Cet abruti prend bien son temps, alors que je lui ai dit que je ne voulais pas trainer. Mais comme toujours, il a dû prendre les petites routes pour s'amuser avec sa jeep... lui au moins, il peut en profiter. Alors que moi, j'en ai pour un moment avant de pouvoir partir à l'aventure, pour chasser ses tornades qui me font vibrer comme toujours. Nancy me regarde de l'autre côté du banc, mais je détourne mon regard en me levant de celui-ci pour aller rejoindre la route. Je n'ai aucunement envie de parler avec elle ce soir, tout ce que je veux, c'est que Rod m'amène ses foutues cigarettes, que je puisse aller m'allonger sur la berge, pour me reposer un peu. J'avance au travers de mes amis de lycée, qui sont déjà bien lancés, et je remets ma capuche en arrivant auprès des voitures. Je m'apprête à m'appuyer contre l'une d'elle, quand mon regard se porte vers la dernière voiture garée au bout.
- Putain, le con ! m'exclamé-je en avançant vers sa jeep.
Vous me direz, si je n'étais pas tombé en panne de batterie, j'aurais pu savoir qu'il était là. J'avance d'un pas décidé en remarquant qu'il y a une personne dans le véhicule, et je plisse un regard ahuri, en voyant cette nana sur le siège.
- Bordel, tu m'as fait peur ! s'exclame-t-elle en portant sa main à sa poitrine.
Poitrine... je veux dire des pastèques bien pleines, tout comme ses joues. Mais où il l'a trouvée celle-là ?!
Je penche un peu la tête sur le côté, dévisageant la fille qui ne semble plus sous l'état de choc. Je ne pense pas qu'elle fasse partie de notre lycée... viendrait-elle de Kansas city ? Non, il m'aurait prévenu s'il comptait ramener une nana à la propriété... Du moins, s'il a prévu de la sauter ce soir...
- Tu vas me dévisager longtemps ? me demande-t-elle alors que ses joues étaient creuses durant un instant.
- Ben, j'essaie de savoir pourquoi la sœur de poil de carotte se trouve dans cette caisse ? lui demandé-je.
Je m'attends à un retour sanglant de sa part, quand elle détourne son regard en soufflant.
- Ah désolé, aurais-je dû parler d'airbags ? lui demandé-je en plaçant mon bras sur le haut de la portière en souriant.
- Mon Dieu, le niveau de ce bled est de maternel, lance-t-elle amusée et je me fige.
Son visage à l'instant, qui devrait être en colère, est rayonnant et je serre les dents, avant de reclaper la portière devant cette nana, qui m'a mise de mauvaise humeur maintenant. Je me dirige vers ma bécane, sans chercher cet abruti de Rod, et je file du parc à travers la pelouse. Inspirant profondément par le nez, je décide de rejoindre un bar où je sais que l'on me servira à boire. Car oui, je n'ai que dix-huit ans, et mon cher père a prévenu tous les bars de la région, en leur interdisant de me donner à boire... Moi qui pensais profiter de Rod et de son âge ce soir, me voilà obligé de retourner au bar de Peter...
Morgane
Rod est revenu assez vite à la voiture, après le départ de cet abruti à capuche noire. Je ne lui ai pas parlé de lui, puisqu'il était déjà énervé de ne pas avoir trouvé son ami. Rentré à la propriété, je le remercie pour la balade, avant de rejoindre la maison. Non sans qu'il m'ait rappelé de lui demander si je voulais aller encore promener. Mais là, je suis à deux doigts de défaillir, n'ayant pas encore eu ma dose de chocolat de la journée, et je file dans la cuisine à peine arriver pour me faire des tartines, bien débordantes de pâte de chocolat, auxquelles ma mère aurait encore une réflexion à me faire à ce sujet. Je range tout ce que j'ai utilisé, et je file dans l'escalier, telle une voleuse pour rejoindre ma chambre. La climatisation est allumée, et je prends mon ordinateur portable pour me poser sur le lit, et profiter du frais de cette chambre. Le soleil est pourtant sur le point de se coucher, mais la chaleur, elle, ne semble pas l'avoir remarqué. Je m'apprête à me rendre sur le forum, quand on toque à ma porte.
- Ma chérie, tu es revenue, fait maman en entrant.
Non sans regarder mes tartines sur l'assiette.
- Je voulais m'excuser pour tout à l'heure, fait-elle en venant s'assoir sur mon lit.
- Pourquoi ne m'as-tu pas dit qu'il avait un fils ? lui demandé-je en jouant avec ma tartine entre mes doigts, tu pensais que j'aurais refusée de venir ?
- Non ma chérie, je sais que tu serais venue. Mais... Pour tout te dire, James et son fils sont un peu en froid, m'informe maman.
Je me souviens à cet instant de ce mec habillé en noir, qui tirait sur les bouteilles avec Rod. Mais surtout de la façon dont James était plus qu'énervé en sortant de la voiture, ne nous accompagnant même pas dans sa maison.
- Il a du mal de se remettre de la mort de sa mère, m'informe maman, je pense qu'il n'a pas eu le temps de faire son deuil.
Je joue avec ma langue contre mes joues, avant d'exercer une petite succion. J'avais oublié que lui aussi avait perdu sa mère, et je me rends compte que j'ai réagi comme une enfant, en faisant la tête bêtement à maman. Après tout, ce n'est certainement pas facile pour elle, car elle prend la place d'une mère et d'une épouse qui les a quittés prématurément tout comme papa. J'inspire profondément, et je lâche le bout de tartines de mes doigts, pour m'appuyer contre ma mère. Celle-ci passe son bras autour de moi, et elle embrasse le haut de ma crinière feu, avant de sortir une boite de sa poche... ou plutôt un écrin.
- J'avais promis d'attendre que tu aies fini le lycée, mais je pense qu'avec tous ces changements, je peux te le donner, fait maman dont la voix est devenue très basse.
Maman semble éprouvée une tristesse profonde, alors qu'elle dépose l'écrin dans ma main et je la regarde, contenir ses larmes en souriant.
- Ton père a acheté cela, quelques temps avant son accident, murmure-t-elle alors que j'entrouvre la boite.
Mon cœur fait un arrêt, en comprenant que cela vient de papa, et mes larmes débordent à mon tour de mes yeux.
- Il l'avait vu dans une brocante, et il voulait te l'offrir quand tu rentrerais au lycée, continue maman alors que nous pleurons toutes les deux.
J'essuie mon regard qui s'est rempli de larmes, et j'ouvre pour découvrir une luciole de couleur feu comme mes cheveux.
- Il t'aimait tellement, pleure maman en prenant le collier pour le passer à mon cou, il serait si fier de toi.
Je glisse mes doigts sur la luciole de feu, qui représente le dernier cadeau de papa, et nous nous effondrons toutes les deux en larmes sur mon lit. Papa, tu me manques...
Drazic
Peter me laisse passer la soirée dans le bar comme je le pensais, en me disant que cela me permettrait d'avoir une idée de ce qui m'attend. Honnêtement, je suis là depuis des heures, et je vois surtout des jeunes hommes ou autres, tenir compagnie à ses femmes, tout en souriant, les servant et leur offrant la sensation d'être importante. Je relève un peu ma capuche, quand une femme seule semble me tenir du regard. Amenant le goulot de ma bouteille à mes lèvres, je souris en regardant la couleur chocolat de son regard. Après tout, dans quelques jours, je devrai jouer ce genre de donjuan avec ce style de femmes frivoles... ouais je ne suis pas stupide, les femmes qui viennent ici, proviennent entre autres de la ville voisine, ou ce sont des femmes divorcées qui veulent se sentir aimer. La femme se lève de sa chaise, en emmenant son verre, et elle vient dans ma direction. J'avoue que pour le coup, si toutes les clientes sont aussi bien foutues qu'elle, je vais avoir du mal à contenir ce qui se trouve entre mes jambes. Mais c'est la règle absolue de Peter, et je serais suicidaire si je tentais de lui désobéir.
- Cela te dérange si je m'assois, me demande-t-elle et je détourne une seconde mon regard vers Peter qui acquiesce de la tête.
- Ce siège est tout à vous, lui dis-je en souriant.
La femme me rend mon sourire, et alors que je m'attends à ce qu'elle se mette à côté de moi, je suis surpris qu'elle se mette en face.
- Je ne fais pas dans la jeunesse, me fait-elle avec un sourire narquois.
- Il faut un début à tout, lancé-je en me redressant amusé.
- J'ai passé une journée éreintante, et j'ai plutôt envie de discuter, continue-t-elle en faisant signe au serveur de nous remettre un verre.
Je suis à la fois subjugué par sa façon de sourire, tout comme cette manie qu'elle a avec sa lèvre, qu'elle mord en revenant vers moi.
- Je suis de passage, entre deux présentations, m'explique-t-elle comme si cela m'intéressait, mais je sais que tu t'en fous.
Putain, plus franche que ça, tu meures ! Quoique la nana dans la voiture de Rod semblait aussi avoir du répondant. J'esquisse un de mes plus charmants sourires, et elle me parle de la chaleur étouffante de Wichita, en m'expliquant qu'en Espagne, c'est bien plus supportable. Je l'écoute, vraiment intéressé de chacun des mots qui sortent de sa bouche, comme si j'étais totalement ensorcelé. En un mouvement de ses doigts dans ses longs cheveux noirs, elle change de conversation en regardant la femme qui se trouve quelques tables plus loin.
- Elle ressemble à Cruella d'enfer, se met-elle à rire.
En effet, je ne peux qu'acquiescer, et nous passons le reste de la soirée à juger toutes les femmes qui se trouvent dans ce bar, comme si nous étions des amis de longues dates. Un moment enfantin, dans un monde qui ne les pas du tout, mais qui me fait vraiment sourire. J'ai passé un merveilleux moment avec cette femme, et nous nous sommes retrouvés les derniers clients du bar, quand je regarde mon portable, ahuri.
- Merde ! m'exclamé-je en me levant d'un bond.
- Tu as cours ? me demande-t-elle en se levant à son tour.
- Ouais, et il est hors de question que je sois en retard, lui expliqué-je.
- Je peux te déposer, si tu veux, me fait-elle en me suivant à la sortie.
- Non, c'est bon, j'ai ma bécane, lui fais-je en lui montrant.
- Cool. Eh bien, j'espère que tu ne t'endormiras pas en cours, sourit-elle avant d'allumer sa cigarette.
- Je mettrai des cure-dents sous mes paupières pour les tenir, lancé-je en portant mes doigts à mes yeux pour les agrandir.
Un rire sublime résonne à cet instant, et je souris, content d'avoir passé un moment si agréable avec une si belle femme.
- Bon, je vais te laisser. Gamin, une chose, fait-elle avant d'expirer la fumée de sa cigarette, joue sur le charme de ton regard, mais protège ton cœur. Nous sommes dans un monde où les apparences sont plus que trompeuses. Tu es jeune, et tu risques de te mordre les doigts en travaillant dans un tel endroit.
- Merci, fais-je surpris de son avertissement.
- Ne me remercie pas, je suis la première à me faire avoir ! lance-t-elle en riant.
Mais en la regardant vraiment, je me rends compte que son regard illuminé se brouille et je déglutis nerveusement, me rendant compte que son avertissement valait pour elle. Qui oserait faire souffrir une si belle femme ?
Mon portable sonne et je le sors de ma poche, me rendant compte que c'est Rod. Le temps que je ramène mon regard vers elle, celle-ci a déjà disparue pour rejoindre sa voiture rouge. Une rencontre que je n'oublierai pas.
- Ouais ! lâché en décrochant, je vais en cours papa !
Morgane
J'ai refusé que ma mère me conduise pour mon premier jour, jugeant que j'étais assez mature pour me débrouiller. Un lycée, reste un lycée. Le bus est une vraie horreur, et je regrette pour le coup de ne pas avoir accepté de prendre la voiture que James tenait à me prêter. Ce bus était tellement bombé, que je pouvais sentir le parfum de transpiration, émaner de chacun d'eux. Pour le coup, je suis contente d'avoir mis la dose de déodorant avant de quitter la maison. Face au bâtiment principal, j'inspire profondément pour me donner du courage. Je sens déjà le regard pesant des autres sur moi. Ah ben oui, une rousse avec des formes, cela ne passe pas inaperçu. Je commence à monter les marches de l'escalier, tout en portant mon regard sur celles-ci, m'évitant ainsi de croiser le regard choqué des autres à mon passage.
- Hey Morgan ! On a cru que tu ne viendrais pas ?! s'écrie une voix et je relève mon regard surpris quand je me fais bousculer par un mec à capuche noire.
Mes yeux s'écarquillent, en reconnaissant le con qui m'a accosté dans la voiture de Rod...