Reconquérir mon ame-soeur perdu
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Chapitre 5 Chapitre 5

Les yeux de cette femme semblaient fixés sur les miens. Si je m'avançais, ils se dilataient légèrement, comme pour m'accueillir. Si je m'éloignais, ils se contractaient et me fixaient avec plus d'intensité, comme s'ils voulaient capter mon attention. C'était comme si ce regard cherchait à me dire quelque chose, ou à me rappeler quelque chose.

Au début, je n'ai pas cru que ce que je voyais était réel. Je suis resté fasciné par l'illusion de vie que l'artiste avait su capturer dans son œuvre. Comment une peinture, dont le modèle était mort depuis des siècles, pouvait-elle sembler si vivante ? Seule la maîtrise du peintre pouvait expliquer ce prodige.

Puis, sans prévenir, un sentiment d'angoisse a commencé à me gagner. J'ai eu l'impression que le tableau ne regardait personne d'autre que moi... et qu'il ne le faisait pas par hasard. Ces yeux m'avaient attiré, enchaîné, et maintenant que j'étais piégé, ils semblaient vouloir me juger.

Ce portrait n'était pas une peinture ordinaire. Même si cela défiait la raison, je devais l'admettre. Elle faisait partie de ma réalité, et moi de la sienne. Je sentais qu'elle m'en voulait pour quelque chose, mais je ne pouvais comprendre quoi.

Quelle culpabilité cherchait-elle à faire remonter à la surface ? Quels remords ? Des sentiments de révolte et de désespoir se bousculaient en moi, sans que je puisse les justifier. Je ne savais pas ce qui se passait, mais je sentais que quelque chose d'inexorable était en marche, et je ne pouvais pas l'arrêter.

Mon cœur se serrait de plus en plus. J'ai senti les larmes monter. Devant moi, il n'y avait pas simplement un bout de bois recouvert de peinture ; je n'étais pas face à un tableau, mais à une femme. Une femme morte qui me reprochait d'être vivant. J'ai fermé les yeux.

Dans l'obscurité derrière mes paupières closes, mes muscles se sont relâchés, mon sang battait à mes tempes. Les bruits du musée s'estompaient et je sentais mon calme revenir doucement. Je reprenais confiance, mais je savais que je devrais bien rouvrir les yeux.

Mon rythme cardiaque s'est accéléré et mon angoisse est remontée. J'ai compris qu'il ne servait à rien de lutter. J'étais au début d'une histoire qui m'échappait totalement, je devais l'admettre. Cette histoire, dont je n'étais que le jouet, allait m'emporter, et je ne savais pas encore jusqu'où... J'ai rouvert les yeux.

Le regard était toujours là, fixé sur moi. Avec la même intensité. Alors j'ai compris. En un éclair, tout est devenu clair. Ce regard m'a rappelé un vers de Victor Hugo : «L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.»

Mes jambes tremblaient. J'ai cherché un endroit où m'asseoir et j'ai trouvé un banc. En marchant vers lui, je sentais encore les yeux du portrait me suivre... Ce portrait était bien vivant. Ces yeux-là ne me quitteraient plus, j'en étais certain. Mon cœur battait la chamade : je ne pouvais plus ignorer ce qu'ils voulaient de moi.

Je me suis assis près d'une vitrine où d'autres tableaux de la même époque étaient exposés. Mais ceux-ci étaient figés. Si le peintre leur avait donné des regards profonds, ils n'avaient rien de comparable à celui que je venais de voir.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, abasourdi, les yeux dans le vide. Mais je sais que pendant ces minutes, j'étais ailleurs, dans un lieu que je connaissais parfaitement, où tout m'était familier. Un endroit que j'allais bientôt oublier, mais que je mettrais des nuits à reconstituer...

Mireille m'a appelé. J'ai levé les yeux. Elle se tenait devant le portrait

. Je lui ai dit que je venais de le voir, mais elle a insisté pour que je la rejoigne : «Regardons-le ensemble, c'est justement celui que je voulais vous montrer.» Quand je me suis approché, elle ne s'est pas tout de suite rendu compte de mon état. Elle contemplait le tableau : «Avez-vous vu ce regard !»

Je n'avais vu que lui. Il m'avait bouleversé et je craignais de ne pas avoir la force de l'affronter à nouveau. Je préférais regarder Mireille, qui, une main sur le visage, semblait chercher à percer le mystère du tableau : «Comme elle est belle, dit-elle, on dirait qu'elle veut nous dire quelque chose.» Je n'ai rien répondu, j'avais su... mais je ne savais plus rien. J'ai écouté Mireille.

Elle m'a raconté avec émotion que c'était cette œuvre qui lui avait fait aimer l'art, quelques années plus tôt. En se promenant dans le musée, elle avait découvert ce portrait. Elle avait immédiatement senti qu'elle connaissait le visage de cette jeune femme au regard triste, et avait eu la conviction qu'elle pouvait apaiser son chagrin.

En parlant, Mireille s'est tournée vers moi et a remarqué mon état : «Vous aussi, cette femme vous a touché ?» Mon silence était la meilleure des réponses. Elle a continué : «Je le savais, c'est le même sentiment que j'ai eu en vous rencontrant, une impression de déjà-vu, comme s'il y avait un lien entre vous, moi... et elle.»

Encouragé par celle que je voyais désormais comme une alliée, j'ai fait un effort et j'ai regardé à nouveau le portrait. Ses yeux étaient perdus dans le vague, ils ne me fixaient plus. Quelque chose s'était refermé, la vie s'était retirée. Mireille n'avait pas vu le portrait vivre, j'étais le seul témoin de cette transformation impossible.

C'est à ce moment-là que j'ai senti mon corps s'engourdir. C'était comme si mon sang devenait épais, comme si je me pétrifiais. Je suis retourné m'asseoir, adossé au mur. Mireille parlait de l'effet que le tableau avait sur nous, mais je ne suivais plus la conversation ; je tombais de sommeil. Ma tête a basculé en arrière... et je me suis endormi profondément.

Il fait si chaud, si agréable, tellement confortable qu'il ne souhaite échanger sa place avec rien d'autre... Nul besoin de lui promettre les délices de l'Olympe, le nectar et l'ambroisie, ou les douces mélodies de la lyre d'Apollon, il restera là où il est. Tout est parfait, tout est calme. Il se laisse bercer par une mer de tranquillité, se sentant en équilibre parfait sur un fil qu'il imagine incassable... Et pourtant... le chaos guette à proximité... Tout à coup, sans avertissement, sans préparation : le froid, le bruit, la douleur... le vide... Il est arraché d'un refuge chaleureux et familier ; il est projeté vers un monde froid et hostile. Est-ce normal ? Est-ce toujours ainsi ? Des cris, des hurlements, des femmes en panique, des objets qui tombent et se brisent au sol... Le vent glacial fouette son petit corps, l'air lui déchire la gorge... et voilà qu'il crie lui aussi. Il devient une partie de la douleur qui l'enveloppe. Il oublie le sanctuaire paisible, l'extase et la béatitude de cet endroit de délice d'où il a été brutalement retiré. Mais qui se soucie de lui ? De ce qu'il ressent ? De ce qu'il veut ? Personne. La pièce est remplie de femmes s'affairant, mais aucune ne semble vraiment se préoccuper de lui. Pourquoi ? Il tente d'ouvrir les yeux mais ne distingue rien... Son premier sens à se réveiller est l'odorat, et ce qu'il perçoit en premier, c'est la peur... Qu'est-ce qui terrifie ces femmes ? Est-il lui-même ce monstre qui les effraie tant ? Est-ce lui qui est la cause de tout ce chaos dans cette pièce... Mais est-il vraiment dans une pièce ? N'est-il pas plutôt sur un pont, au beau milieu du Styx ? Prêt à franchir les portes des Enfers ? On le tire, on le saisit sans douceur, on le pousse... il est sur le point d'être jeté dans les flammes éternelles... l'enfer... Non, pourtant non, un souvenir du paradis surgit : cette odeur, cette voix, il les connaît... Oui, on le pose entre les bras de sa mère et son cœur agité se calme... Il réalise que le paradis existe encore, qu'il n'est pas totalement perdu... qu'il est tout proche... « Mon amour, mon enfant » il entend ces mots : « mon enfant » et la sérénité pourrait revenir s'il pouvait rester là, sur le sein de sa mère. Mais non, encore des cris et une autre séparation. Sa propre mère le trahit : « Qu'on l'emmène à son père ». Et le paradis s'éloigne, le froid et le vent l'enveloppent de nouveau. L'enfant n'est plus que souffrance. La voix du père est forte, ses mains sont rugueuses. Il semble robuste, mais soudain, il tremble... est-ce lui ? Est-ce le sol ? Peut-être les deux... Un terrible fracas résonne. Que se passe-t-il ? Un monde est en train de s'effondrer, est-ce le sien ou celui qui l'entoure ?

La poussière, les cris, les larmes, la désolation.

« Vous êtes endormi ? » Mireille me secouait doucement le coude. Elle m'a souri et je crois que je lui ai souri aussi car elle a ajouté : « Ah ! Vous êtes revenu parmi nous ! Vous m'inquiétiez. » Mais je ne comprenais pas tout de suite qui elle était... ces grands yeux... ceux du portrait... J'avais un peu de mal à me reconnecter... que s'était-il passé ? J'étais tellement fatigué.

Je m'étais assoupi quelques instants sur un banc du musée, et en ce court laps de temps, j'ai fait un rêve étrange. Sur le moment, je ne parvenais pas à m'en souvenir, même si j'avais l'impression que quelque chose de flou restait à la surface de ma mémoire. Un sentiment de malaise persistait, comme un arrière-goût amer... pas vraiment un goût de cendre, plutôt de terre...

                         

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