J'ouvre les yeux il fait nuit. Je me redresse et m'assois, j'ai apparemment dormi sur une cape blanche elle-même sur un gros tas d'herbe. J'ai mal à la tête... j'ai l'impression qu'on m'a donné mille coups de marteau dessus. Une lumière vive sur la droite a attiré mon regard, c'est lui l'homme-chat. Il est près d'un feu, il me tourne le dos et je ne vois pas ce qu'il fabrique. J'aperçois une dague juste à côté de moi. J'ai probablement le temps de la saisir discrètement, au cas où il veut tenter quelque chose, alors je la prends rapidement et la pointe vers lui.
-Oh, ça ? C'était pour te rassurer dès ton réveil. Tu n'avais pas l'air bien. J'ai soigné et pensé tes blessures. Il te faudra éviter les mouvements brusques avec tes genoux. Me dit-il de dos. Comme s'il pouvait me voir même ainsi.
Je repose la dague, me voilà intriguée mais rassurée. Il n'a pas l'air si méchant, finalement.
-Ok, j'ai eu très peur de toi, c'était une erreur. Merci beaucoup pour mes blessures. Dis-je avec un petit sourire.
Il se retourne s'accroupis et pose un petit bol en bois près de moi. Une étrange mixture verte et bleu bouillonne à l'intérieur.
-C'est vrai que j'aurai pu te laisser la bas blessée et parmi les Tisse-Morts et les golems mais je t'ai ramenée ici. Ne t'en fait pas, tu ne me dois rien.
La vérité est que je ne peux pas m'empêcher de fixer ces oreilles qui bougent lorsqu'il parle. Je suis vraiment confuse. La douleur est bien réelle, j'ai affreusement mal aux genoux, à la tête aussi. Tout semble tellement faux. Il m'a dit m'avoir suivie dans la forêt, pourtant je n'ai vu, ni entendu personne.
-Tes oreilles, elles sont réelles ? Et je suis tellement heureuse de ne plus être seule dans cette forêt. Est-ce que tu peux me dire ou on se trouve ? Je me suis perdue, et d'un coup tout est devenu irréel ! Comme un film, tu vois ?
Il me regarde d'un air interrogatif.
-D'accord tout doux la Miss, une chose après l'autre. Pour commencer, je ne sais pas d'où tu viens, mais probablement de très loin si tu n'as jamais vu de Néorians. Ensuite, je ne crois pas souvent des femelles humaines perdues tous les jours, alors pourquoi pas ? Et pour terminer, je ne sais pas ce qu'est un ''film'' et ici c'est la forêt d<<'Allen-Dol>>. D'autres questions ?
Je suis complètement larguée. Soit c'est une caméra cachée extrêmement bien réalisée, soit cette homme est un très bon acteur qui faut beaucoup de rôles dans les films fantastiques, dans les deux cas, la plaisanterie as assez duré, je rentre chez moi. Je tente de me mettre debout avec peine. Mes genoux me font vraiment grimacer de douleur, ils brûlent. Je ressens à chaque mouvement la peau se déchirer. L'homme-Chant me regarde avec stupeur et horreur.
-Hé ! Mais qu'est-ce que tu fais ?!
Il se lève et reste près de moi sans me toucher.
-Tes blessures, Miss ! Tes blessures ! Répète-il paniqué.
Je me tourne vers lui difficilement mais surement.
-Je ne sais pas si tu te fiches de moi, si toute ça est une grosse blague organisée, ou que sais-je d'autre, j'en ai assez. Et il est grand temps que je rentre chez moi. Il y'a des gens qui attendent mon retour. Merci beaucoup pour tes soins et ton hospitalité.
Après mes adieux, je me mets en route tout droit. Je vais forcément retomber sur la maison et à partir de là, je tenterai un nouveau chemin pour rentrer. Un blanc gênant, un vide fulgurant c'est installé entre lui et moi. Je sais pertinemment qu'il me regarde marcher avec peine, mais il ne dit plus rien. Si je peux appeler ça ''marcher'' d'ailleurs. A chaque mini pas, mes genoux me font affreusement mal. Il m'est très difficile d'avancer de nuit, dans ces buissons et ces feuillages. Puis après quelques pas fastidieux, étonnamment prise de regrets assez immédiat, je me retourne, et constate avec surprise qu'il n'est plus là. Il n'est plus au camp, devant son feu. Un petit cri soudain s'échappe de ma part. Il m'a fait basculer en arrière, pour attraper le milieu du dos et les jambes. Le voilà qu'il me portait comme une princesse. Mais à peine ais-je compris ce qu'il m'arrivait qu'il bondit sur une branche, puis une autre et encore une, ainsi de suite, tel un ninja il bondit de branche en branche, tout en me portant. Comment fait 'il cela ? Comme si les branches étaient un trampoline. Ça a l'air si simple. Quand je le regarde comme ça. Mais en même temps, j'ai peur qu'il me jette, qu'il me laisse tomber d'une branche plus haute que les autres. Mais après tout ce qu'il a fait pour moi, même si nous avons peu discuté, quelque chose en moi, as confiance en lui.
Après avoir sauté plusieurs minutes, Il s'arrête finalement au sommet d'un arbre, un immense arbre. Il m'adosse au tronc, de la branche la plus haute de cet arbre. Des petites lucioles mauves et des oiseaux bleus s'y trouvent.
Il s'accroupit, me regarde fixement et intensément.
-La Miss, comment tu te nommes ?
-Et bien moi c'est Shellinka, mais dit moi qu'es-
Il pose sa main sur ma bouche et fronce les sourcils.
-Ne pose pas de questions Shellinka et écoute. Je ne sais pas qui tu es, ni d'où tu viens, ni quel est l'ancêtre que tu appelles ''Père'' celui pour qui tu pries le soir. Mais ce que je sais c'est que tu es blessée et beaucoup trop têtue, et ça, ça passe avant tout. Dit-il d'un ton sec.
Il semble être en colère.
Il enlève ça main de ma bouche et écarte les feuillages. J'y aperçois un minuscule village au milieu de la forêt tout au loin. On voit les petits toits en bois, il y'en a pas beaucoup, je dirais moins de cent habitants.
-Miss, tu vois ce village ? Dès demain je t'y amène si tu le veux. Mais ne meurs pas bêtement en t'entêtant à aller dans ta maison paumée pour rouvrir tes blessures. Tu as dit toi-même que tu es seule et perdue, qui plus est, il fait nuit. Tu piges ?
Je hoche la tête
Son visage s'adoucit.
-Bien.
Il me porte à nouveau comme une princesse, puis reprends le même chemin sur les branches.
Je dois dire que je suis vraiment impressionnée. Tout ce que je vois, tout ce qu'il m'a dit...est finalement peut-être vrai ? Cette forêt, le chat fleuri, les odeurs, les fleurs qui luisent, le champignon doré géant, maintenant cet homme chat. Puis-je me permettre d'y croire ? Même un tout petit peu ? Peu m'importe si finalement tout est faux, ce monde ci me fait tellement rêver, et même l'espace de ce petit instant je me serai bien amusée, aussi court cela aurait-il été.
Nous arrivons au petit camp et il me repose délicatement sur mon petit tas d'herbe. Je le regarde et pointe ma bouche du doigt, il sourit et me réponds gentiment ;
-Oui Shellinka, tu peux parler maintenant. Tout en s'asseyant près du feu et en buvant son bol.
-Et dis-moi, tu as un nom toi ? Dis-je en tâtant curieusement la mixture dans mon bol.
-Kyonn, je me nomme Kyonn.
-Oh ! Kyonn ? C'est très joli, ça vient d'où ?
-Je viens du petit village Néorian d'Iruo, ce sont principalement des paysans, c'est au sud-est d'ici. Et toi, Miss, tu viens d'où ?
Mon regard se fige sur le bol. Mon petit village à moi doit être loin d'ici. Et ''Iruo'' on dirait un nom d'un état américain, je ne sais pas, on dirait une sonorité indienne peut-être. Je pose mon bol et réponds franchement ;
-Je ne sais pas, j'ai l'impression d'être si loin de chez moi. La vérité est que j'ai suivi un ami dans une vieille maison, et je m'y suis probablement évanouie. En me réveillant, j'ai tout de suite constaté que plus rien ne ressemblais à chez moi.
-Miss, peut-être que des bandits t'ont amenés ailleurs pour une rançon ? C'est ce qui est arrivé à une cousine.
-C'est horrible ! Je suis vraiment navrée pour elle...mais je ne pense pas que ça soit mon cas.
Il hoche la tête et hausse les épaules.
-Alors je n'en sais rien. Moi je chassais la Sevirys, et t'ai entendu hurler ''Kastiel'' un peu partout. Je t'ai alors suivie parce que tu m'intriguais. Et puis je t'ai vu t'assoir sur le gros rocher et pleurer toutes les larmes de ton corps, c'était...particulier ?
Par gêne, j'ai couvert mon visage avec mes mains et j'essaie de changer de conversation.
-Et sinon qu'est-ce qu'une Sevirys ? Pourquoi tu chassais cette petite bête si mignonne ?
-Cette bête ''Mignonne'' est très rare, elle vaut donc très cher. Je pensais l'attraper et la revendre à un très bon prix. Avec cet argent, je comptais racheter la liberté de mon village.
Son regard dégage quelque chose d'extrêmement douloureux et une haine profonde. Bien que j'aie envie de lui poser des millions de questions, je pense que je vais me retenir, ça ne me regarde pas et je n'ai pas envie de lui remémorer des choses affreuses qu'il doit en plus, déjà avoir en tête. J'ai aussi très envie de lui venir en aide, mais je ne saurai même pas par où commencer. Qui plus est, je suis d'ordinaire assez inutile dans un peu près n'importe quelles situations. Je ne suis pas très endurante pour la marche, je suis blessée, et je suis principalement contre la chasse. Mais il a déjà tant fait pour moi, peut être que je me dois de lui rendre l'aide qu'il m'a fourni.
-Miss, n'y pense pas trop, et mange. Tu dois dormir, il est tard. Dit-il d'un ton sec.
Je m'exécute en silence. J'attrape le petit bol en bois, et me mets à le renifler, ça sent comme des herbes de Provence, ça sent la châtaigne et la courge en une seule odeur. J'y approche mes lèvres et bois une minuscule gorgée. Ca a un gout de courge, mais qu'on aurait mélangé à un concombre qu'on aurait laissé moisir dans du lait périmé. Mon visage déformé par ce gout exécrable ne doit pas être beau à voir, mais j'essaie de rester la plus neutre possible. Par peur de vomir, je bois la ''soupe'' cul-sec, sans faire d'histoire. Je n'ai rien d'autre à manger, je ne veux pas commencer à faire la fine bouche d'autant que ça serai impoli de ma part.
D'ailleurs, Kyonn as déjà fini de manger. Il aiguise ça dague dos à moi, en silence.
Je ne sais pas trop quoi lui dire. Je m'allonge et je repense beaucoup à Ael, à Kastiel. Je ne sais pas où ils sont, ni ce qu'ils font. Kastiel était dans la maisonnette avec moi, peut-être est-il dans ce monde lui aussi ? Quel serait le meilleur moyen pour le retrouver ? Ael, lui, doit surement dormir vu l'heure qu'il doit être. Il a dû assister à son fichu cours de math, être rentré tout heureux à la maison et réviser les prochains cours gaiement. Maman et Papa, les pauvres, je ne suis pas rentrée de la journée et il est si tard... ils doivent être paniqués. Ils ont surement appelé la police pour me retrouver.
J'entends Kyonn ranger ça dague, se coucher près de moi. Je me sens gênée mais surtout très fatiguée.
Vu le début de journée que j'ai enduré, jamais je me serai pensée capable de dormir à côté d'un inconnu et tout ça dans une forêt que je ne connais pas non plus. C'est dans ce genre de moment, le soir, à l'heure de dormir ou je repense beaucoup à mes regrets et mes rêves fous, mais étonnamment cette fois, je me sens bien. Vu tout ce que j'ai vu, tous les ennuis que j'ai accumulés et une vérité qui m'est venu en pleine face, je ne sais pas comment c'est possible, mais ça l'est visiblement.
J'entends la respiration de Kyonn.
Le feu s'est éteint.
Je ferme les yeux.