Ce que tu dis
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Chapitre 4 Chapitre 04

- Jay, dépose-moi cette console où je te jure qu'elle finira dans la marmite avec les oignons !

Après avoir menacé son fils, Somaya verse les oignons dans l'huile chaude, ce qui les fait grésiller sur le champ.

Je découpe le céleri, tandis que Jishnu, se charge de râper les carottes.

J'aime ces après-midis passés avec ma tante et mes deux cousins. Tout se passe toujours dans une intimité réconfortante. Ici, il n'y a pas une armée de domestiques prête à répondre à la moindre des sollicitations de ma tante. Elle a décidé de vivre avec ses enfants de la plus simple des manières, afin de faire profiter à d'autres ce qu'eux ont en plus.

Excellente cuisinière -tout le contraire de moi-, elle organise parfois des grands dîners avec les habitants de son quartier qui l'apprécient énormément.

Lorsque je me promène avec elle en ville, j'ai l'impression qu'elle connaît tout le monde!

Elle accorde la même importance, à toutes les personnes à qui elle adresse la parole. Sans se soucier de leur apparence, ou de leur caste.

Ma tante dirige plusieurs dispensaires dans les quartiers défavorisés de Mumbai et trouve encore le temps de faire des recherches cliniques, opérer et s'occuper de ses deux adolescents de 17 ans.

Elle est juste incroyable! Un véritable modèle pour moi. Lorsque je parle de Somaya, il n'est pas difficile de voir combien je suis en admiration devant elle. En bonne fanatique.

Avec ma mère, qui avait pourtant arrêté de travailler après être tombée enceinte de mon grand-frère, je n'ai jamais passé autant de temps qu'avec ma tante.

Somaya croise mon regard et me sourit.

Je m'en veux encore de la façon dont je lui ai parlé la dernière fois. Mais elle semble ne pas m'en vouloir du tout.

J'avais six ans, lorsqu'elle était revenue d'Angleterre, son diplôme de chirurgienne en poche. Elle était la seule des enfants de mes grands-parents qui ne s'étaient toujours pas mariée. Mais comme elle était leur cadette, mes grand-parents ne la pressaient pas : ses grandes sœurs s'étaient déjà occupées de leur donner des petits-enfants.

Elle n'était pas revenue seule : Edward Campbell un jeune médecin l'accompagnait. Il était passionné d'Inde, mais surtout, il était fou amoureux de ma tante.

Il n'y avait qu'avoir avec quelle émerveillement il la regardait. Bon je l'avoue : j'étais un peu amoureuse de lui. Lorsqu'ils venaient à la maison tous les deux, je sautais sur ses genoux malgré l'interdiction de ma mère, impatiente de l'entendre me parler de l'Angleterre, de ce qu'il aimait chez ma tante préférée, ou encore leurs aventures pendant leur internat.

J'étais fascinée!

Ils se sont mariés un an après s'être installés en Inde pour de bon.

J'aimais passer mes étés dans leur grande maison aux fenêtres immenses. Je me sentais comme une princesse et je ne voulais pas que ça s'arrête. Je suppliais ma mère de me laisser y aller le plus possible.

Avec du recul, je pense que ma mère a été jalouse. Il était évident que je préférais passer mon temps avec sa sœur plutôt qu'avec elle, ma mère.

Edward me disait qu'ils voulaient autant d'enfants que possibles, comme ça, je pourrais jouer avec une ribambelle de petits cousins.

Malheureusement, ma tante n'a pas réussi à tomber enceinte, pendant des années.

Plus tard, Somaya m'avouera qu'elle n'arrêtait pas de faire des fausses couches.

" Te voir chez nous, entendre tes rires d'enfant partout dans la maison, et l'amour d'Edward pour toi, me donnaient l'illusion que tu étais notre enfant. Ma fille."

Lorsque j'ai fêté mes dix ans, Edward est tombé malade. Une tumeur maligne au cerveau lui a été diagnostiquée.

Les médecins ne lui donnaient pas plus d'un an à vivre. Ils s'étonnaient d'ailleurs que la maladie ne se soit pas déclarée plutôt, alors qu'il était déjà dans un stade si avancée.

C'est comme si d'un seul coup, le rêve se brisait. Personne ne voulait le voir nous quitter. Personne.

Ma tante a tout fait pour être toujours près d'Edward. Comme la mort ne voulait rien dire. Comme si leur amour serait plus puissant que la maladie qui rongeait l'homme qu'elle aimait autant.

J'ai vu mon oncle s'affaiblir, perdre du poids, au point où il n'arrivait même plus à parler tant il souffrait atrocement.

Il pouvait hurler de douleur à se déchirer les tympans, mais lorsque ma tante venait à son chevet, son regard changeait: il ne voyait plus que elle.

Son regard: on n'y lisait plus sa souffrance, mais tout l'amour qu'il avait pour elle.

Puis un matin de novembre, il mourut dans les bras de Somaya.

C'était comme si ma tante devenait folle! Alors que j'étais au rez-de-chaussée, j'entendais ses hurlements, lorsque l'on essayait de l'arracher au corps sans vie de son mari.

Il y avait quelque chose de bestiale dans ses cris, qui me fit très peur. On aurait dit un animal à l'agonie.

Elle commença ensuite à se laisser dépérir. Elle ne voulait plus parler, ni manger, encore moins voir qui que se soit. C'était comme si Somaya était morte en même temps qu'Edward.

Elle passait ses journées retranchée dans sa chambre, au milieu des objets ayant appartenu à son mari.

Ma mère ne supportait plus de voir sa sœur de la sorte. Je l'ai même surprise assise seule à pleurer.

Elle prit ma tante pour qu'elle vienne vivre chez nous. C'est ma mère qui s'occupait d'elle. D'ailleurs, je ne l'ai jamais vu aussi...humaine.

Lorsque ma tante faisait des crises de larmes ou de colère, ma mère accourait et s'enfermait avec elle. Cela pouvait durer des jours. Puis elle demandait aux domestiques de quoi nourrir et laver sa sœur.

Petit à petit, ma tante accepta de sortir de sa chambre.

Son deuil n'était pas fini, pour autant.

Elle se contentait de trainer dans la maison comme un fantôme, vêtue d'un sari blanc, les cheveux hirsutes couvrant ses traits.

Elle n'était plus de notre monde. Et un jour, j'avais surpris une discussion de mes parents: ma mère craignait que sa sœur ne passe pas l'année, Somaya se laissait dépérir.

5 mois après la mort d'Edward, j'ai découvert ma tante évanouie dans la roseraie de ma mère. Craignant le pire, j'avais crié pour tenter d'appeler du secours, tout en la serrant contre moi. Je pense que ce souvenir compte parmi les plus terrifiants de ma vie...

Et c'est ainsi que nous avions découvert, qu'elle était enceinte. Je me souviendrais toujours de l'étincelle qui s'était allumée dans ses yeux, lorsque le médecin le lui avait annoncé.

Au fur à mesure que son ventre s'arrondissait, ma tante revenait parmi les vivants. C'était un véritable miracle!

" Regarde! Regarde-les ! Ne sont-ils pas parfaits ?", m'avait-elle dit lorsque j'étais partie lui rendre visite à la maternité. Elle serrait mes deux cousins dans ses bras, rayonnante.

- Priya !

- Hein ? Oui, je dis en sursautant.

- Depuis tout à l'heure, je te demande de me passer le céleri. Où as-tu la tête ?

- Dans les nuages..., lance Jay.

- ...A rêver de son fiancé : "Oh oui Arjun", termine Jishnu en imitant une voix fluette.

- Sales petits nabots, je dis en leur lançant mes tongs.

Ces petits se croient plus malins que tout le monde!

- Hey ! T'as vu comment elle nous martyrise, maman ?

- Vous l'avez cherché.

- Tu es censée prendre notre défense, se plaint Jay.

- Oui, mais j'étais là avant vous, les morveux. C'est moi sa préférée.

Nous cuisinons tous ensemble la variante des lasagnes végétariennes au curry que ma tante réussi comme personne.

Je suis toujours si heureuse quand je passe tout ce temps avec eux. C'est un véritable bonheur.

*

Alors que ma tante et moi savourons un thé sur la véranda, les garçons jouent au salon sur leurs consoles.

- Alors comment s'est passé ce vrai premier rendez-vous ? Tu ne m'en as toujours pas parlé...

- Tu ne lâches pas l'affaire, hein ?

- Pourquoi ferai-je une chose pareille, me dit ma tante avec un clin d'œil. Si je ne t'embête pas, qui le fera à ma place ?

- Il s'est bien passé. Nous avons parlé de nos études et un peu de notre travail.

- Et tu vas me faire croire que tu ne t'aies pas un tout petit peu éloigner de ton scénario? dit-elle avec un sourire. Je te vois mal jouer aux civilisées pendant tout un déjeuner...

- Très drôle ! J'ai été la plus sage des fiancées ! Sauf...sauf peut être au début, lorsque ses propos ont laissé entendre que je pourrais peut-être ne plus travailler, une fois mariée avec lui.

- "Laissé entendre" hein ?

- Exactement: "Laissé entendre". Je ne veux pas arrêter de travailler! Du coup j'ai été un peu...dure. Je ne veux pas qu'il empiète, sur ce pourquoi je me suis donne tant de mal.

- Comment l'a-t-il pris ?

- Assez bien, on va dire : il a rit, je dis en haussant les épaules.

Je ne m'en suis pas si mal sortie finalement.

- C'est bon signe, s'il arrive à prendre de la distance par rapport à ce que tu dis lorsque tu es en colère, dit ma tante en acquiesçant. Tu sais, tu ne voudrais sans doutes pas que je te parle de mes doutes alors que ton mariage approche à grands pas. Mais sache que même lorsque tout te semblera perdu, tu peux encore faire marche arrière.

- Câcï...

- Non ! Ecoutes moi deux secondes, veux-tu ? Je suis là ! C'est sûr que ça ne plaira pas à tes parents que tu les déshonores de la sorte, mais sache que tu auras toujours mon soutien !

- Et si ça marche ?

- Eh bien, commence ma tante en souriant. Je te souhaite que cet homme voit quelle femme incroyable tu es. Je prie qu'il tombe follement amoureux de toi, et que tu recommences à y croire de nouveau, toi aussi. Que tu te permettes enfin à vivre heureuse !

- Tu ne trouves pas que tu exagères un peu là ?

- Rien n'es trop beau pour toi, mon enfant, dit-elle en me caressant la joue. Bon tu viens ? J'aimerai jouer à Mario et mettre une raclée ces deux blancs becs.

- Je te suis! Je vais mettre les tasses dans l'évier.

Je reste un moment, le regard perdu vers le ciel.

La date de notre mariage a déjà fixé depuis la cérémonie des fiançailles. Cela va être un nouveau chapitre de ma vie, un nouveau commencement.

Ou le début de la fin...

Non ! J'aime mieux à penser que ce sera un nouveau début ! Je vais juste me marier, pas signer un pacte avec le diable! Cette pensée me fait sourire.

            
            

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