Si seulement il l'avait fait, ils n'en seraient pas là en ce moment. Il entra dans la salle de bain de la chambre d'ami qu'il avait occupé toute la nuit et laissa jaillir le jet d'eau froide sur son corps.
Lorsqu'il en ressortit, Albert se sentait beaucoup plus confiant à l'idée d'affronter cette réalité douloureuse. D'un pas décidé, il se dirigea vers la chambre conjugale et entra sans frapper. Il manqua d'émettre une exclamation d'admiration en voyant Jennifer toute nue, près de son armoire. Ses fesses rebondies, remuaient tout doucement sous l'effort qu'elle faisait pour prendre un habit sur l'étagère de l'armoire. Il n'arrivait pas à détourner ses yeux de la forme de guêpe de sa femme et le pire était qu'il la désirait. Comme si elle avait senti qu'on l'observait, Jennifer se retourna brusquement et poussa un cri en le voyant. Rapidement, elle prit son peignoir sur le lit et s'en vêtit en murmurant des paroles inaudibles. Lorsqu'elle lui fit face, Albert y lut non seulement de la colère mais aussi une profonde tristesse. Il aurait aimé s'approcher d'elle et la prendre dans ses bras mais la situation ne le lui permettait plus.
- Que veux-tu? questionna-t-elle sur un ton agressif.
- Je viens te prévenir que nous partons dans une heure de temps !
- Nous partons ? Mais où ?
- En lune de miel !
Jennifer sentit un brin d'espoir naître en elle.
- Lune de miel ? Mais tu as dit que...
- Je n'ai pas changé d'avis. Je ne peux vivre avec une femme non-excisée, mais pour le moment, je n'y peux rien. Nos parents risquent de se poser des questions s'ils découvrent que nous sommes toujours à Abidjan. Nous partirons pour deux semaines. À notre retour je prendrai une décision.
Tous les espoirs de Jennifer moururent d'un seul coup. Cette nuit, elle n'était pas arrivée à fermer l'œil et sa prière avait été que son mari la rejoigne et lui dise que toute cette histoire absurde n'était qu'une blague mais il n'en fit rien. Elle avait dû passer sa nuit de noces seule à pleurer tous les larmes de son corps.
- Donc tu essaies de me dire que nous allons jouer la comédie pendant deux semaines ? s'offusqua-t-elle.
- Nous irons à Las Vegas ensemble mais nous ferons chambre à part. Il ne s'agit pas d'un voyage romantique, Jen. Je veux juste...
- Oh, j'ai compris ! J'ai très bien compris de quoi il s'agit mais désolée, je n'irai nulle part ! Je refuse de jouer à un jeu aussi ridicule. Si tu veux divorcer, autant le faire en même temps !
- Jen...
- Sors d'ici !
- Jen...
- Fous-moi la paix ! Je te déteste, Albert. Je te déteste ! Pendant toutes ces années, j'ai refusé de me mettre en couple. Puis je t'ai rencontré et tu as tout bouleversé. Je suis tombée éperdument amoureuse au point de faire des concessions pour toi. Je me voyais finir le restant de mes jours à tes côtés. Comment peux-tu penser que les femmes non-excisées sont des dévergondées ? Et qu'est-ce qui te garantit que les femmes excisées sont les plus fidèles ? Tu me déçois vraiment.
Elle s'assit sur le lit et se prit la tête entre les mains. Albert se sentait coupable en la voyant dans cet état mais là, il ne s'agissait pas seulement de ses sentiments.
- N'oublie pas que la santé de ton père est fragile, fit-il en feignant l'indifférence. Il ne supportera pas le fait que tu reviennes au domicile familial le lendemain de ton mariage. Quoi que tu fasses, nous partirons. Tu n'as pas le choix.
- Comment oses-tu ? vociféra Jennifer en le foudroyant du regard.
- Tu as dix minutes pour te préparer car le chauffeur qui nous conduira au jet est déjà prêt.
Il sortit ensuite de la pièce. Jennifer se laissa choir sur le lit en fixant le vide. Elle avait l'impression de vivre un cauchemar qui menaçait de durer très longtemps.
***
Cela faisait une semaine que le couple Coulibaly était en lune de miel à Las Vegas. Ils avaient pris une suite avec deux chambres et chacun d'eux faisait tout pour ne pas avoir à rencontrer l'autre. Albert n'avait eu d'autre choix que de gérer ses affaires pendant ces jours qui auraient dû être des vacances. Tout son plan minutieusement élaboré était tombé à l'eau à son plus grand désarroi. Le fait était que Jennifer venait d'un village situé à l'ouest de la Côte d'Ivoire, où l'excision était très pratiquée. Jamais il n'aurait imaginé que sa femme faisait exception à la règle selon laquelle toutes les filles de ce village devaient être excisées. Lui-même venait d'une famille où l'excision s'était faite de génération en génération. Sa grand-mère maternelle qui était une matrone, lui avait raconté qu'elle avait elle-même excisé sa mère et ses petites sœurs. Elle lui avait fait comprendre qu'il devait à tout prix épouser une jeune femme qui ne dérogeait pas à cette règle. A présent, il avait peur de perdre cette femme qu'il aimait à cause de cette tradition. Que fallait-il faire ?
Jennifer de son côté avait fini par perdre tout espoir en ce qui concernait la prise de conscience de son époux. Couchée dans le lit de sa chambre, elle ruminait ses sombres pensées. Albert l'avait laissé sur sa faim et à chaque fois qu'elle pensait à ce qu'aurait pu être sa nuit de noce sans toute cette histoire, elle ne pouvait s'empêcher de pleurer à chaudes larmes. Elle avait espéré que le fait qu'ils soient seuls, loin de tout, aurait amélioré la relation entre eux mais rien ne se fit. Quelques fois elle l'avait aperçu très tôt dans la matinée aller courir aux environs de l'hôtel qu'ils habitaient et à chaque fois, son cœur s'était serré de douleur. Elle l'aimait pourtant et était prête à tout pour que les choses s'arrangent entre eux mais apparemment, ce n'était pas réciproque, pensait-elle.
Elle soupira et ferma les yeux dans l'intention de dormir mais son téléphone se mit brusquement à sonner. Jennifer plissa le front en voyant le nom de sa mère affiché à l'écran.
- Allô ? fit-elle en décrochant.
- Jenny...
Sa mère avait la voix brisée. Comme si elle avait pleuré.
- Que s'est-il passé ? questionna Jennifer inquiète.
- Ton père...il... il a fait une crise. Nous sommes à l'hôpital depuis hier nuit. Je ne voulais pas t'appeler mais son cas risque d'empirer selon les dires du médecin. Il ne va pas bien du tout...
Sans attendre qu'elle en dise plus, Jennifer bondit hors de son lit et se précipita vers la chambre d'Albert. Lorsqu'il la vit entrer, il plissa le front et s'apprêta à ouvrir la bouche mais elle lui coupa la parole :
- Je dois rentrer tout de suite à Abidjan. Mon papa... il a fait une crise, c'est grave !
Albert se leva d'un bond.
- Mais comment est-ce arrivé ?
- Je...je n'en ai aucune idée. Il faut que j'y aille !
- Tu as parlé à quelqu'un de notre...
- Bien sûr que non ! N'en rajoute pas s'il te plait.
Le pouls de Jennifer battait très vite. Ses parents étaient les seules personnes qui lui restaient. Elle ne voulait en aucun cas perdre l'un d'eux.
- J'appelle le pilote. Nous irons le rejoindre dans peu de temps. Vas vite t'apprêter. Ne t'en fais pas pour les valises, on nous les enverra, déclara Albert en prenant son téléphone.
Sans broncher, elle se dirigea prestement vers sa chambre en priant de toutes ses forces qu'il n'arrive rien à son père.
***
Ils avaient pris le jet privée d'Albert et depuis, Jennifer n'arrêta pas de déstresser. Elle n'avait qu'une envie, s'assurer que son père allait bien et qu'il était entre de bonnes mains. Pendant le trajet, Albert essaya de la réconforter mais elle resta de marbre. La tension entre eux était palpable. Jennifer ne voulait en aucun cas qu'il profite de sa vulnérabilité pour essayer de l'amadouer. Il l'avait blessé avec cette histoire d'excision et elle n'était absolument pas prête d'oublier cela.
- Essaies de garder ton sang-froid Jen..., lui dit-il au bout de quelques heures. Nous y serons très bientôt.
Elle se contenta de hocher la tête. Lorsqu'enfin ils gagnèrent l'aérodrome, un chauffeur les attendait déjà pour les conduire à la clinique. Jennifer en profita pour appeler sa mère et la prévenir qu'elle était de retour à Abidjan.
- Nous y voilà ! fit Albert lorsqu'ils arrivèrent face à la clinique.
Jennifer n'attendit pas qu'il lui ouvre la portière. Elle sortit rapidement du véhicule et entra dans l'enceinte. Elle questionna ensuite la réceptionniste sur la chambre où était son père et s'y dirigea à grands pas. Elle trouva sa mère et Viviane assises sur un banc d'attente, l'air épuisées.
- Maman...
- Jenny ! fit Amélia en se levant pour la prendre dans ses bras dès qu'elle la vit. Pardonne-moi de gâcher ta lune de miel.
- Ce n'est pas grave maman.
"C'en était pas une de toute façon !" ajouta-t-elle in petto.
- Dieu merci que Viviane était à tes côtés tout ce temps.
Albert les rejoignit quelques minutes plus tard et salua respectueusement sa belle-mère ainsi que Viviane.
- Salut mon fils. Ne m'en veux pas de vous avoir appelé, s'il te plaît.
- Ne vous excusez pas maman, répondit Albert en souriant. La santé de mon beau-père avant tout.
Jennifer avait envie de lui arracher les yeux ! Selon elle, il faisait semblant d'être courtois alors qu'en vrai il avait envie d'être à mille lieux de là. Ravalant le flot d'invectives qui lui montaient aux lèvres, elle reporta son attention sur sa mère.
- Asseyons-nous maman et raconte-moi ce qui s'est passé.
- Il a fait un cauchemar cette nuit, répondit Amélia d'un ton las. Il hurlait le nom de Jenifa...ensuite il s'est mis à suffoquer.
Jennifer déglutit péniblement et jeta un coup d'œil rapide à Albert qui avait l'air de ne rien comprendre.
- C'est qui Jenifa ? questionna-t-il.
- Euuh...c'est...
- Personne ! coupa Jennifer alors que sa mère s'apprêtait à répondre. Ce n'est personne.
Albert avait l'air intrigué mais n'argumenta pas.
- Que disent les médecins, Viviane ?
- Que sa tension est beaucoup trop élevée et qu'il va falloir le garder ici pendant quelques jours.
- Il s'en sortira, j'en suis sûre. Maman, s'il te plaît rentre te reposer un peu. Je passerai la nuit avec papa. Viviane et toi devez être très épuisées.
- Non, je vais rester ici. C'est toi qui devrais rentrer te reposer. Tu es venue ici directement après ce long vol et je suis sûre que tu n'as rien mangé avant, riposta Amélia.
Elle se tourna ensuite vers Albert.
- Mon fils, s'il te plaît, conduis ta femme à la maison.
- Non, maman !
- Ne me contredis pas Jennifer. Viviane va rester avec moi, ne t'en fais pas. Tu pourras revenir demain. Maintenant debout et va avec ton mari !
Jennifer n'eut d'autres choix que de lâcher prise.
- Viviane, au moindre pépin, appelle-moi.
- Ne t'en fais pas cousine. Tu peux y aller tranquille.
- Merci.
- Portez-vous bien ! dit Albert à son tour. Nous reviendrons demain très tôt. Surtout soyez forte maman, je suis sûr qu'il s'en sortira.
- Merci.
Ils sortirent tous les deux et montèrent à l'intérieur de la voiture qui les avait tantôt déposés à la clinique.
- C'est qui Jenifa ? questionna brusquement Albert après que le véhicule ait démarré.
- Je pense avoir déjà répondu à cette question !
- Non. Tu n'as rien dit de précis.
- Pourquoi cela t'intéresse-t-il ?
- Parce que je me demande quel lien à cette personne avec ta famille au point que ton père fasse un malaise juste en rêvant d'elle. De plus, vous étiez toutes mal à l'aise lorsque ta mère l'a invoqué. Surtout toi.
- Ce ne sont pas tes affaires.
- Jennifer...
Elle soupira.
- Jenifa était ma sœur jumelle. C'est bon ? Tu es satisfait maintenant ?
- Était ?
- Elle est morte.
- Oh ! s'exclama Albert, l'air surprit. Je suis vraiment désolé. De quoi est-elle morte ?
- Ce ne sont absolument pas tes affaires, Al. Laisse-moi en paix je t'en prie.
- Mais... mais pourquoi m'en as-tu jamais parlé ?
- Parce qu'il n'y avait aucune raison pour que tu sois au courant ! trancha-t-elle d'une voix chargée de colère.
Dès que le véhicule s'arrêta, elle sortit la première et se dirigea à l'intérieur de la villa. Elle entendait les pas de son époux derrière elle et accéléra le pas pour gagner sa chambre mais il la rejoignit très rapidement et la prit par le bras.
- Qu'est-ce qui te prend ? s'écria-t-elle. Lâche-moi !
- Qu'est-ce qui t'arrive Jennifer ? Pourquoi es-tu aussi froide ?
Elle se dégagea vivement et le toisa.
- Tu me pose la question ? Vraiment ?
- Je sais que nous...
- Il n'y a pas de nous Al, il n'y a plus de nous ! Tu préfères ta tradition à notre amour. Tu jettes tout à l'eau sans même penser à nos sentiments. Je passe par un moment difficile à cause des problèmes de santé de mon père certes mais ne pense pas pour autant que je vais oublier toutes ces atrocités que tu m'as dites il y a quelques jours.
- Je voulais juste mettre nos différents de côté pour te soutenir dans ce moment difficile.
- Je n'ai pas besoin de ton soutien ! Et tu n'as pas besoin de faire semblant de t'inquiéter pour moi. Cela ne te va pas du tout !
- Je ne fais pas semblant. Devant tous, tu es ma femme et j'ai le devoir de te soutenir.
- Tu as bien fait de le préciser. Devant tous, je suis ta femme. En vrai, nous ne sommes que des colocataires.
Tout en parlant, elle prit l'escalier en direction de sa chambre.
- Jen, pourquoi ne m'as-tu jamais parlé de ta sœur jumelle ?
- J'ai déjà répondu à cette question !
- Pourquoi tant de mystère ?
- Je ne te dirai rien concernant Jenifa, hurla-t-elle excédé. Maintenant vas t'en de cette chambre ! Laisse-moi Al, je suis fatiguée d...
Avant même qu'elle ne termine sa phrase, il l'attira brusquement à lui et écrasa ses lèvres sur les siennes. Jennifer ne s'était même pas rendu compte qu'il fût aussi près. Dans un élan désespéré, elle noua ses bras à son cou, répondant à ce baisé brulant. Le baisé s'approfondit et elle sentit sa main glisser dans son dos. Jennifer ouvrit brusquement les yeux, ramenée à la réalité. Elle se dégagea de son étreinte et lui asséna une gifle retentissante. Pendant quelques secondes, ils se fixèrent en broncher, respirant comme s'ils avaient couru un marathon. Sans broncher, Albert finit par tourner les talons et sortir de la chambre. Elle s'empressa de fermer la porte derrière lui et s'écroula au sol en pleurant.
***
Cette nuit, comme pour les précédentes, fut des plus longues pour Albert. Il se réveilla à l'aube et alla faire son jogging matinal. Il faisait son possible pour oublier ce qui s'était passé entre lui et sa femme la veille, même si cela n'arrêtait pas de le bouleverser. Il ne savait quoi faire pour arranger les choses sans toutefois la perdre. Essoufflé et fatiguant d'avoir couru autant, il se décida à rentrer chez lui afin de prendre une douche et se rendre à son entreprise. Lorsqu'il ouvrit la porte de la maison, Albert vit Jennifer qui était assise sur l'une des marches de l'escalier, comme si elle l'attendait. Il fit mine de ne pas la voir et se dirigea vers le minibar tout en se disant qu'il faisait assez tôt pour boire. Qu'importe ! dit-il en son for intérieur.
- Al..., chuchota Jennifer en le regardant prendre un verre.
Il ne répondit pas sur le champ.
- Al... ! reprit-elle un peu plus fort cette fois-ci.
- Quoi ?
- Je..., commença-t-elle en évitant son regard. Je suis désolée de t'avoir giflé hier. C'était vraiment très déplacé de ma part. Je viens m'excuser.
- Tu penses que ça va changer quelque chose ? questionna-t-il en posant son verre, n'ayant soudain plus envie de boire.
- Non mais...
- Oublies ça ! trancha-t-il.
- Ok.
Jennifer se leva dans l'intention de regagner sa chambre mais il l'interpella. Il se retourna ensuite et lui fit face pour la première fois.
- Tu n'as rien mangé depuis hier.
- Je n'ai pas faim !
- C'est comme tu veux. Tu as des nouvelles de ton père ?
- J'ai appelé maman dès mon réveil. Elle dit que l'état de papa s'est amélioré cette nuit.
- D'accord. J'ai un truc à te dire.
Jennifer plissa le front.
- Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je ne veux plus divorcer ! lâcha-t-il rapidement.
- Quoi ?
- Pas pour l'instant.
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Il n'y a pas si longtemps que ça, tu criais sur tous les toits que jamais tu ne vivras avec une femme non-excisée !
- Tu vas me laisser parler ?
Elle se tut mais le toisa sévèrement.
- Assieds-toi.
- Je suis bien debout.
- Arrêtes de faire la gamine ! Je veux qu'on discute comme les adultes responsables que nous sommes.
A contre cœur, elle le suivit jusqu'au fauteuil et s'assit.
- Très bien. J'ai pris le temps de réfléchir, Jen.
- Et je peux savoir quand tu as daigné le faire ?
- Arrêtes d'être sarcastique. Je fais vraiment des efforts et tu devrais me comprendre un tant soit peu.
- Te comprendre ? fit Jennifer en ricanant. Je t'écoute mais sache que si la discussion prend une tournure que je n'aime pas, on arrête tout de suite. Je suis trop fatiguée pour me chamailler avec toi, Al.
Albert soupira.
- Comme je le disais, j'ai pris le temps de réfléchir et je pense avoir trouvé une solution. Une solution qui nous arrangera tous.
- Il n'y a que le divorce qui nous arrangera tous, Albert. Tu ne veux plus de moi parce que je ne suis pas excisée, c'est un fait. Je ne veux pas me remettre à jouer à des jeux bizarres avec toi. Genre faire comme si de rien n'était et que nous sommes toujours le couple parfait, alors que tout va mal. Ne compte surtout pas sur moi si c'est un truc du genre.
- C'est un truc du genre.
- Non.
- Ecoutes au moins ce que j'ai à dire...
- Je ne veux rien entendre. Si tu préfères ta tradition à moi, cela n'est pas grave, c'est ton choix. Mais tu ne me forceras jamais à rester dans un mariage voué d'avance à l'échec.
- Nous étions heureux avant...
- Avant que tu ne te décide à tout détruire ! coupa Jennifer en se levant. Al, je suis vraiment fatiguée de tout ça. Je m'attendais à vivre le parfait amour avec l'homme que j'aime mais là, il est bien clair que je me faisais des films.
Elle prit ensuite la direction de l'escalier.
- Je ne te connaissais pas ce côté borné et têtu, Jen. Laisse-moi au moins t'expliquer ce quoi il s'agit, lui lança-t-il au moment où elle se met à gravir les marches.
- Non et non. Cela montre juste à quel point nous ne nous connaissions pas. Très bientôt, je libérerai ta maison. Tu n'auras plus à t'encombrer d'une femme non-excisée qui te dégoûte !
Furieux, Albert attendit quelques secondes et se décida à la suivit jusqu'à leur chambre à coucher. Il ouvrit la porte à la volée, pile au moment où Jennifer s'apprêtait à se déshabiller.
- Je peux savoir pourquoi tu entre toujours sans frapper ? s'écria-t-elle en le voyant.
- C'est aussi ma chambre ! répliqua-t-il en s'efforçant de garder son sérieux alors que le simple fait de l'imaginer nue le troublait profondément.
- Elle ne l'est plus depuis le jour où tu en es sorti comme si tu avais le diable à tes trousses. Écoute, Al. Jusqu'ici j'ai toléré cette cohabitation forcée parce que nous n'avions pas eu le temps de discuter comme il le faut, mais je sais que notre divorce est incontournable. De ce fait, je vais retourner chez mes parents, vu que j'ai déjà vendu mon appartement. Nous règlerons cette histoire par le biais de nos avocats.
Il fit quelques pas et s'arrêta à quelques mètres d'elle.
- Je t'ai dit tout à l'heure que je ne pense plus divorcer mais on dirait vraiment que tu ne veux rien comprendre à ce que j'essaie de te dire.
- En effet oui !
- Tu le devras pourtant ! Ecoute, je sais que c'est une situation est difficile mais nous n'en serions pas là, à chercher un compromis si tu m'avais expliqué les choses comme il le fallait.
- Donc c'est de ma faute ? s'écria Jennifer offusquée. C'est de ma faute si tu vis entre deux siècles ?
Il se passa impatiemment une main sur le visage et essaya de prendre un ton posé.
- Arrêtons de nous chamailler s'il te plait. Je voulais te proposer quelque chose. Jen, je t'aime. Tu sais très bien que tu comptes beaucoup pour moi mais je suis face à un dilemme. Mes parents risquent de très mal réagir si jamais ils apprennent que tu n'es pas excisée. Ma grand-mère était une matrone. Tu comprends ce que cela veut dire pas vrai ?
Elle ne répondit pas, se contentant de le regarder d'un air triste.
- J'ai pris une décision mais à toi de voir si elle te convient. Je n'ai pas trouvé mieux, Jen. Je voudrais que... eh bien... c'est vrai que notre mariage est voué à l'échec mais hier en voyant ta mère à l'hôpital, j'ai été vraiment touché. Ton père ne va pas bien et même s'il sort de l'hôpital, il faudra qu'il se repose beaucoup. Pour cela, je propose que... que nous restions mariés six mois. Le temps que la santé de ton père s'améliore et que ta mère se détente. Je ne le fais pas dans mon intérêt mais c'est en pensant à toi et à ta famille. Évidemment, nous continuerons à faire chambre à part. Aux yeux de tous, nous devrions jouer au couple parfait mais lorsque vous serons seuls, pas besoin de faire semblant.
Jennifer ne savait pas quoi répondre à une telle déclaration. S'il y avait une chose qui était claire à ses yeux, c'était le fait que son époux était déterminé à protéger et respecter ce qui appelait tradition.
- Je te laisse le temps de bien y réfléchir mais avant, je vais te déposer à la clinique et j'irai ensuite au boulot. J'espère que tu feras vite, conclut-il avant de quitter la pièce.