Gianna s'invitait dans la salle de bain pendant que je me brossais les cheveux, bousculant mes crèmes pour imposer ses flacons aux odeurs agressives.
Elle s'asseyait sur l'accoudoir du fauteuil de Dante pendant que j'essayais désespérément de lui montrer les comptes de la fondation caritative que je gérais pour préserver l'image de la famille.
« Oh, Dante, oublie cette paperasse ennuyeuse, » a-t-elle minaudé, sa main glissant avec possessivité dans les cheveux de mon mari. « Parle-moi plutôt du gala de samedi. J'ai vu une robe rouge qui irait divinement bien à ton bras. »
J'ai baissé les yeux sur mes documents, feignant une concentration intense.
Dante a levé les yeux vers moi. Un bref instant.
Un test.
Il cherchait une fissure, une réaction, un signe de jalousie.
Je ne lui ai rien donné. Juste le silence vide d'une épouse obéissante et ignorante.
Il s'est détendu, reportant son attention sur Gianna.
« Prends la robe, » a-t-il tranché.
Le soir même, la porte de ma chambre s'est ouverte.
Dante est entré.
Le parfum de Gianna s'accrochait encore à sa peau, un mélange écœurant de musc et de trahison.
Il s'est approché de moi dans la pénombre, sa main saisissant ma nuque avec une possessivité brutale.
Il m'a tirée contre lui.
Son corps était dur, chaud, terriblement familier.
Autrefois, ce contact était mon refuge.
Maintenant, c'était une prison.
Il a enfoui son visage dans mon cou, ses lèvres cherchant ma peau.
« Tu es si calme, Sera, » a-t-il murmuré, pensant que je ne pouvais pas l'entendre. « Si facile. »
Une vague de nausée violente m'a submergée.
Ce n'était pas seulement un dégoût moral.
C'était physique. Viscéral.
J'ai repoussé Dante, ma main plaquée sur ma bouche, et j'ai couru vers la salle de bain attenante.
Je me suis effondrée devant les toilettes, mon corps secoué par des haut-le-cœur violents.
Dante est resté sur le seuil, confus.
« Sera ? »
Son téléphone a sonné.
Une sonnerie stridente, urgente.
Il a regardé l'écran, puis moi, recroquevillée sur le carrelage glacial.
Il a décroché.
« J'arrive. »
Il n'a pas demandé si j'allais bien. Il n'a pas apporté un verre d'eau.
Il a remis sa veste, a ajusté son holster, et il est parti.
La porte d'entrée a claqué.
Le silence est retombé, mais cette fois, il était lourd de conséquences.
Je me suis relevée, tremblante, et je suis retournée dans la chambre.
Sur le bureau de Dante, parmi ses dossiers criminels, un coin de papier dépassait.
Mon cœur s'est arrêté.
C'était une ébauche de mon faux passeport. Une version antérieure, mal cachée.
Il l'avait vue ?
Non, elle était à moitié recouverte par un rapport balistique.
Mais c'était trop proche.
Le lendemain matin, au petit-déjeuner, Dante a posé sa tasse de café avec un bruit sec.
« Tu as l'air malade, » a-t-il constaté, me scrutant avec ses yeux de prédateur. « Oublie le projet de Londres. Je vais envoyer quelqu'un d'autre. Reste ici et repose-toi. »
Ce n'était pas une suggestion. C'était un ordre.
Il voulait me couper les ailes avant même que je ne puisse sauter.
J'ai secoué la tête, forçant un sourire rassurant.
J'ai signé de mes mains tremblantes : *« Je vais bien. C'est juste de la fatigue. Londres est important pour moi. »*
Il a plissé les yeux, prêt à insister.
Gianna est entrée dans la cuisine, radieuse, portant un plateau de fruits.
« Laisse-la partir, Dante, » a-t-elle dit en riant, s'asseyant pratiquement sur ses genoux. « Ça nous fera des vacances. On aura tout l'appartement pour nous. »
Dante a détourné le regard de moi pour le poser sur les lèvres de Gianna.
L'opportunité était là.
Il a hoché la tête, distrait.
« D'accord. Mais prends des gardes. »
Ils se sont levés ensemble, m'abandonnant devant mon assiette vide.
Je suis retournée dans mon bureau secret.
J'ai sorti le dossier, j'ai changé les codes, j'ai sécurisé les itinéraires.
Puis, ma main s'est posée sur mon ventre plat.
La nausée de la veille n'était pas due à la nourriture.
Je connaissais les signes.
Je me suis regardée dans le miroir, pâle et cernée.
« Tu ne fuis plus seulement pour toi, » ai-je chuchoté à mon reflet. « Tu dois sauver deux vies. »
Les règles du jeu venaient de changer.
Et je n'avais pas l'intention de perdre.