A la position du joueur, un gardien de but devine de quel côté le ballon viendra. Mais le gardien peut être surpris de voir le ballon filer au deuxième poteau alors qu'il prévenait une autre alternative.
C'est comme Yanis qui s'attend à ce que je pique une folle crise comme d'habitude mais je ne lui donnerai pas ce plaisir. Je sais qu'en temps normal avec ce qu'il vient de faire, je dois me jeter sur lui et c'est ce qu'il attend sauf que cette fois, je ne ferai rien bien que j'ai envie de m'en prendre à lui. C'est un con et je ne m'en prends pas aux cons, c'est leur faire croire que nous sommes sur la même longueur d'onde.
Voilà que je me retrouve sans voiture. Je me demande comment il a su que je voyageais, Lu ne peut pas lui avoir dit cela alors comment l'a-t-il su? Il s'impatiente et tape sur le volant en me regardant. Je compose le numéro de Lu, son téléphone est éteint. Je vois la voiture de Yanis s'éloigner, tant mieux. Je tire les valises, il me faut appeler pour un taxi, tout ceci est bien long. Je pianote mon téléphone quand j'entends un bruit de freins; il a fait demi-tour et est venu se garer juste devant moi, dépose ma valise dans la voiture.
- Allons; dit-il en me prenant par la main. Je ne vais pas m'excuser pour ce que j'ai fait Yel, je n'ai aucune envie de m'excuser parce que je ne regrette rien. Je te dépose chez toi.
Je ne suis pas étonnée, il ne s'est jamais excusé. Il ne s'est jamais excusé de ramener ses maîtresses chez nous en ma présence, il ne s'est jamais excusé des injures de sa famille à mon égard, il y a tellement de choses pour lesquelles il ne s'est jamais excusé... Il n'a jamais regretté en d'autres termes. Je suis la seule qui porte les marques du regret. Ce qui m'abasourdit est le calme qu'il a toujours eu comme si rien ne s'était passé et que je suis la folle qui crie partout. Deviens-je folle par hasard? Je ne me rends pas compte que je pleure. Penser aux injures, moqueries et autres rouvrent les blessures de mon cœur, je ne peux plus me contenir et les larmes se redoublent; je pleure encore alors que j'avais juré de ne plus verser de larmes.
- Yel, arrête de pleurer s'il te plaît. Je n'aime pas voir tes larmes. Quittons d'ici.
Il me tire par la main et me fait monter dans la voiture, je ne réagis pas. Je n'ai plus envie de réagir, tout ce que je peux faire c'est pleurer. Me libérer en versant mes larmes, je veux vider mon cœur des coups encaissés depuis ces 5 années de ma vie. J'ai trop longtemps fait semblant d'être forte, d'être à la hauteur, il me faut libérer mon cœur. Je n'ai pas cessé de pleurer pendant tout le trajet, Yanis s'est garé à un moment donné pour me calmer mais ce n'est pas ce dont j'ai besoin... Je veux qu'il signe le divorce. Il gare la voiture et s'empresse de venir me porter.
- Non, je peux marcher; je dis en me détachant de lui.
Il n'insiste pas et se charge de mes valises. Je vais m'enfermer dans la chambre pour pleurer.
"Aucune somme d'argent ne vous fera plaisir si vous n'êtes pas heureux vous-mêmes".
Je me recroqueville tirant le drap. Je pleure jusqu'à m'endormir dans le train de ma vie des années plus tôt.
= Flashback =
- Mama, j'ai acheté du tilapia frit et des ignames, ça nous suffira pour ce soir. Tu as préparé? Je demande en déballant sur le petit banc le paquet que j'avais en main.
- Préparer quoi Yele? Je n'ai rien vendu aujourd'hui. Tes frères et sœurs ont mangé l'haricot d'hier.
Je retiens mes larmes et vais réveiller mes frères et ma sœur pour manger, je sais que nous ne serons pas rassasiés mais c'est mieux que rien. Ma mère est vendeuse de manioc au grand marché, que peut-elle gagner de cela? Il y a des jours où elle vend tout et des jours où elle revient bredouille. Je travaille dans un salon de coiffure mais c'est plus pour aider ma mère et mes frères. J'ai arrêté les études à l'obtention de mon baccalauréat qui est mon plus grand diplôme. Je ne gagne pas plus de 3000F pour tout le mois que je fais mais ce que je recevais dans ce salon équivaut au double de ce qu'on pouvait me proposer ailleurs alors je reste et accepte les moqueries, humiliations, heures supplémentaires...
Je suis la sale fille d'une vendeuse de manioc, une villageoise, une pauvre comme sa mère, illettrée, maudite... et plein d'autres. Je n'ai jamais su qu'être pauvre est répugnant, la société me l'a prouvée. Je n'ai jamais su que vendre au marché est une malédiction, ça aussi, la société me l'a montrée. Je dois chaque jour prendre les critiques et moqueries parce que je suis pauvre, ma mère est vendeuse, mes frères et ma sœur ne sont pas instruits. C'est la réalité de la vie à laquelle je suis affrontée... Je n'ai droit à aucun respect parce que je suis pauvre. Tous nous malmènent, injurient sauf quelques aimables âmes et parmi elles, il y a Natacha la seule vraie amie qui ne me juge pas sur ma pauvreté.
C'est par Natacha que j'ai fait la connaissance de mon "jackpot". Mon jackpot, c'est le surnom je lui ai donné parce que je me suis dit qu'à lui je m'accrocherai pour changer ma vie. Yanis est le prototype parfait. Grand, athlétique, il laisse des pourboires de près de dix milles francs après ses consommations, qui fait ça? Hors-mis cela, il est atrocement beau, des yeux bleu je n'en avais jamais vus; son sourire est le détail qui m'affaiblit le plus. Mais tout ce qui m'intéresse est son argent.
- N'hésite pas à me dire si tu as un problème, ok?
- Ce n'est pas la peine, ne t'inquiète pas (je fais mon malin un peu); je réponds.
- Ton orgueil ne t'apportera rien; dit-il en m'embrassant.
Yanis était prêt à m'aider, il a l'argent, tout ce dont je rêve pour changer la misérable vie de ma famille.
Yanis et moi avons continué à nous voir chaque fois qu'il vient au pays. Comme je l'ai voulu, ma situation a changé. A la maison, tout le monde mangeait à sa faim, mes frères et ma sœur ont commencé à aller à l'école. En un mot, cette malédiction d'être pauvre a disparu. Yanis m'a demandée en mariage quelques temps après. J'ai dit oui sur un coup de tête, je ne l'aimais pas par contre son argent si, même si j'ai des doutes sur l'aboutissement de ce mariage.
- Marie-le Yele, regarde comment notre vie a un peu changé grâce à lui. Si tu le maries, nous quitterons peut-être ce taudis; me conseille ma mère.
- Mama, je sais et c'est ce que je veux mais...
- Oublie les "mais". Il y a tes frères et ta sœur, pense à leurs études. Depuis que tu sors avec cet homme, plus personne nous traite de pauvres. Il n'y a pas que l'amour et avec le temps, tu apprendras à l'aimer.
- Yele, c'est un grand homme; ajoute Jerry mon frère qui est venu s'asseoir. Il est très riche et j'ai entendu des gens parler de lui, c'est quelqu'un de très respecté aussi. C'est la chance de ta vie ma grande.
Jerry est le deuxième enfant de ma mère, c'est-à-dire après moi, c'est lui. Je suis l'aînée d'une fratrie de deux garçons et une fille. Nous avons passé cette nuit à parler de Yanis et des avantages d'être son épouse. La chance m'est donnée de changer la pauvre villageoise que je suis en une grande femme respectée.
La chance de ma vie! A dit Jerry.
= Fin du Flashback =
J'ai dormi longtemps, c'est avec cette phrase de mon frère que j'ai ouvert les yeux, "C'est la chance de ta vie ma grande". En quoi exactement épouser Yanis est la chance de ma vie? J'ai commencé à me poser cette question depuis une année. J'ai pensé que le marier était la chance de ma vie, ce qui est faux parce que l'on a beau possédé tous les biens de la terre, s'il n'y a pas le bonheur, cela ne sert à rien. Je sors du lit pour aller me servir un verre d'eau, il me faut prendre un calmant après toutes ces larmes sinon je risque d'avoir des maux de tête. Yanis regarde la télé et se redresse à mon entrée. Je ne savais pas qu'il est resté.
- Tu ne devrais pas rester là, rentre chez toi; je dis avec lassitude.
- J'attendais que tu te réveilles pour me rassurer que tu vas bien; a-t-il répliqué en venant vers moi.
- Depuis quand mon état de santé t'inquiète? J'interroge rudement.
Je vois son visage devenir blafard, il passe les mains sur la tête avant de se prendre le visage entre les mains.
- Maintenant que je suis réveillée, tu peux t'en aller. Tu n'as rien à faire chez moi.
- Dois-je te rappeler que c'est aussi chez moi? Je partirai quand je le voudrai.
Je tourne les talons et me dirige dans ma chambre. Il partira quand il le voudra alors. Je me recroqueville comme une petite fille apeurée, j'entends le bruit de la porte qui s'ouvre. Yanis vient s'asseoir sur le pouf.
- Yel, je t'ai donné tout ce que tu veux. Tu as voulu l'argent, tu as un compte qui reçoit plus d'un million chaque mois. Tu as voulu une maison, tu as trois maisons en ton nom. Tu as voulu une agence, je t'ai donné une grande agence qui est connue sur le plan national. Tu voulais que tout le monde te respecte, je t'ai donné mon nom, des voitures à ta disposition alors ne me dis pas que tu manques de quelque chose. J'ai répondu à tes désirs, ne te plains pas.
- Je n'ai pas besoin de toutes ces choses, gardes ton nom, ta richesse. Je n'en veux pas; je réponds avec les larmes dans la voix.
- Quand on dit que les femmes ne sont jamais satisfaites, tu es le bel exemple.
Je me remets à pleurer, Yanis a toujours l'élégance de me blesser avec ses paroles. Je ne veux plus de tous ses biens et son nom, il peut les garder. J'ai vécu avec ses maîtresses sous le même toit parce qu'il me rappelait la raison qui m'a motivée à l'épouser. J'ai vécu avec mon mari qui ramenait ses maîtresses CHEZ NOUS et me présentait comme SA COUSINE. J'ai tout pris sur moi, le nombre de fois où j'ai plié bagage pour partir, ma mère me criait que c'est ça le mariage. C'est un enfer, mon mari qui héberge ses maîtresses dans notre maison, c'est le mariage que j'ai choisi. Et surtout quand toute ma belle-famille se mêle pour m'injurier de tous les noms, j'ai tout pris. Je me suis longtemps battue jusqu'à ce que je n'en sois plus capable et malgré tout il m'a toujours retenue et pourquoi si c'est pour me rappeler sans cesse mes conditions pour ce mariage. Je suis le bel exemple des femmes qui ne sont jamais satisfaites.
Il me serre dans ses bras, m'implore de ne pas pleurer. Je ne comprends pas comment il peut être rude avec moi et la minute d'après me parler tendrement.
- Je n'aime pas te voir pleurer, arrête s'il te plait. Je ne voulais pas être désagréable dans mes propos.
Je resserre mes mains autour de ses épaules quand mes larmes se redoublent, comme si ses paroles me rappelaient tout mon passé.
- Que veux-tu que je fasse pour que tu te calmes? Demande-moi tout, je te donnerai; dit-il d'une voix douce.
- Je veux le divorce. Signe le divorce; je réponds en me détachant de lui.
Son visage prend une expression grave, mélancolique. Il se lève, passe les mains sur la tête et va s'adosser au mur près de la porte.
- Je ne peux pas Yel; dit-il en se grattant nerveusement le menton. Tu me demandes quelque chose qui est au-dessus de mes moyens. Je ne peux malheureusement pas t'accorder cela, demande-moi autre chose, tout sauf le divorce.
- Et pourquoi?
- Parce que je ne veux pas.
- Tu penses que je suis ta propriété parce que ton argent m'a lavée...
- Ne dis pas ça s'il te plait.
- Mais c'est la vérité, tu es égoïste mais tu sais quoi? C'est bon, ne signe plus. Je n'attends plus ce divorce pour vivre ma vie, à partir de maintenant je vis PLEINEMENT ma vie sans m'occuper de ton nom.
Yanis,
Mon cerveau bloque un instant, essayant de décoder le message qu'elle vient de lancer. Qu'entend--t-elle par vivre PLEINEMENT sa vie? Je n'ai pas envie de penser qu'elle va sortir avec un autre homme. Je ne peux pas accepter qu'un autre homme la touche, tout sauf ça. Je ne suis pas bien placé pour montrer ma jalousie mais elle ne peut pas être avec quelqu'un d'autre... L'imaginer dans les bras d'un autre homme... Non, c'est la plus grande punition qui peut m'être donnée.
- Que veux-tu dire par reprendre ta vie?
- Je ne vais pas te faire un dessin. Je t'ai longtemps respecté, c'est bon j'ai ma claque là.
- Ta vie est avec moi Yel. Pourquoi dois-je toujours te rappeler que nous sommes mariés?
- Va te faire...
- Toujours insolente; je dis amusé en lui coupant la parole. Tu sais que cette bouche peut faire beaucoup d'autres choses que m'insulter. Par exemple, me supplier d'embrasser tes lèvres douces et pulpeuses comme je le faisais avant. Tu te souviens?
Elle ne répond pas mais le regard qu'elle me lance pourrait me tuer si possible. Yelena, petite insolente va.
- Si tu signes ce divorce, je disparais de ta vie et tu n'entendras plus parler de moi; continue-t-elle avec les larmes aux yeux.
Je ne pensais pas qu'elle voulait ce divorce à ce point. Quand je vois comment elle me demande de signer le divorce, c'est évident qu'elle ne veut plus rester. C'est la première fois qu'elle me supplie tant pour obtenir une chose qu'elle souhaite mais c'est aussi la première fois que je ne peux pas répondre à sa demande. Je m'approche d'elle et lui prends la tête entre les mains.
- Le problème est que je veux entendre parler de toi; je dis. Je ne veux pas te laisser disparaître, tu resteras ma femme Yel. C'est la colère qui te fait parler, tu t'apaiseras dans peu de temps. Nous finirons ce mariage ensemble et je ne vais plus le répéter.
- Non. Je ne veux plus rester vivre les injures de ta famille pendant que tu ne réagis pas parce que tu sais que je t'ai marié à cause de ta fortune. Je ne veux plus rester vivre avec toi pour accueillir tes maîtresses à qui tu me présentes comme ta cousine parce que tu me rappelles sans cesse que ton argent m'a lavée. Oui, j'accepte que ton argent m'a lavée mais je préfère retourner dans ma boue comme le cochon, au moins là-bas je trouverai du bonheur avec le minimum que j'ai. Je ne veux plus de ta vie.
Je me lève lentement du lit pour m'arrêter au beau milieu de la chambre. Ça fait mal, ça fait vraiment mal surtout quand je sais que chaque parole prononcée est une vérité. Elle vient de toucher à un point TRES SENSIBLE.
Un mois plus tard,
- Je dis, tu ne vas pas te marier et avoir des enfants? Dit ma mère en me lorgnant.
Rendre visite à mes parents revient à toujours soulever le même problème. Ils sont bouchés ou aveuglés pour ne pas se rendre compte que je suis MARIE. Elle a ouvert le débat et c'est parti pour une interminable discussion qui va m'exaspérer. Je n'ai pas envie de me disputer avec qui que ce soit à présent, alors pas du tout.
- Je te parle Yanis; crie-t-elle à bout de patience.
- Tu sais que je suis marié maman. De quel mariage parles-tu encore? Je porte une bague à l'annulaire, c'est facile à comprendre.
- Cette moins-que-rien que tu appelles ton épouse? Et quel mariage quand vous vivez séparément, tu n'es pas heureux.
- Si. Je suis marié jusqu'au cou et je suis très heureux avec ma femme. J'aime ma femme, je n'ai pas dit quelque part que je n'étais pas heureux.
- Heureux et tu couches les filles à gauche à droite; réplique mon frère qui venait d'entrer au salon.
- Au lieu de marier une bonne femme; ajoute ma mère. C'est une arriviste, tu as trouvé, elle s'intéresse seulement à ton argent; continue ma mère avec dédain.
- Elle est une arriviste? Ok, c'est MON ARRIVISTE. C'est mon argent qu'elle dépense et non le vôtre et elle a le plein droit de le faire parce qu'elle est MON EPOUSE. Alors, oui c'est mon arriviste; je réponds à bout de patience.
- Regarde comment tu t'adresses à ta mère à cause de cette moins-que-rien; rétorque mon frère.
- Il me manque de respect à cause d'elle. Elle est mariée depuis 5 ans et est incapable de lui donner des enfants. Tout ce qu'elle sait faire, c'est porter le nom Arnel.
Non, tout sauf ça. Je ne veux pas commencer à parler de ce sujet, un sujet dont je n'en parlerai jamais, c'est trop de DOULEUR. Je sors de cette maison avant de leur manquer de respect. Je ne demande à aucun d'eux de me dicter ce que je dois faire. Mes décisions sont miennes, ils sont libres d'accepter ou refuser mais qu'ils les respectent, c'est tout ce que je leur ai depuis demandé. Bien évidemment, c'est trop difficile à faire pour eux. Je démarre et m'éloigne de là.