Le Millionnaire Qui M'a Relevée
img img Le Millionnaire Qui M'a Relevée img Chapitre 4 Chapitre 4
4
Chapitre 6 Chapitre 6 img
Chapitre 7 Chapitre 7 img
Chapitre 8 Chapitre 8 img
Chapitre 9 Chapitre 9 img
Chapitre 10 Chapitre 10 img
Chapitre 11 Chapitre 11 img
Chapitre 12 Chapitre 12 img
Chapitre 13 Chapitre 13 img
Chapitre 14 Chapitre 14 img
Chapitre 15 Chapitre 15 img
Chapitre 16 Chapitre 16 img
Chapitre 17 Chapitre 17 img
Chapitre 18 Chapitre 18 img
Chapitre 19 Chapitre 19 img
Chapitre 20 Chapitre 20 img
Chapitre 21 Chapitre 21 img
Chapitre 22 Chapitre 22 img
Chapitre 23 Chapitre 23 img
Chapitre 24 Chapitre 24 img
Chapitre 25 Chapitre 25 img
Chapitre 26 Chapitre 26 img
Chapitre 27 Chapitre 27 img
Chapitre 28 Chapitre 28 img
Chapitre 29 Chapitre 29 img
Chapitre 30 Chapitre 30 img
Chapitre 31 Chapitre 31 img
Chapitre 32 Chapitre 32 img
Chapitre 33 Chapitre 33 img
Chapitre 34 Chapitre 34 img
Chapitre 35 Chapitre 35 img
Chapitre 36 Chapitre 36 img
Chapitre 37 Chapitre 37 img
Chapitre 38 Chapitre 38 img
Chapitre 39 Chapitre 39 img
Chapitre 40 Chapitre 40 img
Chapitre 41 Chapitre 41 img
Chapitre 42 Chapitre 42 img
Chapitre 43 Chapitre 43 img
Chapitre 44 Chapitre 44 img
Chapitre 45 Chapitre 45 img
Chapitre 46 Chapitre 46 img
Chapitre 47 Chapitre 47 img
Chapitre 48 Chapitre 48 img
Chapitre 49 Chapitre 49 img
Chapitre 50 Chapitre 50 img
Chapitre 51 Chapitre 51 img
Chapitre 52 Chapitre 52 img
Chapitre 53 Chapitre 53 img
Chapitre 54 Chapitre 54 img
Chapitre 55 Chapitre 55 img
Chapitre 56 Chapitre 56 img
Chapitre 57 Chapitre 57 img
Chapitre 58 Chapitre 58 img
Chapitre 59 Chapitre 59 img
Chapitre 60 Chapitre 60 img
Chapitre 61 Chapitre 61 img
Chapitre 62 Chapitre 62 img
Chapitre 63 Chapitre 63 img
Chapitre 64 Chapitre 64 img
Chapitre 65 Chapitre 65 img
Chapitre 66 Chapitre 66 img
Chapitre 67 Chapitre 67 img
Chapitre 68 Chapitre 68 img
Chapitre 69 Chapitre 69 img
Chapitre 70 Chapitre 70 img
Chapitre 71 Chapitre 71 img
Chapitre 72 Chapitre 72 img
Chapitre 73 Chapitre 73 img
Chapitre 74 Chapitre 74 img
Chapitre 75 Chapitre 75 img
Chapitre 76 Chapitre 76 img
Chapitre 77 Chapitre 77 img
Chapitre 78 Chapitre 78 img
Chapitre 79 Chapitre 79 img
Chapitre 80 Chapitre 80 img
Chapitre 81 Chapitre 81 img
Chapitre 82 Chapitre 82 img
Chapitre 83 Chapitre 83 img
img
  /  1
img

Chapitre 4 Chapitre 4

Je soulève une cuisse pour libérer son horrible parka gris taupe qui pue l'humidité et la bêtise. J'ai à la fois envie de pleurer, de hurler, de lui expliquer la vie et de le frapper, mais les autres passagers commencent à nous regarder. Je baisse la tête et espère l'incident clos. J'ai l'habitude.

Plus on prend de place, plus il faut savoir s'écraser.

– Vous ne voyez pas que l'avion est plein ? Comptez sur moi pour demander à changer de place dès que ce sera possible. Je ne passerai pas une heure serré comme ça.

– Pauvre bichon, murmuré-je en sentant ma colère monter à nouveau.

La passagère à ma gauche se marre mais n'intervient pas. À ma droite, le type en parka hèle en claquant des doigts une hôtesse qui passait par là.

– Excusez-moi ? De nos jours, on n'est pas censé acheter deux billets quand on déborde sur le siège d'à côté ? Je ne peux pas passer le vol dans ces conditions. J'exige un surclassement immédiatement.

Pour éviter d'exploser, j'essaie de plaisanter en m'adressant à mon tour à l'hôtesse gênée.

– Excusez-moi ? Quand on sent à la fois le vieux pet et le pipi au lit, on n'est pas censé prendre un traitement pour ne pas incommoder ses voisins ?

C'est insupportable, j'exige un pince-nez !

– Vous vous trouvez drôle ? réplique-t-il, rouge écarlate.

– Oui, c'est ce qu'on attend des gros, non ? Pensez à faire vérifier votre prostate et votre colon, monsieur, c'est ce qu'on attend des vieux.

Les rires fusent dans les allées d'à côté. Le type malodorant se lève d'un bond, perd sa patience et le peu de politesse qui lui restait.

– Je ne vais certainement pas me laisser parler comme ça par une grossevache. Soit vous la déplacez, et il va vous falloir une grue, soit vous m'emmenez illico en classe affaires pour régler ça.

Il claque à nouveau des doigts sous le nez de la pauvre hôtesse qui cherche à tout prix à fuir.

– Je vais voir ce que je peux faire, monsieur...– Non mais vous plaisantez, là ?!

Ma colère prend soudain un autre tournant – du genre dérapage dangereux sur une plaque de verglas. Je peux encaisser les insultes, quand elles se font discrètes, j'ai déjà tout entendu. Je me fous bien de devenir une vache, une truie, une bombonne, une barrique ou une baleine dans la bouche des imbéciles plus ou moins originaux. Mais les humiliations publiques, ça ne passe plus. M'habiller en taille cinquante ne fait pas de moi une victime consentante : qu'on me marche dessus, qu'on me rabaisse, qu'on m'appelle « ça », qu'on me réduise à mon corps gros comme si je n'étais qu'un objet, un amas de chair et de bourrelets, qu'on m'écarte comme un problème à régler, qu'on cherche à me faire disparaître pour me punir de trop exister, je ne le mérite pas. Je porte déjà mon poids tous les jours, toute l'année, je suis grosse et je le sais, je n'ai pas à supporter aussi le fardeau du rejet.

Il y a bien longtemps que j'ai arrêté d'avoir honte de qui j'étais.

– Je ne bougerai pas d'ici, annoncé-je de ma voix la plus déterminée. Jen'ai aucun problème avec ce siège et si quelqu'un doit être déplacé, c'est lui. Si vous pensez qu'il mérite d'être surclassé après son petit caca nerveux, si vous êtes tous en train de vous dire que vous préféreriez passer ce vol à côté de Jon Prostatus plutôt que moi, si vous trouvez normal qu'on humilie la grosse de service sans que personne ne songe à intervenir, alors c'est vous qui avez un problème. Moi aussi je peux me fâcher tout rouge et transpirer dans mon manteau, mais j'ai au moins la décence de sentir bon. Et vous, Anorak, si vous sentez que vous n'allez plus pouvoir vous retenir... les toilettes sont au fond ! Merde, à la fin !

Autour de moi, je vois à peu près autant de visages réprobateurs que compatissants. Quelques retraités marmonnent dans leurs barbes, quelques femmes, en surpoids ou non, me sourient tristement, et une seule voix s'élève en français de l'autre côté de l'allée.

– Super speech contre la grossophobie... Mais est-ce qu'on ne pourraitpas juste laisser cet avion décoller ?

J'ai à peine le temps d'entrevoir son profil. Le mec en costard noir me tourne le dos, retire son pardessus gris chiné très chic puis le glisse dans le coffre au-dessus de sa tête sans daigner m'adresser un regard.

– Vous avez raison, rétorqué-je. On essaiera de changer le monde uneautre fois. Je suis sûre que votre mètre quatre-vingt-dix et votre corps sculpté sont très sensibles à ma cause quand ils en ont le temps.

– Je rêve ou vous vous en prenez gratuitement à mon apparence physique, là ?

Le grand brun se retourne lentement pour finir par m'adresser un petit sourire parfaitement arrogant. Regard de braise, tignasse épaisse mais maîtrisée, teint mat, mâchoires acérées, sang chaud.

Ah non, la chaleur, ça c'est en moi après l'effet qu'il me fait.

– Faites un scandale si ça vous chante, mais vous êtes en train de vousmettre tout un avion à dos alors que vous avez raison sur le fond. Je propose simplement d'échanger ma place avec ce monsieur et de passer le vol à côté de vous. Tout le monde est content, comme ça ? – Non, c'est hors de question !

Je m'insurge pour le principe : je ne suis pas une patate chaude qu'on se refile. Et je déteste qu'on décide à ma place. Alors je me relève brusquement, sans trop savoir encore dans quel but, mais la sangle de mon sac à main s'envole et le petit passant métallique atterrit en plein milieu du visage de mon voisin. En plus de l'odeur et de la méchanceté, voilà que Vieux Pet se met à saigner du nez. Et merde...

– Non, mais non ! Je vous assure que je n'ai pas du tout fait exprès !

– Mais c'est quoi cette folle furieuse ? Y a-t-il un médecin parmi vous ?

Oh, et appelez-moi le commandant de bord sur-le-champ !

– Mollo avec les répliques de film, hein ! Je vous ai cassé quelque chose ? J'avais très envie de vous frapper il y a cinq minutes mais là je vous le jure, ce n'était pas mon but. Je peux regarder ? – Ne me touchez pas, bon sang !

– Ça pisse le sang, ça c'est sûr...

Le type sort un mouchoir en tissu à carreaux de la poche de son anorak taupe, maintenant maculé de taches rouges. C'est un carnage. Je meurs de honte, de gêne et d'embarras à la fois.

Et mon sauveur de l'allée centrale se marre encore.

Dans l'avion surchauffé, les hôtesses de l'air s'affolent, les passagers s'impatientent et je ne sais plus si je dois rire ou pleurer.

– J'exige des excuses et un surclassement immédiat ! s'énerve le pisseur en parlant du nez.

– Oh, ça va, vous ne voulez pas qu'ils vous remboursent le billet et larhinoplastie aussi ? Appuyez fort pour que ça arrête de saigner !

– Arrêtez de faire de l'humour et foutez-moi la paix ! Je vais vous coller un de ces procès, ma grosse !

Après cet ultime sursaut d'élégance, Anorak s'enfonce les doigts dans les narines et se tient la tête en arrière pendant qu'on lui fournit des Kleenex à ne plus savoir qu'en faire. Une hôtesse tente de le soigner, une autre me menace de me sortir de l'avion si je continue à retarder le vol, comme si j'étais la seule responsable de tout ce foutoir dedans et même de la tempête de neige dehors.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022