Tours du destin
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Chapitre 4 Tours du destin

Moi (le ton neutre): Bonjour Mademoiselle, on m'a dit que tu voulais me voir, que puis-je pour toi?

Adidja(souriante): Appelle-moi Adidja stp Serge. Si je suis venue te voir ce matin c'est sur la demande de Bariki, elle a dû repartir au village ce matin avec son père car elle se marie dans deux jours!

Moi (hurlant): Quoi? Dans deux jours tu dis?

Adidja: Malheureusement oui Serge! Elle voulait te voir une dernière fois pour te dire au revoir mais son père ne lui a pas laissé le choix, c'estc'est pour ça qu'elle t'a écrit cette lettre!

Moi (abattu): Deux jours ? Deux jours! Pourquoi? Merde!

Mes cris ont alerté mes deux amis qui viennent aussitôt nous rejoindre sur la véranda de la maison.

Brice (inquiet): Serge, que se passe-t-il? Nous t'avons entendu crier, qu'as-tu? Pourquoi fais-tu cette tête?

Moi (dans un état second): Je suis perdu mon ami, Dora est partie! Elle est partie! Elle se marie dans deux jours ! Pourquoi ça m'arrive à moi? Pourquoi a-t-il fallu que je la rencontre pour la perdre juste deux jours après, pourquoi?

Armel (ferme): Serge arrête-moi ça tout de suite! Soit un homme et bat toi pour celle que tu aimes! Il faut empêcher ce mariage, elle ne doit pas se marier!

Moi (étonné): Mais comment faire? Elle est déjà repartie dans son village!

Brice (l'air de rien): Alors nous irons dans son village la chercher, il est hors de question qu'on reste ici les bras croisés mon frère!

Ensemble alors, avec Adidja, mes deux frères amis et moi nous faisons un plan pour aller retrouver Dora et l'empêcher de faire ce mariage. Adidja se charge d'aller prendre tous les renseignements concernant le village de Dora chez sa tutrice et moi, je dois convaincre mon oncle de nous laisser sa voiture et son chauffeur pour deux jours et une nuit. Le départ est prévu pour le lendemain même. Une fois dans le village on attendra la nuit pour aller la chercher et on se cachera quelque part afin de reprendre la route aux aurores. Il ne reste plus qu'à prier pour que tout se passe comme prévu. Cette journée et cette nuit ont été les plus longues de toute ma vie, j'étais tellement stressé que je n'ai pu rien avalé, tout ce que je voulais c'était de revoir ma Dora, la serrer dans mes bras et ne plus jamais la laisser partir. La garder près de moi pour toute ma vie.

Après plusieurs recommandations, mon oncle nous permet de quitter la maison le lendemain vers six heures. Pour la première fois de ma vie j'ai dû dire un gros mensonge. Pour obliger mon oncle à céder, je lui ai dit qu'on devrait assister à l'enterrement du père d'un camarade de faculté dont j'étais très proche. Après plus de quatre heures de route, nous faisons notre entrée dans le village de Dora. Adidja se rend toute seule dans la concession de ses parents pour aller sonder le terrain, afin de nous donner les détails nécessaires pour finaliser notre plan. En attendant, moi je me mets simplement en prière pour que Dieu dans sa clémence m'accorde la faveur de revoir la reine de mon cœur car comme on le dit souvent il n'y a pas de hasard dans la vie d'un enfant de Dieu.

................. Adidja......................

Quelques minutes plus tard

Je suis dans la concession des parents de Bariki et je tremble de peur. Si j'ai accepté de venir ici malgré ma jalousie et mon envie d'être avec Serge c'est simplement parce qu'il a promis de m'amener à Cotonou avec Bariki. Mon rêve le plus grand c'est de quitter Parakou pour aller découvrir d'autres villes de mon pays, en particulier le sud. Je sais qu'un jour je prendrais ma revanche sur cette fille mais pour le moment, je fais profil bas pour la sortir d'ici car ça m'arrange aussi. Mon inquiétude en ce moment, c'est que ses parents ne me connaissent même pas et j'ai peur d'être renvoyée. Sa tutrice était bien étonnée quand je lui ai dit être invitée à son mariage. Elle n'approuve vraiment pas la décision des parents de mon amie. Mais, malheureusement, elle n'a pas pu faire grand-chose puisqu'elle n'est pas liée à eux par le sang. Mais, elle a bien voulu me donner l'adresse sans trop me poser de questions.

Elle est juste l'ancienne sage femme de ce village qui a gardé de bons contacts avec les parents de Bariki, malgré son affectation à Parakou selon ce que mon amie m'a dit. Elle est très amie à la mère de Bariki mais, elle aurait refusé d'assister au mariage pour manifester son mécontentement. Elle a toujours souhaité que Bariki fasse de grandes études, car elle la considère comme la fille qu'elle n'a jamais eu puisqu'elles portent le même prénom toutes les deux. Mais les parents de mon amie en ont décidé autrement. Bariki est une fille vraiment trop timide et très naïve mais elle est une très bonne amie, enfin était jusqu'à ce qu'elle m'empêche d'être avec Serge. Je me suis rapprochée d'elle en classe de 6ème vers la fin de l'année scolaire. Elle était différente de toutes les filles de la classe et n'avait aucune amie. A par les salutations d'usages elle ne parlait à personne. Elle restait toute seule dans son coin avec ses livres et personne ne faisait attention à elle non plus.

Parfois, elle m'inspirait de la pitié mais je m'abstenais de l'approcher jusqu'au jour où elle m'a ramené ma trousse que j'avais égaré sans même l'avoir ouvert. Je n'ai jamais compris comment elle a su que ça m'appartenait mais, je me suis rendue compte ce jour-là, qu'elle était une fille honnête et je ne l'ai plus jamais lâché.

Troisième fille d'une famille de seize enfants, mon père ne s'est jamais soucié du bien-être de l'un de ses enfants. Il a trois femmes, dix filles et six garçons et sa dernière femme attend encore un enfant. Pour subvenir aux besoins de ses sept enfants, quatre garçons et trois filles, ma mère vend du fromage et des légumes au marché international AZERKE de Parakou. Pour mon père il suffit juste de faire des enfants et de faire la cérémonie de sortie le huitième jour et le reste du boulot revient à la mère.

Je me suis prise très tôt en charge pour aider ma mère à élever mes jeunes frères. Mes deux sœurs aînées se sont mariées très jeune sans même avoir le niveau CEP. Moi je l'ai eu même si c'est arrivé tardivement car j'ai repris trois classes par manque de moyens pour payer la scolarité. En classe de sixième, je sortais déjà avec des hommes d'âges mûrs pour de l'argent .Ce jour où j'ai égaré mon porte-monnaie, il contenait plus de 30.000 FCFA, l'argent que l'un de mes nombreux partenaires m'avait donné pour avoir passé du bon temps avec lui. Malgré tous mes déboires, Bariki ne m'a jamais jugée. Elle me demandait sans cesse d'arrêter d'aller d'homme en homme et de choisir quelqu'un si je ne pouvais pas arrêter de coucher avec les hommes.

Elle n'était pas influençable et défendait farouchement ses valeurs, comme rester vierge jusqu'au mariage et je l'admire beaucoup pour toutes ses qualités. C'est pour lui faire plaisir que j'ai fais semblant de couper contact avec tous mes partenaires pour me consacrer à Souleymane mon actuel petit copain même si entre nous ce n'est pas le grand amour. Elle m'a raconté sa vie, un soir à la sortie des classes quand nous étions en 4ème. J'ai été surprise qu'elle me dise qu'elle était promise à un homme depuis ses huit ans. Elle en parlait de façon naturelle comme si c'était la chose la plus normale. Quand je lui ai demandé si elle comptait vraiment se marier à un homme qu'elle ne connait pas, elle m'a donné une réponse affirmative.

Je l'ai traité de naïve et folle. Elle m'a répondu que c'était pour le bien de sa famille et je n'ai plus rien ajouté. Je doute toujours qu'elle accepte de nous suivre dans cette folie. Je l'ai toujours aimée cette fille même si aujourd'hui je lui en veux parce qu'elle empiète sur mes intérêts. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi, elle s'obstine à laisser ses parents gâcher sa vie. Comment une personne peut-elle être aussi naïve au point d'accepter d'être conduit à l'abattoir juste pour faire plaisir aux autres? Si au moins elle ressent de l'affection ou un semble d'amour pour son futur mari on comprendrait, mais elle ne l'a jamais vu selon ses dires. Même si je la veux très loin de Serge, je dois me faire toute petite pour le moment et les aider .C'est ce que je fais en venant ici malgré mes peurs. Il ne reste plus qu'à prier pour tomber sur quelqu'un qui comprenne le français ou tout au plus le Dindi, ma langue maternelle car, je ne parle pas correctement le Bariba la langue de la localité.

Moi (bonsoir maman, en langue vernaculaire dindi): Nahoyo Mama!

Inconnue (bonsoir! comment ça va? en langue): Nahoyo! Mé té Ga ?

Moi (ça va maman, est-ce que Bariki est à la maison?): Alafia Mama, Bariki go non fo ?

Inconnue (me regardant bizarrement en répondant d'où viens tu?): Zamanni oun hounnou?

Moi (de Parakou maman, je suis son amie!): Parakou mama, aboro non Bariki!

La dame fit appel à un jeune garçon et lui demande de m'accompagner auprès de Bariki, je n'ai pas compris pourquoi elle ne l'a pas appelée simplement pour venir me voir dans la cour. Le gamin m'emmena dans une case où elle se trouvait en compagnie d'une dame assise sur une natte, on lui avait même déjà appliqué le henné. Elle avait la tête baissée couverte d'un voile blanc, quand elle leva les yeux pour nous regarder entrer, je pus lire sur son visage la tristesse et la panique. Je lui souris faiblement pour la rassurer. Elle me demanda de m'asseoir à ses côtés, ce que je fis. J'avais du mal à engager la discussion avec elle après les salutations d'usage. Elle comprit et prit la parole.

Elle: Adidja que fais-tu ici? Comment tu es venue jusqu'à moi?

Moi (lui faisant de gros yeux en regardant la dame à ses côtés): Je suis juste venue te voir!

Elle (me rassurant): Tu peux parler sans crainte, c'est ma tante! Elle ne comprend pas le Français!

Moi (soulagée): Ok! Je suis venu avec Serge et ses amis!

Elle (étonnée): Et pourquoi vous vous êtes donnés cette peine ?

Moi (ferme): Nous sommes venus te chercher Bariki et nous ne partirons pas d'ici sans toi.

Elle (paniquée): Me chercher? Vous êtes fous? Comment ferais-je pour sortir de cette case où on m'a obligée à rester depuis mon retour ?

Moi (décidée): Nous allons trouver une solution! Comme je viens de te le dire, il n'est pas question que nous partions de ce village sans toi!

Une dame vient m'offrir de l'eau dans une calebasse pour me souhaiter la bienvenue, elle demande des nouvelles de ma famille et m'annonce qu'ils sont ravis de me compter parmi les invités pour le mariage. Bariki nous sert d'interprète. Après le départ de la dame, elle m'explique ses craintes par rapport à ce mariage. Après son récit, je ne peux m'empêcher d'avoir pitié d'elle. J'étais encore plus déterminée à l'aider. Elle me raconte aussi la discussion qu'elle a surpris hier à son arrivée entre ses deux frères aînées. Ils avaient peur pour leur sœur car son futur mari est selon eux irrespectueux et hautain et passe tout son temps à boire et à fumer dans les cabarets du village depuis son retour. Bariki, n'avait droit qu'à deux sorties dans la journée pour prendre le bain et là encore elle devrait être accompagnée par ses tantes qui la lavent avec des mixtures pour la préparer au mariage.

Le seul moment où elle pourrait se retrouver un peu seule sans surveillance sera pour aller en brousse se mettre alaise. Après avoir passé un long moment à la convaincre que c'était la meilleure des choses à faire pour lui éviter de souffrir, Nous avons conclu qu'elle devrait nous retrouver en brousse dès la tombée de la nuit. Pour avoir une idée du lieu de rendez-vous, elle demande au gamin qui m'avait accompagné dans sa case de me montrer l'endroit où ils font habituellement leur besoins. Je reviens quelques minutes plus tard après avoir fait semblant d'aller au petit coin. Sa mère nous sert une bonne sauce d'arachide au poulet accompagnée d'igname pilé. Je mange avec appétit avant d'aller rejoindre les garçons à l'entrée du village où ils m'attendaient impatiemment.

On donnera le signal à Bariki avec le klaxon du véhicule, vu que c'était un petit village. A la tombée de la nuit, après avoir klaxonné deux fois pour lui donner le top, Serge et moi irions l'attendre à l'endroit indiqué. Il ne reste donc qu'à espérer qu'elle vienne seule et que personne ne soit dans les environs à ce moment. Les garçons et moi passons le reste de l'après-midi à prier, surtout Serge qui n'arrêtait pas d'égrener son chapelet. Pour ne pas attirer l'attention des gens, sur nous nous avons prétexté une panne de véhicule. Nous avons mis les panneaux triangulaires et laisser le capot de la voiture ouvert. C'est Brice qui donnait toutes les instructions. Il était calme et posé on aurait dit qu'il faisait une chose banale.

            
            

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