Les grands rabbins en un tout petit nombre utilisaient un rite obscur, dont même l'écriture et la sémantique orale différaient de leur langue et de leur écriture courante.
Son nom divulgué sous la torture par une femme d'une peuplade voisine des juifs s'intitulait : « la Kabbale », ou le pouvoir du mot lu et prononcé.
- Ereka
Cette vieille femme avait pleuré, crié, en rage, et rendue résignée suite à plusieurs jours d'une torture sans nom.
Ses ongles de pieds et de mains avaient d'abord été arrachés.
Deux jours plus tard, en plus de la faim et de la soif, ses oreilles avaient été tranchées, et le maître des supplices s'était occupé ensuite de toutes ses muqueuses, comme l'utérus, les aisselles, le pubis, et ses seins tout autour des tétons.
L'opération dura 2 jours pour que la patiente comme disait le bourreau, ressente bien la douleur qui devait lui ouvrir l'esprit.
« De l'esprit de la douleur vient la vérité ! » lui disait-il.
Puis il avait recouvert de tout de mousse d'urine de rat. Cela dura un jour.
Elle jura qu'elle ne connaissait pas leur écriture, et ce dans des intonations cycliques et intenses en fonction de la douleur qu'il lui infligeait.
Ereka vivait dans leur village depuis sa plus tendre enfance, car elle avait été recueillie par le grand rabbin, suite au décès brutal de toute sa famille lors d'une razzia de bandits.
Son protecteur ne lui avait jamais enseigné ni leur écriture, ni enseigné leur foi, et encore moins un quelconque rite secret, qui dans tous les cas étaient réservés à une élite de haut rang juif. Si ce rite existait, il devait être réservé à des rabbins de haut rang.
Dans l'esprit de son bourreau, elle en avait trop dit dans cette phrase, car cela signifiait qu'elle savait de quoi on parlait, et qu'elle avait des choses à dire sur le sujet
Elle allait cracher la vérité. Il ne dit rien, le temps était de son côté.
Il ne lui dit que ceci :
« Mon nom est Deferis, et je suis bourreau comme toute ma lignée.
Je te ferai cracher par ton sang la vérité.
Tu ne mourras que quand nous l'aurons décidé, moi, et le maître des soins.
Quand nous aurons ce que nous voulons de toi, nous t'autoriserons à mourir.
J'ai tout mon temps pour que tu aies peur même d'un peu d'eau. »
Ereka criait qu'elle était chargée du ménage et du soin de ses vêtements, de la nourriture, et un peu de plantation et d'élevage.
Ses journées étaient pleines, et elle n'avait dans tous les cas pas le temps de s'occuper des affaires privées du rabbin.
Les rouleaux de leur religion étaient enfermés dans une armoire fermée avec une clé qui ne quittait jamais son maître.
Le supplice de la goutte d'eau allait maintenant lui être réservé.
Les maîtres égyptiens partaient du principe qu'une femme est curieuse, et ce depuis sa plus tendre enfance, et ils étaient persuadés qu'elle épiait les réunions, qui étaient par les témoignages précédemment recueillis, secrets, et obscurs.
Elle ne pouvait pas ne rien savoir. Elle était la plus proche du vieux.
Quand il avait été tué dans ce village, les soldats étaient tombés en pleine nuit, sur un de ces rites secrets, et la langue juive écrite était quelque chose que le Grand Prêtre voulait en plus des esclaves.
Ils avaient déjà ramené plusieurs rouleaux.
Ainsi, la goutte d'eau allait être son châtiment ultime car, enfoncé dans la folie, l'individu, ne disait que quelques mots de vrai avant de sombrer dans les enfers.
Cela faisait 10 jours qu'elle était en maintien de vie grâce à des potions et des onguents.
Seuls sa bouche, ses yeux, et sa peau avaient été en partie épargnés.
On voyait certains muscles par moment sans peau, à nu, en plus des tendons ouverts.
Pour l'ultime supplice, ils avaient fait monter à 4 mètres de haut un grand réservoir rempli d'eau avec un goulet très étroit et bouché par de la paille.
Ereka avait été jetée, après que son dos et l'arrière de ses jambes aient été entièrement tailladés, dans un sarcophage concave, d'où seules sa tête et ses chevilles dépassaient.
Il avait à la base été enduit de beaucoup de miel, et recouvert de coquillages grossièrement écrasés.
La tête et les pieds d'Ereka étaient légèrement tendus par un système de cordage.
L'idée était qu'elle ne trouve aucun confort avec les coquillages.
Ses sinus étaient dans la meilleure position pour la goutte d'eau.
À un moment donné, une goutte tomba et Ereka la vit, la sentit, et elle lui fit du mal entre les deux yeux. Et cela se déroula ensuite toutes les dix secondes.
Le Grand Prêtre apporta au maître des supplices un pot dans lequel il plongea un chiffon en forme de torche.
Ereka sentit immédiatement l'odeur caractéristique de ce dont il s'agissait.
Elle avait espéré que le maître des soins allait lui donner un onguent fait à base de plantes qui faisaient entrer dans des mondes parallèles mais enlevait en fait la douleur.
Ces drogues étaient utilisées dans toute la région pour ses capacités chamaniques, et divinatoires.
La seule restriction était qu'en fonction d'un mauvais dosage, les personnes non averties tombaient dans la folie.
Pour beaucoup, leur esprit restait captif du monde dans lequel ils étaient entrés.
Les juifs avaient depuis longtemps banni de leurs rites ces plantes, leur privilégiant la concentration, et des techniques de respiration alternées dans leurs prières.
La divination était la forme la plus avancée de ces rites initiatiques.
Mais non, la substance d'un vert profond et gluant était en fait de la bave de crapaud.
Déjà, ses yeux pleuraient car elle savait qu'elle allait mourir aveugle dans la pire douleur pour son esprit et son âme.
Le vieux maître des supplices était un vieil homme mince et chauve. Sa peau était parcheminée, mais il laissait paraître des muscles noueux.
Sa bouche mince était noire comme un stylet d'écriture.
Des symboles inconnus étaient peints sur tout son corps.
Chez les Égyptiens, ces symboles sacrés les protégeaient des malédictions et prolongeaient la vie.
Il pencha son visage vers celui d'Ereka, et il la regarda avec des yeux vides, morts.
Il semblait sourire de compassion.
« Ce supplice de la goutte d'eau », commença-t-il, qui énervait et faisait mal à Ereka depuis plusieurs minutes déjà, « n'est efficace que si tu peux voir la goutte tomber sur toi, petite créature.
Nous n'allons pas gâcher ton plaisir et le nôtre quand même. Ah oui, j'oubliais. »
Il appliqua alors le tissu imbibé de venin de crapaud sur ton son corps déchiré.
Elle tomba d'évanouissement immédiatement.
Cela faisait plusieurs jours qu'Ereka perdait connaissance régulièrement, entre la peur, la faim, la soif, et surtout la douleur.
Ses côtes étaient brisées à cause des coups de bambou, sans compter les brûlures et les liquides sur ses plaies.
Mais elle n'arrivait pas à s'endormir définitivement.
Même sa volonté de mourir lui était interdite.
Son âme aussi se meurtrissait de tant de volonté de vivre.
À son réveil, on la força à boire et à avaler une pâte amère mais revigorante.
La goutte tombait toujours.
Deux gardes enflammèrent un gros panier fermé avec un embout qu'un des deux ouvrit en s'approchant du cercueil d'Ereka.
Les coquillages faisaient leur travail, car quand la goutte tombait, son corps était secoué par réflexe, et donc son dos lacéré de part en part s'enfonçait dans les coquillages.
« Si tu ne me dis pas tes petits secrets, tu vas le leur dire à elles, et je te tue de mon poignard immédiatement. Parle et tu vas mourir enfin.
Soldats ! Posez-les ! »
Un des gardes prit une torche pour allumer la paille, et il en sortit une multitude de fourmis rouges qui fuyaient le feu et qui tombèrent dans le sarcophage.
Le sucre des abeilles attira immédiatement l'attention des fourmis rouges.
Les fourmis se ruèrent sur le corps pour aller manger, en cherchant le meilleur moyen pour y parvenir. Mais il leur fallait un garde-manger.
En haut d'elle se trouvait une fourmilière toute trouvée, et en plus cet habitat était de la même couleur qu'elles.
« Dalle... objets... Kabbale... démons... sang... folie... mort... »
Ereka avait été égorgée quand ses derniers mots raisonnables s'étaient étiolés de sa bouche.
Le Grand Prêtre faisait semblant de n'avoir rien appris.
« Tu trouveras sous une dalle des objets ou des démons », dit Deferis au maître des dieux. Mais où ? Impossible de le savoir. »
Il disait que c'étaient sûrement les fourmis qui l'avaient définitivement rendue folle
L'art de mentir était à l'honneur devant le maître des soins et des supplices.
Deferis dit à ses gardes nubiens de tout faire laver et de la jeter au crocodile, mais pas à ses chiens car la femme était pleine de poisons.
« Et amenez-moi à manger et à boire dans mes appartements avec deux femmes.
Et je les aime noires, pucelles, et avec de gros seins. »
Un jour et demi et une demi-lune plus tard, le Grand Prêtre en savait plus qu'il ne l'imaginait.
Deux évidences lui étaient apparues.
La première est qu'il se tuerait s'il devait être la victime du maître des supplices.
La seconde, c'est qu'il jalousait les juifs d'avoir un dieu si puissant, et qui existait.
Il en avait la foi.
Lui, était le Grand Prêtre de dieux qui n'existaient pas.
La foi des juifs était une arme plus dangereuse que toutes les armées égyptiennes.
Ce peuple naïf et docile était d'une telle puissance que l'Égypte décadente n'y survivrait pas.
Déjà, les Égyptiens renâclaient à leur faire du mal.
Toutes les strates de la société égyptiennes étaient contaminées par les valeurs de leurs esclaves.
Les enfants illégitimes posaient des problèmes de succession.
Des nobles préféraient gâter leurs maîtresses juives que leurs femmes légitimes et égyptiennes.
Nombreux étaient les Égyptiens qui s'échappaient des lieux de pouvoir, et s'installaient dans les provinces pour vivre leur vie sans les représailles, les jalousies, et les complots de meurtre.
La sédition grondait comme un ciel parsemé de nuages épais, et qui soudainement s'assombrissaient par un vent puissant venu du désert, claquant de tonnerre, et délestant des vagues de pluie dans la société.
Tous les rois devaient à chaque règne faire taire les révoltes internes dont l'intensité était fluctuante.