Chapitre 5 Chapitre 5

Elle était contre moi, et je ne pouvais détacher mon regard d'elle. Je l'avais imaginée mille fois, mais rien n'approchait la réalité. Sa chevelure blond vénitien tombait en vagues légères, et la teinte rare de ses yeux – cette nuance d'améthyste – semblait presque irréelle. Une part de moi luttait pour garder le contrôle ; une autre brûlait de la serrer davantage, comme si je risquais de la perdre en un instant.

Ma compagne. La mienne. Pendant des années, j'avais espéré la revoir, prié pour que nos chemins se croisent à nouveau. Et maintenant, elle somnolait dans mes bras. Je doutais qu'elle se rappelle de moi : la dernière fois, elle n'était qu'une enfant. J'étais un gamin moi aussi. Nos mères avaient grandi ensemble, puis la vie et les meutes les avaient séparées. Un jour pourtant, tante Meryl était revenue, accompagnée d'une fillette de cinq ans. J'en avais douze. Elle s'était immédiatement accrochée à moi, comme si elle m'avait toujours connu.

Je me souviens encore de la boule qui m'avait serré le ventre quand elle avait dû repartir. J'avais supplié Maman : « Elle ne peut pas rester ? » Elle avait seulement souri, posant sa main sur ma tête. « Tu la reverras plus tard, mon grand. » J'avais dû la rendre à sa mère. La petite Adira s'était agrippée à ma chemise, en pleurs. Son chagrin m'avait marqué au fer rouge. Puis elle avait disparu de ma vie. Avec le temps, le souvenir s'était estompé, au point que j'avais cru avoir rêvé cette journée. Jusqu'à ce soir. Jusqu'à elle.

Dans mes bras, elle remua légèrement ; c'est là que je compris qu'elle s'était assoupie. Je sortis du hall avec elle contre moi. Les regards se tournèrent vers nous, certains admiratifs, d'autres pleins d'envie. Je n'ignorais pas que, dans cette meute, on ne la respectait pas. Cela se voyait dans les œillades méprisantes qu'on lui lançait. Tout cela allait changer.

Rolf, mon loup, grondait encore intérieurement. Ce gamin l'a touchée comme s'il y avait droit, grogna-t-il. Une colère froide me traversa. Personne n'aurait dû poser la main sur elle de cette façon. Elle était à nous, un point c'est tout.

On m'avait indiqué que nos chambres étaient prêtes. Pour ne pas la réveiller, je la déposai avec précaution sur le lit. Elle sembla s'enfoncer dans les draps comme si elle y trouvait un refuge. Je me penchai et posai mes lèvres sur son front, un geste presque instinctif, qui m'échappa.

Elle ne m'avait pas reconnu. Et pourtant... Elle avait vingt ans. Son loup s'était déjà manifesté, mais elle n'avait jamais vécu sa première transformation. Je repensai à la couleur singulière de ses yeux, cette teinte qu'on ne trouvait que dans une seule lignée : les Loups de la Lune. Il faudrait que je questionne ma mère sur l'histoire des Wade.

Je sortis et descendis le couloir jusqu'à la salle de conférence. Mars, cet imbécile, avait apparemment trouvé le moyen de déclencher une catastrophe : deux délégués étaient morts. Lorsque j'ouvris la porte, tout le monde se redressa et s'inclina avant d'oser reprendre place.

« Explique-moi comment deux diplomates ont pu mourir sur ton territoire », lançai-je en fixant l'alpha.

Il se tortilla sur sa chaise, et son malaise emplissait la pièce. L'autorité qui émanait de moi écrasait leurs loups, et ils le sentaient.

« Nous... il y a eu un accident. C'est dans notre rapport, mon roi », bafouilla Mars.

« Votre rapport est une farce. Ces hommes étaient ici pour comprendre ce qui était arrivé aux Wade et vérifier vos dires. Et ils n'ont jamais quitté votre meute vivants. »

Jett ajouta d'une voix dure : « Cette meute nous paraissait déjà douteuse. Après la mort de l'ancien bêta et de sa compagne, nous avions envoyé d'autres émissaires. Aucun n'est revenu. Ils ont parlé d'un accident. Ensuite, ils se sont emparés de la meute voisine. »

Steven, le bêta, prit la parole : « Leur voiture a explosé quand ils sont partis. Nous avons couru les aider, mais il était trop tard. »

Il y avait quelque chose de malsain chez lui. Une avidité mal dissimulée. Je me demandai s'il était lié au sort des Wade.

Le fils de l'alpha, stupide ou inconscient, demanda : « Mais pourquoi enquêter maintenant ? Cela fait trois ans. »

Je lui lançai un regard noir qui le fit se raidir. Jett renchérit : « Vous accumulez les incidents. »

« Et s'emparer des meutes voisines, c'était censé résoudre vos problèmes ? » grognai-je.

Ils continuèrent à balbutier des justifications absurdes. Fatigue et colère montaient en moi. Je finirais par m'occuper d'eux, tôt ou tard.

Je changeai brusquement d'angle. « Parlons d'Adira. »

Un froid glacial tomba dans la salle. Ils se figèrent comme si je venais de prononcer une menace directe.

« Faut-il que je répète ? »

L'alpha déglutit. « Adira Wade... ses parents ont trahi la meute. »

Je grognai, un avertissement clair.

« Elle nous cause souvent des soucis », ajouta Steven, hésitant.

Aspen, l'un de mes hommes, intervint : « Pourquoi faisait-elle le service si elle est de haut rang ? Et j'ai vu quelqu'un se moquer d'elle. »

Jett acquiesça. « Oui, un de ses pairs l'a humiliée. »

Steven balbutia : « Elle... elle aide comme tout le monde, mon roi. Et quand elle est harcelée... elle se défend. C'est l'une de nos meilleures guerrières. »

« Donc, parce qu'elle sait se battre, vous laissez n'importe qui l'attaquer ? » gronda Aspen.

La colère m'envahit.

« Ses parents ont trahi la meute, alors nous avons dû... »

Je n'attendis pas la suite. Je l'attrapai par la gorge et le plaquai contre le mur.

« Vous l'avez enfermée après leur mort ? »

Il pâlit comme s'il manquait d'air.

« N-non, roi Wyatt... Nous l'avons interrogée, puis relâchée. Pas de preuves... »

« Mais vous l'avez laissée être traitée comme un déchet ! »

Steven tenta d'intervenir : « Ce n'est pas ce que vous croyez. Il y a eu quelques incidents, mais ils ont été sanctionnés. »

L'alpha devint livide quand je le projetai sur une chaise. Le bruit sec qui suivit fut étrangement satisfaisant.

Je quittai la pièce avant d'aller plus loin. Je regagnai la chambre d'amis où Adira dormait encore. Elle s'était étalée sur le lit, occupant déjà presque tout l'espace. Cette vision m'arracha un sourire. Je m'assis près d'elle et laissai mes doigts glisser dans ses cheveux.

Après une douche glacée pour calmer mes nerfs, je la rejoignis dans le lit. Elle ne se réveilla pas. Son parfum m'enveloppa aussitôt, apaisant Rolf et moi d'un seul coup. Je m'endormis contre elle, enfin tranquille.