Elle sortit rapidement de la gare qui n'était déjà pas grande et regagna l'arrêt de bus. Un rapide coup d'œil sur les horaires, le prochain bus arriverait dans 1h 17. Elle décida donc de marcher de toute façon, l'école était à une vingtaine de minutes de la gare et depuis l'endroit ou elle se trouvait, elle pouvait apercevoir les cloches de l'église qui jonchait l'école.
Aika marchait depuis quelques minutes lorsqu'elle s'aperçut d'une chose, elle avait croisé très peu de monde mais à chaque fois qu'elle levait la tête sur les bâtiments, elle voyait des personnes à leurs fenêtres qui l'observaient.
Bon ce sont là sans doute les choses qu'on voit dans un petit village, les personnes âgées qui n'ont pas d'activités sont souvent des commères se disait-elle. Elle finit par arriver devant l'établissement. Elle sonna et c'est la secrétaire qui vint lui ouvrir. Elle s'appelait Sophie et c'était un rayon de soleil cette dame, elle arborait un large sourire.
-Sophie : Ahhhhh madame Oyané, bienvenue ;
Elle prit la valise d'Aika et l'invita à la suivre dans le bureau de la directrice.
Sophie : On a vraiment eu beaucoup de chance que vous ayez accepté, la dame que vous remplacée n'a pas duré huit jours et vous savez nous sommes un établissement privé, les parents ils payent et donc sont plus exigeants, il nous fallait à tout prix une nouvelle enseignante, voila le bureau de la directrice , entrez.
Aika appréhendait de la revoir car elle ne se sentait pas à l'aise en sa présence mais elle n'avait pas le choix.
Contrairement à ce à quoi s'attendait Aika madame la directrice la reçu avec un énorme sourire.
-La directrice : Entrez madame Oyané, Sophie apportez nous du café svp. Vous allez bien ?
-Aika : Ça va merci.
-la directrice : je sais que la collaboration entre nous avait mal débuté, mais je tiens à repartir sur de nouvelles bases.
Aika ne sut pas trop quoi lui répondre, elle acquiesça juste de la tête, alors la directrice lui sortit le contrat de travail qu'elle signa après avoir menti de l'avoir lu. Elle s'en foutait totalement de toutes cette paperasse, elle voulait juste un boulot et un toit sous sa tête.
La directrice lui expliqua ses prérogatives, lui donna plusieurs manuels et de nombreux documents, elle les prit sans lui poser une seule question. De toute façon, que pouvait elle bien demander ? Lors de son entretient, les deux femmes avaient abordés toutes les questions même celle concernant le salaire ; donc Aika voulait gagner du temps.
A la fin de l'entretien, Sophie revint chercher Aika pour lui faire faire le tour de l'établissement. Elle avait pris le soin de ranger les documents et les affaires d'Aika dans son bureau. Elles sortirent du bâtiment de l'administration par une petite porte dérobée et entrèrent dans le collège.
Sophie emmena directement Aika dans sa salle de classe qui était vide.
-Sophie : C'est ici que tu vas enseigner toutes tes classes, tu as vu ton emploi de temps ?
-Aika : Oui oui
-Sophie : T'inquiète pas, les élèves sont supers gentils, tu vas les adorer. Vient, je vais te montrer la salle des professeurs.
Elles entrèrent dans un autre bâtiment, il n'y avait personne dans les couloirs ni dans la cour sans doute dû au fait que c'était une heure de cours. Arrivé dans la salle des prof, Sophie fut appelée à l'accueil par une collègue, laissant Aika toute seule dans la salle et brusquement la porte s'ouvrit. C'était un monsieur, il resta devant la porte, Aika eut juste le temps de lui dire bonjour avant d'entendre.
« Encore une nègre, décidément on est pas sorti de l'auberge »
Puis il referma la porte sans rien rajouter.
Aika était abasourdie et au même instant Sophie réapparut.
-Sophie : Allez vient je vais t'installer dans ton appartement.
Le mot appartement lui remit les idées en place et ne dit mot de ce qui venait de se passer.
Lorsque la porte s'ouvrit, Aika n'en revenait pas, c'était le plus grand appartement qu'elle avait jamais vu de toute sa vie. Il était au derniers étages du bâtiment administratif et était entièrement meublé.
-Sophie : Entre !
-Aika : ohh c'est grand
-Sophie : Oui oui , c'est plus de 100m carré, c'était le logement réservé à la directrice, mais elle ne vit pas ici, elle monte de temps en temps lorsqu'elle est épuisée se reposer ou prendre une douche mais maintenant elle ne le fera plus. Bon je te laisse t'installer, et comme la directrice te l'a dit vu qu'on est jeudi, tu ne commenceras que lundi, le temps de t'adapter et de préparer tes cours.
-Aika : Ok
-Sophie : Bon j'y vais, si tu as besoin de moi n'hésite pas à descendre
-Aika : Ok , merci Sophie
-Sophie : De rien, à plus.
Lorsque Sophie referma la porte derrière elle, Aika réalisa à quel point il était vraiment grand cet appartement. Le couloir était grand, plus grand que son appartement d'étudiant. Elle se sentait subitement toute petite et très seule.
Elle avançait lentement dans cet immense couloir lorsqu'elle vit la première chambre, la porte était grand ouverte et le lit bien dressé comme s'il avait été fait le matin même. Ça ne lui donna la chair de poule, elle ne sut pas pourquoi. Elle continua d'évoluer, lentement puis tomba sur la douche, puis les toilettes, puis une porte qu'elle n'arriva pas à ouvrir.
Lorsqu'elle regarda à gauche elle vit une porte fermée, elle l'ouvrit et tomba sur une autre chambre, celle-là, le lit semblait n'avoir accueilli personne depuis belle lurette, elle décida de poser ses bagages là.
Sa première action fut d'arranger le lit avec le seul drap qu'elle avait prit soin d'emmener. Une fois fini, elle s'assit, puis s'affala ; la journée avait été longue.
***
Elle se réveilla en sursaut, la pénombre avait recouverte toute la maison. C'était en hiver et la nuit tombait très vite. Elle se leva et alla allumer la lumière de la chambre puis revint s'assoir sur le lit. Il y avait plusieurs appels en absence de sa mère et deux messages venant de Ngoye
Elle ouvrit le premier
« Je constate que tu es enfin partie. Toi-même tu l'as compris ça ne pouvait plus marcher entre nous. Je te souhaite bonne chance et pense à me renvoyer mes clés et la bague de fiançailles par la poste. Bonne soirée »
« Je m'occupe d'expédier tes affaires, des que tu as une adresse, fais moi signe, évite de te déplacer inutilement »
Le cœur d'Aika se mit à battre la chamade, c'est vrai qu'elle était exaspérée par l'attitude de Ngoye mais de là à rompre, elle ne pensait pas que son couple allait si mal.
Elle lança l'appel et Ngoye décrocha au bout de la troisième sonnerie.
-Ngoye : Allo !
-Aika : Qu'est-ce que tu me racontes là ? Ngoye c'est quoi ces messages que je viens de lire ?
-Ngoye : Mais je pense qu'ils étaient suffisamment clairs non
Il lui parlait avec condescendance, Aika pensait être dans un mauvais rêve.
-Aika : Attend Ngoye c'est à moi que tu fais ça ?
-Ngoye : Aika faut pas en faire tout un drame dans la vie les gens se rencontrent, s'aiment et se séparent, ça arrive tous les jours.
-Aika : Mais si tu savais que tu devais rompre avec moi, pourquoi m'as-tu demandé de tout laisser Ngoye ? comment peux-tu être méchant à ce point ? Tu sais ce que je traverse comme difficulté depuis ce jour-là ? Est-ce que tu peux imaginer la souffrance dans laquelle je suis ? sais-tu même ou je suis actuellement ?
-Ngoye : Sans doute chez ta cousine à Paris
-Aika : Elle n'a pas accepté de me prendre chez elle
-Ngoye : Ahh mais là tu vas faire comment ? J'espère que tu ne comptes pas revenir chez moi hein, je ne peux pas t'accueillir je t'ai déjà expliqué.
-Aika : Ngoye tu es vraiment très mauvais, à quel moment tu es devenu comme ça ? Qu'est ce que j'ai bien pu te faire pour que tu te comportes ainsi avec moi ? ohhh mon Dieu !
-Ngoye : Aika je suis vraiment désolée de la situation que tu traverse actuellement, j'ai ma part de responsabilités si tu veux, mais je ne t'ai pas mis le couteau sous la gorge pour que tu quittes ton travail. Je te l'ai demandé et si tu ne voulais pas, tu ne l'aurais jamais fait, donc si tu es venu c'est parce que tu voulais venir, mais bon si ca te plait de me faire passer pour le méchant alors j'accepte.
Aika était à cours de mots, elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait
-Ngoye : Bon je vais te laisser et n'oublie pas dès que possible renvoie moi la bague et les clés stp, bonne nuit.
-Aika : Donc si je te suis bien, tu n'as jamais eu l'intention de déménager, est ce que tu avais même vraiment perdu ton travail ?
-Ngoye : Bonne nuit Aika !
Il raccrocha.
Aika se sentait perdue, elle sortit de la chambre et se dirigea vers la douche, elle lava son visage comme si elle voulait se réveiller de son cauchemar. Se séparer de Ngoye, elle n'y avait jamais pensé et là ca lui tombait dessus comme ça, elle devait en parler à sa meilleure amie Brenda, elle lança l'appel mais ça ne sonna pas car elle avait déjà un appel entrant, c'était sa mère.
-Maman : Madame depuis l'après-midi je tente de te joindre, tu ne décroches pas, c'est comment ?
-Aika : Je dormais
-Maman : Je dis hein Aika, tu es allé faire quoi chez Hélène ?
Aika était étonnée, sa mère était déjà au courant de ce qui s'était passé
-Maman : Tu ne réponds pas hein ? Imbécile, je t'ai dit quoi par rapport à elle. Aika, à par moi tu n'as pas de famille, tu veux que je te le dise en quelle langue ?
-Aika : Mais maman j'étais dans la merde
-Maman : Tais-toi vilaine, tu es dans la merde c'est moi ta mère que tu appelles et pas Hélène. Mais ma fille quand vas-tu comprendre que ces gens là ne nous veulent pas du bien ? Quand ?
-Aika : Excuse-moi maman ! Je suis désolé
Ces paroles apaisèrent un peu la colère de la mère d'Aika
-Maman : Tu es dans quelle merde ?
-Aika : Maman Ngoye ne veut plus de moi, il m'a demandé de partir de chez lui
A présent elle pleurait à chaudes larmes.
-Maman : Aika arrête de pleurer
-Aika : maman je ne sais quoi faire, j'ai trop mal
-Maman : Ça va aller
- Aika : j'ai l'impression que ma vie est finie
-Maman : Non c'est là même que ça vient de commencer
- Aika : Pourquoi il m'a fait ça maman ? Pourtant je lui ai tout donné, tout
-Maman : c'est justement parce que tu lui as tout donné qu'il a fait ça !
-Aika : Hein !
-Maman : Mais oui ! Ton animal de Ngoye là moi je t'ai dit quoi quand tu m'as dit qu'il voulait que tu démissionnes ?
-Aika : Tu m'as dit qu'il ne m'aimait pas
-Maman : Et je t'ai dit quoi par rapport au fait de partir vivre avec lui ?
-Aika : que je ne devais pas le faire
-Maman : Voilà, maintenant aujourd'hui on en est où ? Quand je te parle ma fille il faut écouter. Mais tu es même quel genre de fille ? tu as déjà entendu qu'une fille quitte tout pour un copain, un copain, où ? Et quelle qualité même de copain, Ngoye.
-Aika : Il m'avait fiancé maman
-Maman : Je m'en fou de ça ! Ton Ngoye là je t'ai toujours dit qu'il ne te mérite pas, maintenant tu vois ce qui se passe. Maintenant tu vas faire comment ? moi je suis loin ma fille, je fais comment ? alors que toi tu es dans les problèmes en France, pourquoi tu n'as pas pitié de moi ;
-Aika : ...
-Maman : Là tu es où ? tu vas dormir à la belle étoile ?
-Aika : Non maman j'ai peu avoir un logement. La bonne nouvelle c'est que j'ai pu avoir un boulot et avec une possibilité de logement. Tu te souviens que je t'avais dit que j'avais raté un entretien dans une école non ?
-Maman : Oui !
-Aika : Ce sont eux, ils m'ont rappelé. Je commence lundi et le salaire est bon.
-Maman : Ahhh vraiment Dieu merci, le Seigneur est merveilleux ; Tu as tout le week end pour être au top lundi, je t'ai toujours dit que tu dois garder ta fierté africaine et devant les blancs tu dois toujours être au top, à cause de ta couleur on aura tendance à te mépriser mais par ton travail tu dois inspirer le respect ; focalise toi sur ton nouveau travail et oublie moi les ba Ngoye là.
-Aika : Ok maman, mais j'aimerai aller chercher mes affaires qui sont restées chez lui, je n'ai pris que peu de vêtements.
-Maman : Si j'apprends que tu as remis tes deux petits pieds chez Ngoye là-bas, tu vas me sentir. C'est quel vêtement que tu veux absolument aller chercher ? quand je te dis de te focaliser sur ton nouveau boulot là tu ne m'écoutes pas ? Andouille ! Demain, je t'envoie de l'argent, suffisamment pour acheter des vêtements et pour tenir le reste du mois avant ton salaire, tu le récupères et tu t'achètes le nécessaire, concentre toi sur ton travail ma fille.
-Aika : Ok maman
-Maman : Bon je vais te laisser, bonne nuit et surtout n'oublie pas de prier, de remercier Dieu pour tout.
-Aika : Ok maman Bonne nuit à toi aussi
-Maman : Merci
-Aika : Maman !
-Maman : oui quoi ?
-Aika : Je t'aime et merci pour tout
-Maman : Tchuip , je t'aime aussi même parfois tu es trop bête on ne dirait même pas que c'est moi qui t'ai accouché, bisous mon bébé
-Aika : Bisous
Lorsqu'Aika raccrocha, elle se sentit beaucoup mieux. Sa mère pouvait être brutale mais c'était sa façon d'être réconfortante.
Elle avait encore le téléphone dans les mains lorsqu'elle se rendit compte que l'eau coulait à la douche. Elle ne se souvenait pas avoir laissé l'eau couler. Elle s'empressa d'aller dans la douche. Mais une fois dans le couloir, la lumière qui l'éclairait ne s'alluma. Elle insista en vain, elle était sans doute grillée l'ampoule.
Elle traversa quand même le couloir, et une fois arrivée devant le lavabo ou elle s'était lavé le visage quelques minutes plutôt, il était sec et aucune goutte d'eau n'en sortait, par contre, de l'eau coulait dans la baignoire.
C'était bizarre, elle ferma l'eau et sortit de la douche mais à peine à l'extérieur que l'eau se remit à couler.
Machinalement elle fit demi-tour et referma à nouveau le robinet.
Mais, ça recommença. Elle se souvint que Sophie lui avait dit qu'en cas de problème d'eau elle devait couper l'arrivée d'eau qui se trouvait dans les toilettes. Alors, elle alla dans les toilettes et coupa l'alimentation en eau de toute la maison.
Ensuite elle regagna sa chambre et s'y enferma. Elle ressentait un sentiment étrange alors elle alluma son ordi et mit un peu de musique pour se changer les idées mais soudainement elle entendit frapper à la porte de sa chambre.
Trois coups
Boum boum boum
Elle arrêta la musique pour être sure. C'était impossible que ce soit à sa porte. Elle réunit tout le courage dont elle disposait et alla ouvrir la porte.
Il n'y avait personne.
C'était normal, elle était seule dans cette maison. Elle alla se rassoir sur le lit et s'apprêtait à remettre la musique lorsqu'à nouveau elle entendit
Boum boum boum
Puis une voix étrange :
« L'eau, je veux me laver»