« Ne t'énerve pas comme ça chérie, tu te rappelles ce que t'as dit Peter il y a quelques jours ?! Tu fais de l'hypertension, respires et détends-toi je vais aller voir ! » Harry attentionné, essayait de rassurer sa femme.
Harry, descendit le perron, et marcha d'un pas rapide vers l'entrée de la propriété, âgé d'une soixantaine d'année, mais il en faisait clairement une dizaine de moins. Travailler tous les jours à la ferme le maintenait en forme. Lui et sa femme, avaient toujours vécu ici depuis qu'ils s'étaient mariés, c'était une ferme familiale... La famille d'Harry, était des grands passionnés de chevaux, ils s'étaient transmis cette passion de génération en génération. C'était un petit élevage, juste de quoi leur permettre de subvenir à leurs besoins. Ils ne cherchaient pas le profit, c'était des gens d'une extrême simplicité. Ils ne vivaient que pour leur ferme et les animaux qui s'y trouvaient.
Plus Harry avançait vers le ruisseau, plus ses yeux s'agrandissaient d'horreur et de surprise. Pris de panique par la scène se trouvant devant lui, son cœur tambourinait dans sa poitrine !
Il se mit à courir, n'écoutant plus ses jambes mais la peur qui l'envahissait de plus en plus.
Anita ne comprenait pas la réaction de son mari, elle regardait d'un œil attentif ce qui se passait, les yeux grands ouverts, figée par la réaction de son époux... " Il a oublié l'âge qu'il a ou quoi ?! Il va faire un infarctus à courir comme ça, qu'est-ce que je ferai si son cœur lâche ?! Il m'abandonnerait pour un animal mort ?! Je lui ai dit de se dépêcher certes... Mais surement pas de faire un sprint ! "
Anita n'avait jamais imaginé ce qui allait se passer quelques secondes plus tard...
Harry prit le corps mou de la fillette dans ses bras et couru, l'adrénaline coulant abondamment dans ses veines. Cet homme de nature tranquille et calme se mit à crier « Anita ! Anita ! Va vite chercher des couvertures ! Allume la cheminée, fais bouillir de l'eau, sors le kit de premiers secours ! Et dépêche-toi !! »
Anita, se leva du rocking-chair, lâcha son tricot et resta figée de stupeur face à la scène qui se déroulait. La bouche grande ouverte, les yeux pleins d'effroi. Harry courait, remontant l'allée le plus vite possible, le corps inerte d'une enfant gisant dans ses bras, malgré la distance Anita pouvait voir que l'enfant portait une robe, sa tête balançait en arrière, ses cheveux suivant le rythme du vent.
« Anita !! Je t'ai dit de te dépêcher ! Ce n'est pas le moment d'avoir une crise de panique ! Dépêche-toi, il y a une vie en jeu !! Elle est inconsciente !!! »
" Inconsciente ... Une vie en jeu ... " ça tournait en boucle dans la tête de la vieille femme. Puis elle a eu un électrochoc... " Mon dieu ... Je pensais que c'était un animal mort ... mais... c'est une enfant... Comment est-ce possible ?! "
Anita rentra le plus vite possible, remit du bois dans la cheminée afin de faire repartir les braises, sorti des couvertures d'une armoire du salon, les installa à la hâte devant la cheminée, puis elle se rendit dans la cuisine, le cœur battant, les mains tremblantes, elle mit l'eau dans la bouilloire et la posa sur le gaz.
Pendant qu'elle montait à l'étage pour récupérer le kit de premiers soins, Harry déposa la fillette devant le feu, l'enroula dans une couverture, son front perlait de sueur, sa respiration était courte et rapide, mais il n'avait pas le temps de penser à lui, il y avait plus urgent !
Anita descendit avec la trousse ... Les mains couvrant partiellement sa bouche « Qu'a cette pauvre enfant ?! Qu'est-ce qu'elle faisait gisante dans l'eau Harry ... Qui peut faire ça à une enfant ?! » Anita regardait le beau visage de la fillette inconsciente, la peau et les lèvres bleutées, son bras ouvert sanguinolent, sa petite robe rose était collée à sa peau tellement elle était trempée. La fillette était couverte de saletés et de sang.
Harry essayait de garder son calme, un tas d'émotions le traversait mais il n'avait pas le temps d'y réfléchir. Il avait fait son service militaire donc il avait des notions pour prodiguer les premiers soins à la fillette. Dès qu'Harry avait vu le corps inerte, son premier réflexe avait été de prendre son pouls, il était faible mais elle respirait encore. À ce moment-là il s'était juré de tout faire pour la sauver... Elle était un trésor à chérir.
Deux jours plus tard, la fillette était toujours allongée endormie dans le lit à l'étage. Harry et Anita avait tout essayé pour la réveiller. Ils avaient bandé ses plaies, ils étaient restés à son chevet nuit et jour, se relayant. Ils avaient fait venir leur vieil ami Peter qui était le médecin du village.
Il avait d'abord cru à une plaisanterie de son ami Harry ... Anita et lui n'avaient jamais eu d'enfant. Alors quand ils l'avaient appelé agité, Peter n'avait pas compris sur le moment. Prenant son travail très à cœur il s'était quand même rendu rapidement à la ferme, pensant qu'Harry et Anita étaient probablement devenus sénile... Mais quand Peter avait vu la fillette, son professionnalisme avait vite repris le dessus.
Peter lui a posé une intraveineuse pour la resucrer, il lui a également fait une injection d'antibiotique et a vérifié le pansement qu'Harry avait fait au niveau du bras de la fillette un peu plus tôt. La plaie était propre malgré la profondeur de la blessure, Peter était surpris... Ce jour-là il avait découvert des capacités de son ami insoupçonné, pourtant Harry et lui se connaissaient depuis longtemps.
Plus tard dans la nuit, Harry et Anita attendaient près du lit, les yeux fixés sur le beau visage angélique de la fillette, espérant toujours qu'elle se réveille.
Quand le silence a été brisé par un gémissement à peine audible, ils n'y croyaient plus.
« Hmm ... NON ... NON... Ne me faites pas de mal !! »
Harry se rapprocha du lit, caressant les longs cheveux châtains de la fillette « Chuut, tout va bien, ne t'inquiètes pas petite fille, personne ne te fera de mal ici, tu es en sécurité. »
Anita prit la main de la fillette, et lui caressa doucement en fredonnant pour la rassurer. La fillette a fini par se calmer et ouvrir les yeux.
C'était le premier contact entre eux. La fillette regarda attentivement les deux personnes d'un certain âge et pu lire dans leurs yeux, la sincérité et la tendresse malgré la fatigue qui marquait leurs visages.
« Grandma, Grandpa... ? Où... Où suis-je ? » Demanda la fillette, la voix fragile et cassée dû aux épreuves qu'elle venait de vivre.
C'était la première fois que la fillette leurs adressait la parole et pourtant leurs cœurs se sont immédiatement attendris face aux mots doux de la fillette.
Quand elle les a appelés Grandma et Grandpa , ils la considérèrent de suite comme leur amour de petite fille. Anita passa une main sur son visage au charme enfantin et lui dit :
« Tu es en sécurité, Grandma et Grandpa vont s'occuper de tout, tu dois seulement te reposer pour reprendre des forces ma chérie. »
« Où sont ma maman et mon papa ? » a demandé la fillette, essayant tant bien que mal de bouger et se redresser dans le lit, ses beaux yeux verts remplis de larmes.
Il ne servait à rien de lui cacher la vérité plus longtemps... Elle finirait par l'apprendre d'une façon ou d'une autre, le plus tôt serait donc le mieux...
« Nous... Nous t'avons trouvé, tu étais seule petite fille, nous ne savons pas où sont tes parents, désolé » dit tristement Harry le cœur lourd, il s'était déjà beaucoup attaché à la fillette.
« Je... Je ... Je ne comprends pas ... » sanglotant, ses beaux yeux verts coulaient abondamment.
Passant sa main sur ses petites joues rouges, séchant ses larmes, Anita qui était une femme forte avec un caractère bien trempé, était à cet instant, attendrie par cette magnifique petite fille, si fragile. Elle avait réveillé en elle, son instinct maternel.
« Tout ira bien petit cœur, dis-nous comment s'appellent tes parents, nous les appelleront... »
La fillette qui sanglotait s'est mise à pleurer encore plus, on aurait pu penser que les chutes du Niagara n'étaient rien à côté du torrent qui coulait des yeux de cette enfant.
« Je ...je ...sniff... Je ne me souviens pas, ouuuuin ouuuuin !! »
Pris au dépourvu, ne s'attendant pas à ça, Harry et Anita se sont regardés, surpris.
" Qu'allons-nous faire ?! " Le vieux couple n'avaient pas besoin de parler pour se comprendre, un regard a suffi.
« D'accord, petit cœur, alors dis-nous ... Est-ce que... Tu te rappelles comment tu t'appelles ? Si tu ne sais pas... Ce n'est rien, je t'appellerai désormais petit cœur. » Se rapprochant de la fillette et la prenant dans ses bras pour la rassurer...
Anita n'avait jamais eu d'enfant, pourtant elle avait ressenti le besoin de protéger cette enfant comme la sienne, avec une voix douce et rassurante.
Son étreinte affectueuse, l'odeur agréable de la vieille dame l'avait immédiatement calmée, elle s'est sentie à l'aise et ses larmes ont cessé de couler.
« Oui ! Je m'appelle Kamilya. »
« Douce Kamilya... Repose-toi maintenant. »
Douze ans plus tard ...
Kamilya a ouvert les yeux, reportant son attention sur l'instant présent... Une douleur lancinante dans le thorax. Elle a pratiqué l'exercice de respiration que Peter lui avait appris des années auparavant. Elle se sentait un peu mieux ... Le stress provoqué par son traumatisme, avait toujours été compliqué à gérer, mais avec l'expérience, elle y arrivait de plus en plus rapidement.
Kamilya était de nature très observatrice, surtout parce que pour elle, les détails étaient la clef. On pouvait comprendre et apprendre énormément de choses sur une situation ou sur quelqu'un rien qu'en l'observant attentivement.
Elle restait souvent en retrait de tout et tout le monde. Non pas qu'elle était asociale, au contraire elle était très humaine et se sentait heureuse de pouvoir se rendre utile et être serviable. Malgré cela elle était intimement persuadée qu'en se mettant en avant, elle raterait les détails de la vie et passerait à côté de la vraie nature des gens ...
Il est vrai que si vous observez une scène à distance, il est plus facile de voir l'entièreté de la situation, aucun faux semblant. En étant acteur de la situation, il devient plus difficile de ressentir les tenants et les aboutissants.
Kamilya avait une sensibilité et un instinct qui se démarquait de la nature humaine en générale.
Elle ne pouvait pas l'expliquer avec des mots c'était plus un ressenti, quelque chose qui venait du plus profond de son âme, et la guidait dans son quotidien. Elle voyait son don comme un super pouvoir, mais pour cette raison elle était souvent incomprise, et seule.
Durant son adolescence, elle avait eu peu d'ami, pour les autres elle n'était qu'une paria, mais Kamilya s'en fichait. Elle se sentait plus proche de la nature et des animaux. Les chevaux sont des animaux instinctifs et hypersensibles, elle se sentait beaucoup plus à sa place auprès d'eux. Avec eux, elle n'avait pas besoin de parler, ils sentaient sa bonté d'âme et son grand cœur.
Elle n'avait aucun souvenir de son enfance... En vieillissant Kamilya s'était faite une raison. Après tout, il ne fallait pas être Einstein pour comprendre qu'elle ne s'était pas totalement remise de son traumatisme. Elle faisait des cauchemars quasiment toutes les nuits, elle avait une cicatrice qu'elle n'expliquait pas et Grandma et Grandpa l'avaient accueilli dans des circonstances étranges.
D'ailleurs, elle leurs devait tellement, Kamilya se sentait finalement chanceuse, ils l'avaient élevé et éduqué comme leur petite fille, elle les aimait profondément et elle était extrêmement reconnaissante envers eux, elle aurait pu mourir ce jour-là, elle aurait pu également tomber sur des gens bien pire mais une question persistait dans son esprit...
Qui était-elle avant ce jour ?! Sa famille n'était jamais venue la chercher... Pourquoi ??