle n'a pas ce qu'il faut."
Elina, qui avait tout entendu, sentit son cœur se serrer. Une partie d'elle voulait crier, leur dire qu'elles ne savaient rien d'elle, de ce qu'elle était capable d'accomplir. Mais elle savait que cela ne servirait à rien. Pour Clarisse et ses amies, elle ne serait toujours qu'une domestique. Mais Elina avait appris à ne pas se laisser abattre par les paroles de ceux qui la sous-estimaient.
Les jours suivants, ces remarques continuèrent, mais Elina, forte de ses nouvelles ambitions, ne les laissa pas l'atteindre. Elle savait qu'elle avait plus en commun avec les personnages des livres qu'elle lisait qu'avec les jeunes femmes qui l'entouraient. Elle était une héroïne en devenir, et personne, pas même Clarisse, ne pouvait l'empêcher de poursuivre ses rêves.
Un autre aspect qui opposait les deux jeunes femmes était leur manière de se comporter à l'école. Clarisse, au lycée privé, brillait par son apparence, mais son attitude laissait à désirer. Ses professeurs la trouvaient distante et peu investie, ne s'intéressant qu'à ce qui touchait à la mode ou aux garçons. Son cercle d'amis était constitué de jeunes issus des familles les plus riches de la ville, et ils partageaient tous cette même insouciance face aux réalités du monde. Elina, en revanche, travaillait dur, non pas pour attirer l'attention, mais parce qu'elle savait que son avenir en dépendait.
Un jour, alors qu'elle était en train de réviser dans la cour de son école publique, une de ses camarades de classe, Sofia, vint s'asseoir à côté d'elle.
"Salut, Elina," dit-elle avec un sourire. "Tu travailles encore ? On a tous l'impression que tu ne fais que ça."
Elina sourit en retour. "Je n'ai pas vraiment le choix, Sofia. Si je veux réussir, il faut que je donne tout."
Sofia hocha la tête. "Tu es vraiment inspirante, tu sais ? J'aimerais avoir ta détermination."
"Merci," répondit Elina doucement. "Mais ce n'est pas facile tous les jours."
Sofia la regarda avec bienveillance. "Je suis sûre que tu vas y arriver. Tu es différente, Elina. Toi, tu sais ce que c'est de se battre pour ce que tu veux. La plupart des gens ici, moi y compris, on ne sait même pas à quel point on a de la chance."
Ces paroles réconfortantes firent chaud au cœur d'Elina. Même si elle se sentait parfois isolée à cause de sa double vie de domestique et d'étudiante, elle réalisait qu'il y avait des gens autour d'elle qui la comprenaient et la soutenaient. Elle n'était pas seule dans sa quête.
Alors que les semaines passaient, Elina continuait de jongler entre ses responsabilités à la maison et ses études. Mais une chose était claire : elle ne laisserait jamais Clarisse ou qui que ce soit d'autre l'empêcher d'atteindre ses objectifs. Si Clarisse l'ignorait, la méprisait, c'était parce qu'elle ne comprenait pas ce que signifiait de devoir se battre pour chaque petite chose. Pour Clarisse, tout était facile, tout était donné. Mais pour Elina, chaque victoire, même petite, était le fruit de ses efforts.
Cependant, Clarisse, bien qu'indifférente, commença à remarquer quelque chose de différent chez Elina. Elle voyait son sourire après ses journées d'école, la manière dont elle revenait, épuisée mais déterminée, et cela l'intriguait, bien qu'elle ne l'avouât jamais. Elina n'était pas comme les autres domestiques, et cela commençait à piquer la curiosité de Clarisse.
Un soir, alors qu'Elina travaillait tard dans la cuisine, Clarisse s'approcha d'elle, ce qui était inhabituel. Elle s'appuya contre le comptoir, jouant avec une mèche de ses cheveux.
"Alors, l'école publique... C'est comment ?" demanda-t-elle, mais d'un ton qui trahissait plus de curiosité que de mépris.
Elina, surprise par cette question, hésita un moment avant de répondre.
"C'est... différent," dit-elle prudemment. "Les choses ne sont pas faciles, mais j'apprends beaucoup."
Clarisse hocha la tête, mais un sourire en coin se forma sur son visage. "Je suppose que c'est intéressant de voir comment vivent... les autres."
Elina serra discrètement les poings mais garda son calme. "Oui, c'est très enrichissant."
Clarisse la regarda un instant de plus, comme si elle cherchait à comprendre quelque chose qu'elle n'arrivait pas à saisir. Puis, sans ajouter un mot, elle tourna les talons et quitta la pièce, laissant Elina seule avec ses pensées.
Elina, bien que perturbée par cet échange,
réalisa qu'elle n'avait pas besoin de l'approbation de Clarisse. Sa vie, ses rêves, ne dépendaient pas de ce que la fille des Dubreuil pensait d'elle. Mais au fond d'elle, elle savait que leur histoire était loin d'être terminée.Les jours qui suivirent cette étrange conversation entre Elina et Clarisse furent marqués par une tension sourde. Clarisse continuait d'ignorer Elina la plupart du temps, mais quelque chose avait changé dans leur dynamique. Le mépris habituel de Clarisse s'accompagnait désormais d'une curiosité non dissimulée. C'était comme si, pour la première fois, la fille des Dubreuil prenait conscience qu'Elina existait en tant que personne, et pas simplement en tant que domestique invisible. Mais au lieu d'adoucir son attitude, cette curiosité semblait attiser une forme de compétition silencieuse.
Un matin, alors qu'Elina préparait le petit-déjeuner pour la famille, elle entendit Clarisse parler à ses parents à propos de l'école. Appuyée contre le plan de travail, Elina tendit l'oreille discrètement, essayant de ne pas se faire remarquer.
"Je pense qu'il serait intéressant pour moi de me porter volontaire pour des œuvres caritatives," déclara Clarisse nonchalamment à ses parents. "Cela pourrait me donner un avantage pour entrer dans une bonne université."
Madame Dubreuil acquiesça avec un sourire fier. "C'est une excellente idée, ma chérie. Cela te donnera également une meilleure image auprès de tes professeurs."
Clarisse, satisfaite, jeta un regard rapide vers la cuisine, là où Elina s'affairait. Elle ne disait rien, mais son sourire contenait une forme de défi. Elina, bien que concentrée sur son travail, avait l'intuition que ce soudain intérêt de Clarisse pour les œuvres de charité n'était pas complètement innocent. Elle sentait que, d'une manière ou d'une autre, cette décision avait un lien avec elle, et cela l'inquiétait légèrement.
Les jours suivants, Elina remarqua que Clarisse commençait à poser des questions à ses amis à propos de leurs activités extrascolaires. Elle s'impliquait dans des discussions sur des sujets qu'elle n'avait jamais abordés auparavant : la pauvreté, l'éducation pour tous, des causes sociales qui, jusque-là, semblaient bien éloignées de ses préoccupations. Ce changement soudain dans son attitude déconcertait Elina, mais elle préférait ne pas s'y attarder. Elle avait bien trop à faire entre ses études et ses responsabilités chez les Dubreuil.
Cependant, tout bascula un après-midi. Clarisse et ses amies étaient réunies autour de la piscine, discutant de la prochaine fête organisée par l'une des filles les plus influentes de l'école. Elina, qui était en train de ranger la terrasse, fit de son mieux pour ne pas prêter attention à leurs conversations frivoles. Mais soudain, un nom attira son attention : celui de Julien, un des garçons les plus populaires du lycée privé que fréquentait Clarisse.
"Julien sera là, évidemment," déclara Clarisse, un sourire assuré sur les lèvres.
L'une de ses amies, Léa, hocha la tête avec enthousiasme. "C'est certain ! Il ne manque jamais une occasion de briller en société."
Clarisse jeta un regard de côté à Elina, qui essayait de rester concentrée sur son travail, mais elle sentait bien que les regards étaient tournés vers elle.
"Tu sais, Julien m'a parlé l'autre jour," continua Clarisse, prenant un ton délibérément détaché. "Il m'a dit qu'il trouvait intéressant de rencontrer des gens d'un milieu... disons, plus humble."
Le sous-entendu était évident. Clarisse parlait d'Elina, bien qu'elle ne la nomme pas directement. Elina se raidit, continuant à travailler sans relever la remarque. Mais elle sentait que Clarisse cherchait à la provoquer.
"Peut-être que Julien aime la nouveauté," ajouta Clarisse avec un rire léger, provoquant des éclats de rire chez ses amies. "Mais je doute qu'il s'intéresse à ce genre de personne très longtemps."
Elina ne réagit pas. Elle savait que Clarisse essayait de la faire sortir de ses gonds, mais elle ne lui donnerait pas cette satisfaction. Pourtant, au fond d'elle, les mots de Clarisse l'avaient touchée. Elle ne connaissait pas personnellement Julien, mais l'idée que Clarisse pouvait utiliser sa relation avec lui pour la rabaisser la remplissait d'une colère sourde.
Cette tension monta encore d'un cran lorsque, quelques jours plus tard, Elina reçut une nouvelle bouleversante à l'école publique. Le directeur la convoqua dans son bureau pour lui annoncer une nouvelle qui changerait sa vie : elle avait décroché une bourse d'excellence pour intégrer l'un des meilleurs établissements de la ville. Ce même établissement où Clarisse était inscrite.
"Elina, tu le mérites amplement," déclara le directeur avec un large sourire. "Tes efforts, ta détermination... Tout cela a porté ses fruits. Cette bourse est une opportunité en or. Tu seras entourée des meilleurs, et tu pourras atteindre tes objectifs avec encore plus de moyens à ta disposition."
Elina, stupéfaite, ne put que balbutier un "merci". C'était à la fois une bénédiction et un défi. Cette nouvelle école représentait tout ce à quoi elle aspirait : une meilleure éducation, plus de ressources, et surtout, la possibilité de gravir encore plus haut les échelons de la réussite. Mais cela signifiait aussi qu'elle serait plongée dans l'univers de Clarisse, un univers où elle n'avait pas sa place aux yeux des autres.
Lorsqu'elle rentra chez les Dubreuil ce soir-là, l'atmosphère dans la maison semblait pesante. Clarisse avait déjà entendu parler de la nouvelle, probablement par l'un des professeurs ou des amis communs. Lorsque leurs regards se croisèrent, Elina ressentit immédiatement la tension. Clarisse ne dit rien, mais son visage était figé dans une expression de contrariété. Il était évident qu'elle ne supportait pas l'idée qu'Elina puisse se rapprocher de son monde, celui des privilèges et des richesses.
Le lendemain matin, alors qu'Elina se préparait pour son premier jour dans la nouvelle école, elle croisa Clarisse dans le hall d'entrée.
"Alors, tu viens envahir mon espace maintenant ?" dit Clarisse, d'un ton acerbe.
Elina s'arrêta un instant, cherchant ses mots. Elle ne voulait pas entrer dans un conflit avec Clarisse, mais elle savait qu'il était inévitable.
"Je n'envahis rien," répondit-elle calmement. "J'ai gagné cette place. Comme toi."
Clarisse émit un rire sec. "Toi ? Comme moi ? Ne sois pas ridicule. Tu n'as aucune idée de ce que c'est de vivre dans ce monde. Et tu ne pourras jamais vraiment y appartenir."
Elina soutint son regard, refusant de se laisser intimider. "Peut-être. Mais je ne laisserai personne me dire où est ma place."
Clarisse la fixa un moment, comme si elle évaluait cette nouvelle Elina, plus confiante et déterminée. Puis, sans un mot, elle tourna les talons et quitta la maison, laissant Elina seule avec ses pensées.
Ce jour-là, en franchissant les portes de sa nouvelle école, Elina sentit un mélange d'excitation et d'appréhension. Elle savait que rien ne serait facile, mais elle était prête à relever le défi. Elle avait travaillé trop dur pour laisser les regards et les jugements des autres la freiner.
Et au fond d'elle, Elina savait que ce n'était que le début. Sa confrontation avec Clarisse ne faisait que commencer, et leurs chemins allaient inévitablement s'entrelacer de manière encore plus complexe dans les jours à venir. Mais Elina n'avait pas peur. Elle s'était promis de ne jamais renoncer à ses rêves, et même si le monde de Clarisse était rempli d'obstacles, elle était prête à les affronter un par un.