Chapitre 5 Chapitre 5

Une douce brise caresse mon visage. Des chants d'oiseaux et des petits cris d'animaux me réveillent en douceur. J'entends des pas arriver vers moi, j'ouvre lentement les yeux et vois Kyonn, courbé au-dessus de ma tête.

-Yo, Shellinka ! Il faut te lever, je t'amène au village aujourd'hui, tu as bien dormi ?

Je l'observe en me frottant les yeux.

-Oui, j'ai étonnamment bien dormi, mais Kyonn, peut-être est-ce trop demander, mais aujourd'hui, j'aimerai que tu me parles davantage de ce monde avant d'arriver au village. Dis-je en me levant rapidement.

Il se frotte le nez, prends une inspiration et s'accroupit.

-Il y'en aurait des choses à dire Miss, mais je ne sais pas si tu es prête à tout entendre.

Il commence par me tendre un petit sac en toile et m'indique une direction dans la forêt.

-C'est par là Shellinka, viens je t'expliquerai en marchant.

Nous entamons notre marche. Il fait un peu chaud et surtout très tropical, mais c'est supportable. Kyonn me regarde à intervalle régulier, j'ai la forte impression qu'il attend que je pose mes questions. Je me lance donc avec la première ;

-Déjà où sommes-nous ? Et comment se fait-il que tu possèdes ces oreilles de chat... ?

-Ça t'a marqué ça, Miss ! Dit-il en rigolant. On va reprendre depuis le début... je suis un Néorian un homme félin, mais dans mon village il y avait aussi des Felandres, ça se sont des hommes à cornes, il y avait même des Anuraan, des hommes serpents ou lézards.

Je fronce les sourcils et le regarde attentivement.

-Okay, Miss, t'as l'air vraiment paumée.

-Disons que tout ça est très étrange et vraiment nouveau pour moi, mais continue s'il te plait.

-Ouais donc je connais aussi les hommes oiseaux, des Altaaris, une légende dit que chaque espèce vient d'une ile différente dans le monde, moi je pense qu'en réalité c'est une ile énorme qui contient tout ce beau monde. Moi et mes frères, plus petit, nous l'appelions ''L'Île Paradis''.

-D'accord, donc si je comprends bien, ici on peut trouver des mi-hommes mi- animaux un peu partout ?

-Oui, enfin, la plupart de ces peuples sont en guerre contre les humains et contre d'autres ''mi-hommes''.

Je m'arrête un instant, je regarde Kyonn avec un air déçu, à quoi m'attendais-je ? Bien sûr qu'ici aussi il y a des guerres, la famine, ce genre de choses. Comme si ce monde pouvait en être dépourvu, je suis vraiment naïve et ridicule.

Je reprends la marche aussitôt.

-Pourquoi sont-ils en guerre avec les humains ? Dis-je attristée.

-Les humains sont tous les mêmes, pour eux, nous ne sommes que des bêtes de foire, tout juste là pour les amuser. Et si ce n'est pas pour jouer les bouffons, ils nous exploitent jusqu'à la mort, pour leurs intérêts.

Je ne connais pas beaucoup Kyonn, mais cette explication puait une odeur nauséabonde de vécu. Je n'ai aucune envie de me fâcher avec lui. Sachant qu'en plus c'est lui qui m'a beaucoup aidé et qu'il continue en m'amenant au village. Mais ils n'avaient pas menti il y'a beaucoup d'informations à digérer, je ne suis pas sûr d'avoir le ventre qui tiendra. Kyonn à maintenant l'air un peu... froid ? J'ai peur d'aller trop loin avec mes questions, mais je dois savoir ou j'ai mis les pieds pour mieux retrouver Kastiel. Mais du coup, une question me trotte dans la tête, pourquoi m'aide-t-il ? Si sur Terre, un homme faisait de telles choses à ma famille, pas sûr que j'aurai encore confiance en quiconque après ça. Et si ''m'amener au village'' était réellement un prétexte pour me découper, me manger ou que sais-je ? Non non, non, il ne m'aurait pas soignée pour me... vendre ?! Au marché noir !

Mon cœur s'emballe.

Impossible, il a l'air si gentil. Mais en même temps pourquoi aiderai-t-il une humaine dans ce cas ?

Réfléchissions.

Je suis une fille seule, dans une forêt j'étais blessée, s'il avait voulu me faire du mal il l'aurait déjà fait ? Non... ?

-Shellinka, tout va bien ? Ton cœur bats très vite.

Etonnée, je baisse les yeux et tente de me calmer.

-Ah... tu peux entendre ça ... ? Dis-je surprise.

-Oui, c'est ce qui fait des Néorians de redoutables chasseurs.

Ça sent mauvais pour moi, il faut vraiment que je reste calme.

J'inspire et j'expire.

Bon. Il me faut lui poser la question, au risque de le fâcher davantage.

J'inspire une dernière fois, ordonne mon idée et la relâche d'un coup.

-Pourquoi m'aider si les humains t'ont fait du mal ?! Dis-je d'une traite avec la voix tremblante.

Kyonn laisse échapper un petit rire, s'arrête puis me regarde.

-C'était donc ça qui t'inquiétait, Miss ? Répond-il en rigolant. Tu sais, toi tu n'as rien fait. Tu étais juste là, une petite chose fragile qui pleurait ouvertement devant moi. C'est presque comme si tu criais ''je suis seule et sans défense''. Chez nous, libérer ses émotions comme ça, c'est uniquement réservé à la famille. Alors même si peut-être tu es de la même race que ces pourris, me venger sur toi ne m'apportera rien, ça ne ramènera pas ceux que j'ai perdu.

De toute évidence, sous cet air de gamin des rues débrouillard, il est très mature et a de vrais principes. Je pense qu'il est quelqu'un de bien, ce qu'il m'a dit m'a l'air sincère.

Mais j'ai du mal à m'en rendre compte, comment est-il possible que sa famille ait reçu un traitement pareil ? Qui régit donc ce monde ? Personne n'aide ces familles ? Me voilà déjà emplie d'un élan d'héroïsme que je ne pourrais jamais assouvir. J'ai envie de le consoler, de lui dire que tout ira bien, mais je ne peux pas, je n'en sais rien. Je ne sais même pas où nous allons. D'ailleurs il serait temps que je lui pose la question. Je commence aussi à avoir faim, j'ignore quelle heure il est mais en me levant je n'ai rien mangé. Je ne sais pas si je peux me permettre de le faire remarquer à Kyonn. Vu l'ambiance instaurée je n'aurai pas envie de créer plus de problèmes. D'ailleurs il marche légèrement devant moi, je ne vois pas son visage, je ne vois pas ses émotions. Je vais essayer d'avoir des informations sur notre destination.

Je m'avance près de lui et le questionne sur le village.

Il me regarde et réponds simplement ;

-Oh, et bien il porte le nom de ''Ténéris'' un joli petit village de paysans.

Il me sourit et continue à marcher.

-Et toi, que feras-tu une fois arrivé ? Dis-je inquiète.

-Et bien je repartirai, j'ai des choses à faire, tu te souviens ?

Et c'est là que tout se complique. Si Kyonn, mon seul soutien jusque-là, part, ça risque d'être problématique pour moi. Je ne connais personne d'autre, j'ai faim et qui plus est je ne suis pas dans mon monde. Dieu sait comment les gens fonctionnent ici, je n'ai pas envie d'avoir à fuir, à être blessée de nouveau. Il faut qu'il reste avec moi. J'ai vraiment l'impression de délirer. Comme si j'avais des hallucinations toute seule. J'ai vraiment envie de revoir une tête que je connais, même l'histoire de quatre secondes, me dire que ce n'est pas juste un énorme cauchemar. Si je perds Kyonn, je perds surement une protection aussi. Mais en même temps, de quel droit je suis en train de réfléchir à lui imposer de rester ici, avec moi. Il a une famille en danger à sauver, surement ce petit frère à revoir. Que faire ? Que dire ? Je ne suis pas dans un jeu vidéo ou une histoire. Si je fais un seul mauvais choix, je perds la partie et c'est fini. Je ne peux lui imposer, mais je peux surement chercher des compromis. Nous arrivons près d'une petite mare bordée par des fleurs mauves et bleu azur. Il y'a des nénuphars sur le dessus et d'autres plantes que je ne connais pas sur les côtés. L'eau m'a l'air légèrement verdâtre. Il y a des petits cailloux et quelques petits poissons au fond.

Kyonn s'assoit sur un rocher, se gratte la tête et me regarde fixement.

-Tu as quelque chose à me dire Kyonn, je reconnais cette façon de t'assoir. Dis-je en premier.

- Oui... Ecoute Shell, il faut que tu te laves.

-Hein ?

-Et bien, le problème c'est qu'on va devoir passer près de la tanière des hommes-loups. Et je reconnais qu'ils sont très rapides. Et ils haïssent les humains, et vu que tu en es une, je n'ai pas envie qu'il t'arrive malheur. Donc lave-toi s'il te plait.

Il se lève et va s'assoir derrière un arbre.

J'observe la mare avec dégout. Je n'ai pas envie d'être nue dans une forêt et me baigner ainsi, c'est si humiliant. Mes mains tremblent, je me sens nauséeuse. Je fixe mes pieds et n'arrive plus à bouger davantage en direction de la mare. J'ai un haut le cœur. Plusieurs longues minutes interminables passent, mais c'est trop pour moi. Je me retourne et vais devant Kyonn. J'affiche un visage de dégout tout en cachant mon corps par reflexe. Il se lève et soupir.

-Bon je suppose que je vais devoir faire ça autrement.

Kyonn me prends dans ces bras. Il me chuchote à l'oreille ;

-Ça ne va surement pas te plaire, mais c'est important, Miss.

Il se met à lécher mon cou délicatement. Puis il va sur mes joues. Avec ces mains, il passe sur mon corps, sur mes hanches. Il caresse délicatement mon dos, tout au long de la colonne vertébrale. Quant à moi, j'ai le nez sur son torse. Il est doux et moelleux, on dirait une couverture. Et son odeur... elle se mélange entre le chat mouillé et le pain d'épice. Mon dieu ce qu'il sent bon... cette odeur me calme. Moi qui me sentais très mal à l'aise à présent j'ai l'impression d'être hypnotisée par son odeur et sa douceur, on s'endormirait presque. Mes yeux sont fermés et je flotte sur un nuage. C'est si étrange... mais si bien. Kyonn me recule très légèrement de lui et me regarde dans les yeux.

-Voilà Miss, j'ai mis mes phéromones sur toi, je t'ai rendue invisible aux autres mâles. Ça va aller, Miss ?

-Euh... o-oui...

Il me prend par la main, nous contournons la mare et nous engouffrons à nouveau dans la forêt. J'ai l'impression d'avoir chaud, beaucoup plus chaud qu'avant et ma vue se trouble un peu. Je suis déjà essoufflée, on vient à peine de commencer à marcher. Je titube un peu. Il faut que je m'arrête.

- Miss, tu n'as pas l'air bien. Dit-il soudainement. J'y suis peut être allé un peu fort avec les phéromones.

Il me porte sur le dos et continue d'avancer. Il saute très haut sur un arbre proche puis saute continuellement de branche en branche.

Je lui susurre à l'oreille ;

-Qu'est qui... m'arrive ?

-Et bien j'ai trop laissé mes phéromones aller sur toi, du coup il se peut que tu sois un peu dans les vapes. Ne t'inquiète pas tu n'es pas lourde, je peux faire quelques minutes de trajet comme ça.

J'ai l'impression de presque voler. Je ressens l'air caresser mes joues et faire voler mes cheveux. Je n'arrive plus à réfléchir, je savoure uniquement le moment présent. Les arbres, les odeurs, tout se mélange et se trouble. Je n'ai même plus peur de tomber, je lui fais confiance. Il est doux et agile, et ces oreilles de chat bougent continuellement, c'est tellement mignon. Je les touche du bout du doigt et constate vraiment leur douceur inimitable. Et à peine ais-je touché qu'il les fait agiter comme pour me dire ''mais qu'est-ce que tu fais ?!'' c'est assez adorable. Mais au fur et à mesure de ses bonds dans les arbres, tél une berceuse, mes paupières deviennent lourdes. Je suis envahie d'un sentiment de paix intérieur. Mes mains touchent l'extrémité des feuilles de certains arbres, mais mon bras pèse à présent une tonne et tombe. Je chuchote un ''merci'' à Kyonn. Il ne répond pas et continue à bondir, je ne sais pas s'il a aimé.

Je ferme les yeux.

Une odeur de viande grillée vient glisser devant mes narines. Elle me réveille en douceur.

Une sensation si familière qui me rappelle ma chambre, avec ma maman, ma sœur et leurs toasts. J'ouvre lentement les yeux.

-Ah tu te réveilles enfin, Miss ! Viens, tu dois avoir faim !

Nous sommes dans un petit coin aménagé dans la forêt. Je remarque Kyonn en train de griller une sorte de petite volaille au bout d'une branche d'arbre sur un petit feu entouré de pierres. Il se sert d'une grande feuille d'arbre mauve pour attiser le feu. Je remarque à côté de lui, une autre énorme feuille contenant un bol en bois, et celui-ci contient une mixture orangée avec des grumeaux roses.

-Tiens mange ! Me dit-il avant de me tendre la branche.

Je la saisis donc et la regarde très attentivement. Si c'est quelque chose que je vais manger, autant savoir ce que c'est. Je renifle la volaille et ça ne sent pas mauvais, j'ai même envie d'y gouter. Je regarde Kyonn avec un air interrogatif ;

-Qu'est-ce que c'est ?

-C'est un oiseau du nom de ''Kubo à queue rouge''. Il existe plusieurs types de Kubo mais ceux-ci sont facilement attrapables, ils aiment bien ce genre d'endroits de la forêt et généralement il se poste au-dessus des arbres uniquement, donc pas difficile à trouver. Et puis tu as dormi à peu près trois heures.

-Oh je vois, et ce bol là-bas ?

Il attrape le bol et me le tend également, je le saisis d'une main et le pose près de moi.

-Ça c'est une soupe sucrée que l'on prend après les repas dans ma famille. Dit-il en souriant.

Très bien et bien je vais essayer de gouter tout ça. J'approche mes lèvres du Kubo et croque dans la chair. L'idée de manger un animal comme ça me rebute, mais j'ai vraiment faim. La première bouche est assez amère mais la viande est très tendre. On dirait un mélange de poulet et de dinde. C'est assez cuit, mais ça manque d'épices selon moi. Maman avait l'habitude de cuisiner très épicé et c'était très bon, même si Paloma n'aimait pas le piquant. Tout le monde mangeait gaiment. Là je constate que Kyonn a vraiment été très aimable, il a tout fait pour moi. Et d'ailleurs... il ne mange pas ?

-Kyonn, et toi ?

-Quoi, Miss ?

-Et bien, tu ne manges pas ?

Il secoue la tête ;

-Non moi je ne mange que le matin et le soir. Ne t'en fait pas, Miss.

-Oh très bien alors...

Je continue mon poulet-dinde sans problème. Étonnamment je ne suis pas plus dégoutée que ça. Je m'attendais à avoir de la peine pour ce pauvre oiseau mais j'ai si faim, je n'arrive pas à penser à autre chose que ''manger''. Même les os ne me dérangent plus, je mange la viande autour que je dépiaute avec les mains si besoin et je les pose au sol. Bientôt avec ma faim de loup, je termine le Kubo, je pose ma branche au sol. Je prends mon bol avec délicatesse et renifle la soupe. Ça sent la pêche et le kiwi mélangé avec une odeur de curry et de menthe ? C'est assez étrange. Je n'ai aucune idée du gout des grumeaux roses. Kyonn me regarde avec des grands yeux, l'air de dire ''Allé, mange ! J'ai envie de connaitre ton opinion la dessus !''. Je trempe mes lèvres dans la soupe et ça va, ce n'est pas si mauvais. Si je devais trouver un mot pour décrire la soupe je dirais ''brouillon''. Finalement, les grumeaux n'ont absolument aucun goût, je suppose qu'ils sont là pour donner de la texture ? Je n'y connais rien en cuisine. Je termine mon bol sans faire d'histoires, et fait part de mes impressions à Kyonn. Il a l'air satisfait et il me reprend le bol.

-Tu as aimé ?

Je hoche la tête.

Kyonn remballe toutes les affaires et nous reprenons aussitôt le chemin.

-Je suppose que tu vas mieux, Miss.

Je hoche la tête à nouveau.

-Bien, alors je vais t'expliquer la prochaine étape. Nous allons bientôt passer devant leur tanière, c'est un gros trou dans un gros rocher. Une légende raconte qu'il faut se présenter à eux, et ils ne viendront pas t'attaquer.

Je hoche la tête une ultime fois.

Nous marchons environ une trentaine de minutes et arrivons suffisamment près pour voir l'énorme rocher et la grande fissure qu'il possède. Kyonn me fait un signe pour me dire d'attendre ici et de regarder comment il procède.

Il avance lentement et arrive devant la gigantesque faille. Kyonn parait si petit à côté. Il dépose sa dague à terre et ploie le genou devant l'entrée de la tanière. Il attend quelques secondes puis fait une courbette et part derrière les buissons un peu plus loin. Il me fait signe de faire la même chose.

J'avance alors, un peu paniquée, près de la grande faille. Mes jambes tremblent un peu. J'essaie de ne pas tomber ni de faire de mouvements brusques. Je m'agenouille à mon tour, tout comme Kyonn. J'ai soigneusement fait attention à me placer exactement où il s'est mis. Je regarde du coin de l'œil Kyonn, il me fait signe de la tête. Mais à la seconde où je tourne la tête un grognement retentit du fin fond de la grotte. Effrayée je prends mes jambes à mon cou, pas le temps de faire des courbettes, je cours auprès de Kyonn. Je fonce sur lui comme si ma vie en dépendait, ce qui est surement le cas. Il me réceptionne dans ces bras et me console.

-Bien joué Miss ! Mais d'ailleurs, je pense qu'il a tout de même senti l'odeur d'un humain, mais nous sommes encore en pleine journée, il n'aurait pas osé t'attaquer.

Je tremble, j'ai vraiment eu peur. Heureusement que Kyonn est avec moi. Il caresse le dessus de ma tête. Kyonn me porte sur ses bras et m'emmène dans les arbres encore une fois.

-Regarde Miss, on est bientôt arrivé. Dit-il avec une voix douce en écartant plusieurs branchages. Le village ne se trouve plus qu'à une quarantaine de mètres d'ici.

                         

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