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Le jour de la mort de ma grand-mère, mon fiancé a ramené sa maîtresse à la maison. Inès était mon sosie, une version améliorée de moi-même qu'il présentait au monde comme sa véritable muse. J'étais son brouillon, son « substitut ».
Il a oublié mon anniversaire, m'a forcée à accepter les cadeaux humiliants de ma remplaçante, puis m'a accusée de l'avoir empoisonnée.
Pour me « punir », il m'a fait boire un poison qui m'a laissée à l'agonie.
Mais le pire était à venir. Il m'a piégée avec une fausse fête d'anniversaire de mariage.
Je suis arrivée en robe de mariée, pour être aspergée d'eau glacée devant des centaines d'invités. La fête était pour Inès, qui portait la même robe, immaculée, pendant qu'il la demandait en mariage.
J'étais la risée de tous, le pathétique faire-valoir de leur amour.
Ce jour-là, j'ai compris. J'ai déchiré ma robe en lambeaux, brisé ma carte SIM et suis montée dans le premier avion pour Grasse.
Cette fois, c'est moi qui allais briller.
Chapitre 1
Éloïse POV:
Le jour où ma grand-mère est morte, le téléphone a sonné.
J' étais assise, les mains vides, près du lit froid. Le silence de l' appartement, autrefois rempli de son rire doux et de l' odeur de lavande, m' écrasait. Mon cœur était un caillou lourd dans ma poitrine. Elle était ma seule famille, mon seul pilier. Sans elle, j' étais perdue.
L' écran du téléphone affichait un numéro inconnu. J' ai hésité. Qui pouvait bien m' appeler maintenant ?
J' ai décroché.
« Allô ? » Ma voix était un murmure à peine audible.
« Éloïse, ma chérie ? C' est Eudeline. Eudeline Renucci. »
Le nom a ravivé un souvenir douloureux. Eudeline. La grand-mère de Camille, ma meilleure amie disparue trop tôt.
« Madame Renucci... » Mon souffle s' est coupé. La perte de Camille, puis celle de ma grand-mère. C' était trop.
« Je sais pour ta grand-mère, Éloïse. Je suis tellement désolée. » Sa voix était douce, empreinte d' une tristesse partagée. « Je sais ce que c' est que de perdre la personne qu' on aime le plus au monde. »
Un frisson m' a parcourue. Elle parlait de Camille.
« Je ne peux pas imaginer ce que tu traverses. » Sa voix s'est faite plus ferme. « Mais je ne peux pas te laisser seule. Je ne ferai pas ça. »
Une proposition inattendue a flotté dans l' air. « Viens à Grasse, Éloïse. La maison est grande. Il y a de la place. Viens te ressourcer. Viens m' aider à traverser mon deuil. »
Mes yeux se sont posés sur les draps blancs, les plis immaculés, comme le linceul de ma vie passée. Grasse. La capitale mondiale du parfum. Un monde que j' avais toujours aimé, mais où je n' avais jamais osé briller.
Une étincelle, infime et vacillante, s' est allumée au fond de mon cœur assombri. Une lueur de survie.
« Je... je ne sais pas, Madame Renucci. » La fatigue me pesait, mais son offre était comme une bouée de sauvetage.
« Réfléchis-y, ma chérie. La porte est ouverte. » Elle a fait une pause. « Et Samuel ? Il prend soin de toi, n' est-ce pas ? »
Le nom de Samuel a claqué comme un fouet. Mon fiancé. Le PDG charismatique du groupe de luxe pour lequel je travaillais dans l' ombre.
« Samuel... » Le mot s' est étranglé dans ma gorge. Un sourire amer a étiré mes lèvres. « Samuel et moi, nous allons divorcer. »
Le silence au bout du fil a été lourd de sens. Puis, un soupir. « Ma pauvre enfant. »
Un bruit de pas résonnait dans le couloir. Des pas lourds, familiers, que j' avais appris à détester. Samuel revenait.
Je n' avais plus l' habitude de l' attendre devant la porte, le sourire aux lèvres. Cette image d' épouse modèle, je l' avais déchirée en mille morceaux. Désormais, je me contentais de l' ignorer, de me fondre dans le décor.
La porte d' entrée s' est ouverte avec un claquement sec. Une voix perçante a déchiré le silence.
« Samuel, mon amour ! J' ai réussi à la faire venir ! »
Sabine. La sœur de Samuel. Toujours la première à savourer ma déchéance. Elle est apparue, un sourire triomphant aux lèvres, ses yeux noirs scrutant l' appartement à la recherche de ma présence.
Sabine m' a repérée, tapie dans le salon. Son sourire s' est élargi.
« Tiens, tiens, regarde qui est là. La petite laborantine. Toujours à roder ? » Son ton était acide, empli de mépris.
Le mot « laborantine » a heurté mon tympan. Ce n' était plus « Éloïse », ni « ma belle-sœur ». J' étais la « laborantine ». Une insignifiante.
« Qu' est-ce que tu as fait, Éloïse ? » Sabine a fait un pas vers moi, son regard perçant. « Tu as l' air d' avoir vu un fantôme. »
J' ai serré les poings. Son arrogance m' écœurait.
« Tu devrais être reconnaissante. Samuel te garde encore dans les parages. » Elle a ri, un rire sec et froid. « Mais ne t' y trompe pas. Ce n' est pas par affection. »
Une silhouette s' est avancée derrière Sabine. Une femme d' une beauté éclatante, un sourire enjôleur sur les lèvres.
Samuel la tenait par la taille. Sa main était posée là où ma main avait jadis trouvé sa place.
La femme portait une robe d' une élégance folle, mais ce n' était pas ce qui a attiré mon regard. Ses bras étaient chargés de paquets luxueux, de sacs de marque. Et un bouquet de roses rouges, d' un rouge si profond qu' il en était presque noir.
Le même rouge que les roses que Samuel m' offrait à chaque anniversaire.
Mon sang s' est glacé dans mes veines. Les roses. C' était la même variété, le même arrangement.
Samuel a posé sa main sur la nuque de la femme et l' a embrassée sur le front. Un baiser doux, protecteur. Un baiser qu' il ne m' avait pas donné depuis des mois.
Il l' a regardée avec une tendresse que je n' avais vue dans ses yeux que pour moi, il y a si longtemps.
« Inès, ma chérie, tu dois être épuisée. » Sa voix était douce, soyeuse.
Inès.
Le nom a résonné dans mon esprit. Inès Coutant. L' égérie. La socialite. Sa véritable muse.
« Ça va, mon amour. Mais je suis vraiment fatiguée. » Elle a souri, un sourire ravageur.
Samuel a tourné son regard vers moi. Son visage était impénétrable.
« Éloïse, montre la chambre d' amis à Inès. Elle va rester avec nous quelques jours. » Sa voix était un ordre, dénuée de toute émotion.
Mon corps a tressailli. La chambre d' amis. Ma chambre.
« Éloïse, tu m' entends ? » Sa voix s' est durcie.
Mes yeux se sont posés sur Inès. Elle me regardait avec un mélange de curiosité et une pointe de défi.
Non, je ne t' entends pas. Une voix féroide a hurlé dans ma tête.
Mais mes lèvres se sont ouvertes pour prononcer des mots que je ne voulais pas dire.
« Bien sûr, Samuel. » Ma voix était étrangement calme.
« Oh, ne t' inquiète pas, Éloïse. Je peux me débrouiller seule. » Inès a fait un pas en avant, une fausse prévenance dans le regard. « Tu as l' air fatiguée. »
J' ai levé les yeux vers elle. Ses cheveux étaient d' un blond parfait, ses yeux d' un bleu cristallin. Elle était moi, mais en mieux. La version améliorée, sans défauts, que Samuel avait toujours désirée.
C' était ça. La « laborantine ». L' ombre. J' étais le brouillon, elle était l' œuvre d' art finale.
Mon reflet dans le miroir. Elle avait mes traits, mais plus raffinés, plus éclatants. Le même nez fin, les mêmes lèvres pleines, même les taches de rousseur étaient parfaitement réparties.
Elle était Éloïse Herbelin, la parfumeuse que Samuel présentait au monde.
Je me suis mise à rire. Un rire court, étrange, qui s' est transformé en sanglot silencieux. Des larmes ont coulé sur mes joues, amères et chaudes.
Toute ma vie, j' avais été une copie. Une doublure. Depuis la mort de ma grand-mère, la dernière personne qui m' ait aimée pour ce que j' étais, j' errais. J' avais accepté d' être une ombre pour Samuel, pensant que son amour me rendrait réelle.
J' avais été si aveugle. Mon mariage était un mensonge, mon existence une imposture.
« Qu' est-ce qui te prend, Éloïse ? » La voix de Sabine était acerbe. « Tu as perdu l' esprit ? »
J' ai secoué la tête, les larmes brouillant ma vision.
« Non. » Ma voix était un souffle. « Je me suis juste rendu compte que je n' étais qu' un substitut. Une copie. »
Inès a jeté un regard gêné à Samuel.
« Samuel, je... je me sens un peu mal. Peut-être que je devrais aller à l' hôtel. » Elle a posé sa main sur son ventre, comme si elle avait une douleur subite.
Samuel a immédiatement froncé les sourcils. Son regard, froid et dur, s' est posé sur moi.
« Éloïse, va préparer la chambre d' amis. Maintenant. » Son ton était sans appel.
Prépare ma propre chambre pour mon remplaçante. La pensée m' a lacérée.
« Je n' ai aucune objection, Samuel. » J' ai forcé un sourire, un sourire vide de sens.
Je n' avais plus d' opinion. Mes opinions n' avaient jamais compté. Il était temps de partir.