Chapitre 4 Chapitre 4

Il s'approcha lentement, me tournant autour comme pour mieux mémoriser ma présence, et je frissonnai lorsqu'il effleura ma peau de son souffle, comme s'il tentait de discerner chaque nuance de mon odeur. Son geste resta mesuré, presque étudié, lorsqu'il glissa un doigt sous mon menton pour relever ma tête. Dans ses yeux passait une lueur de stupéfaction contenue, comme s'il venait de découvrir quelque chose qu'il n'attendait pas.

- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il d'une voix tranquille.

- A... Adira. Adira Wade.

J'avais l'impression que mon cœur s'échappait de ma poitrine. Le silence autour de nous me rendait encore plus consciente de ce battement trop rapide.

- Tu es d'une beauté rare, souffla-t-il, comme une simple constatation.

Je sentis mes joues chauffer. Je n'avais jamais pensé paraître remarquable. Je me voyais comme une fille quelconque : fine, discrète, sans éclat particulier. Pourtant ses doigts, glissant doucement contre ma joue, donnaient l'impression qu'il voyait autre chose.

- Pourquoi ta forme n'est-elle pas encore apparue ? demanda-t-il.

- Je... je n'en sais rien, monsieur, répondis-je, mal à l'aise.

À mon âge, la plupart avaient déjà découvert leur nature. Moi, rien.

- Quel âge as-tu, Adira ?

- Vingt ans, murmurai-je.

Il m'entendit sans effort.

- Est-ce que je t'effraie ?

Je ne trouvai rien à répondre. Comment nier ? Il représentait tout ce qui pouvait intimider : une autorité froide, une réputation lourde, une force presque palpable. J'étais encore secouée par tout ce qui venait de se dérouler.

Il poussa un soupir bref, se redressa et regagna son siège. Puis il me désigna d'un geste pour que je le rejoigne à la table d'honneur. J'hésitai. Il fronça légèrement les sourcils, et cette simple expression fit tomber un voile de tension sur toute la salle. Ne voulant pas susciter sa colère, j'obéis.

À peine arrivai-je à portée de sa main qu'il m'attira vers lui et me fit asseoir sur ses genoux, comme si ce geste allait de soi. Ses mains se posèrent sur mes épaules. Autour de nous, un murmure choqué parcourut l'assemblée.

Baissant instinctivement la tête, j'entendis sa voix, aussi froide qu'un ordre :

- Ne baisse pas les yeux. On ne se cache pas quand tout un peuple vous regarde. Lève la tête, ma Reine.

Je relevai le regard malgré la honte qui m'étranglait. Je croisai d'abord celui de Mars et de Steven : ils me fixaient comme si j'avais commis une trahison. Grayson, lui, était livide, agrippant un couteau de table si fort que ses phalanges blanchissaient. Les filles Steven, elles, semblaient pétrifiées. Une satisfaction amère me traversa. Ils ne pourraient plus m'humilier aussi facilement désormais.

Le roi leva légèrement la main et le brouhaha reprit comme si de rien n'était.

- Dis-moi qui tu es, dit-il en se penchant vers moi.

- Je n'ai rien d'intéressant à raconter, mon roi.

- Il y a toujours quelque chose, insista-t-il.

Je pris une inspiration.

- Je suis orpheline. J'ai fait des études d'enseignement et j'ai obtenu un diplôme. Je fais aussi partie des combattantes de la meute. Avant... j'aidais à former les plus jeunes.

Je tentai de parler distinctement malgré la peur qui me tenaillait.

- C'est admirable. Et ta famille ? demanda-t-il.

- J'ai un petit frère, Lucas. Il a douze ans, je m'occupe de lui.

Il n'était pas vraiment mon frère, mais cela ne changeait rien : je l'élevais depuis la mort de sa mère. Il hocha la tête et m'invita d'un geste à manger. Je réalisai seulement à ce moment-là que je n'avais rien avalé depuis la veille. Je saisis une poire, mon fruit préféré, et croquai dedans, consciente de son regard posé sur moi.

L'envie de quitter ses genoux me brûlait. L'instant était trop exposé, trop intime pour un lieu aussi rempli. Pourtant, sa main posée sur moi m'indiquait clairement qu'il n'avait aucune intention de me laisser partir.

- Et toi ? demandai-je soudain. Quel est ton nom ?

Il eut un sourire discret.

- Wyatt McMillan.

Le nom lui allait parfaitement. Les doigts qu'il faisait glisser le long de mon bras apaisaient un peu la tension qui m'étouffait.

Kira ? appelai-je en moi. C'est lui ?

Ma louve resta silencieuse un moment, avant de répondre avec prudence :

Attendons la pleine lune bleue. Mais... je sens quelque chose.

Cette nuit-là était celle où les métamorphes découvraient leur âme sœur.

Oui... moi aussi, murmurai-je intérieurement.

La soirée se prolongea. Je luttai pour rester éveillée, mais mes paupières devinrent lourdes. À un moment, sans m'en rendre compte, je me penchai contre lui. L'obscurité m'enveloppa, douce et irrésistible, jusqu'à ce que je sombre dans le sommeil.